La grande verrière d’Hauterive mariera l’ancien et le contemporain
Amputée de ses deux rangées inférieures, la grande verrière du choeur de l’église de l’abbaye d’Hauterive (FR) va retrouver son intégrité. L’artiste fribourgeoise Catherine Liechti a été choisie pour compléter les parties manquantes avec son projet ‘Laudes’. Elle a su répondre aux défis de s’intréger avec l’ancien et d’exprimer une dimension spirituelle dans un langage contemporain.
La Fondation d’Hauterive a révélé à la presse, le 11 janvier 2024, le projet lauréat du concours visant à compléter les vitraux de la verrière du chœur de l’église Sainte Marie. Avec le projet ‘Laudes’, la Fribourgeoise Catherine Liechti, en collaboration avec le maître verrier Pascal Moret, a remporté ce concours artistique lancé en mai 2023 et s’inscrivant dans le cadre de la restauration de l’église abbatiale d’Hauterive.
La lumière, actrice de la liturgie des heures
Pour la communauté des moines, il s’agit de l’élément essentiel de la restauration de leur église, a souligné le Père Abbé Don Marc de Pothuau. La liturgie des heures que les moines célèbrent pour chanter la louange de Dieu est entièrement axée sur la thématique de la lumière. La marche du soleil au long de la journée et des saisons constitue en quelque sorte l’actrice majeure de la liturgie. Prier devant un vitrail ›cul-de-jatte’ répond mal à l’aspiration des moines.
La verrière du chœur placé immédiatement derrière le maître-autel forme comme un retable. Le fait que la lumière du soleil puisse la traverser pour frapper l’autel est un symbole déterminant. Or aujourd’hui les ‘bouchons’ de molasse empêchent les rayons de pénétrer dans le chœur. C’est un ‘raté monumental’ qu’il fallait corriger.
«Faire entrer plus de lumière naturelle dans l’église est un des objectifs généraux de la restauration», a confirmé Charles Henri Lang, président de la commission de bâtisse.
Rétablir la paix avant le coucher du soleil
«Au départ, je ne connaissais pas grand chose de la vie des moines et de la liturgie des heures», a reconnu l’artiste Catherine Liechti. «Je suis venue plusieurs fois à Hauterive pour voir apparaître le lumière du soleil et je me suis laissée inspirer par la règle de saint Benoît qui dit qu’il faut «rétablir la paix avant le coucher du soleil avec celui dont nous sépare la discorde .»
L’autre idée a été de construire son vitrail sur une structure géométrique inédite découverte par des mathématiciens en 2023. Constituée d’une forme unique, un polygone à 13 côtés, elle a la particularité de paver de manière apériodique l’ensemble du plan uniquement par rotation ou translation.
Par le jeu des couleurs et des formes, le pavage laisse apparaître des colombes blanches, évocations de la pureté de l’âme et de la paix. Le tapis multicolore de l’ancien vitrail est réinterprété dans des verres dégradés de plusieurs couleurs.
Techniquement le vitrail intégrera aussi les méthodes les plus modernes avec une découpe à l’eau sur une machine numérique et pose sur une résille métallique.
Exprimer la dimension spirituelle
La Commission fédérale des monuments historiques avait mis trois conditions pour autoriser le remplacement des ‘bouchons’ a précisé Bernhard Furrer, son ancien président. La première était que la grande verrière conserve son entité globale entre le nouveau et l’ancien. La deuxième était d’exprimer une dimension spirituelle et la troisième était d’avoir un aspect contemporain en évitant le faux-vieux historicisant. Pour l’expert fédéral, le projet de Catherine Liechti répond parfaitement à ces exigences.
Fin de travaux à l’horizon 2025
Le président du Conseil de fondation d’Hauterive, l’ancien conseiller d’Etat Georges Godel, s’est félicité de cette nouvelle étape des travaux. Après le nouvel aménagement liturgique, la restauration des stalles, la rénovation des décors peints et de voûtes, la reconstitution de de la verrière permet de maintenir l’horizon 2025 pour l’achèvement des travaux. Le financement de l’ordre de 9 millions de francs n’est pas encore totalement assuré, mais Georges Godel reste confiant.
Les planches de la lauréate et des sept autres candidat-es seront exposées au public les 13, 14, 20 et 21 janvier 2024 dans l’église Sainte Marie. (cath.ch/mp)
Une recomposition
La grande verrière qui occupe tout la façade est du choeur de l’église abbaye d’Hauterive est déjà en fait une recomposition d’éléments de diverses époques. Environ un tiers du vitrail remonte au XIVe siécle. Déplacée un temps à la cathédrale St-Nicolas de Fribourg, la verrière a été replacée à Hauterive dans les années 1930. Plusieurs éléments anciens ayant disparu au cours des vicissitudes de l’histoire, elle a été alors complétée par une galerie de six saints bénédictins et cisterciens occupant le registre supérieur. Les deux registres inférieurs ont été murés au XVIIIe siècle avec l’installation d’un maître autel baroque supprimé en 1946.
Le choeur d’Hauterive possède encore deux vitraux du moyen-Age placés dans des verrières latérales qui seront également nettoyés et restaurés.
Catherine Liechti
Née en 1971, Catherine Liechti vit et travaille à Fribourg. Au bénéfice d’une formation en arts visuels à la HEAD à Genève puis d’une formation en tant qu’enseignante en arts visuels, elle enseigne depuis 2002 à l’HEP-FR ainsi qu’à l’Université de Fribourg. Catherine Liechti a exposé à de nombreuses occasions en Suisse ainsi qu’à l’étranger et a également présenté diverses performances. Elle a notamment réalisé plusieurs interventions artistiques sur bâtiment dans le canton de Fribourg (Hôtel Cantonal de Fribourg, CO de Riaz, etc.). Catherine Liechti a décroché en 2023 la bourse de création en arts visuels attribuée par l’Etat de Fribourg pour son projet « VolteFace », une installation autour du verre et de la lumière dans la Tour Rouge à Fribourg, qui sera présentée en 2024.