La «famille» des Pèlerinages bibliques romands fête ses 50 ans
Les Pèlerinages bibliques romands (PBR), repris en 2017 par l’agence de voyage ad gentes, célèbrent en 2022 leurs 50 ans d’existence. La démarche, qui a permis le ressourcement spirituel de nombreux fidèles, a pris en cours de route une importante dimension «familiale».
Grégory Roth et Raphaël Zbinden
Les PBR sont, depuis 1972, une véritable institution en Suisse romande. De nombreux fidèles ont en mémoire la pénombre du St-Sépulcre, la ferveur des pèlerins de Lourdes ou le soleil ardent de Fatima. Pour rendre hommage à cette longue et riche aventure, l’agence de voyage ad gentes, basée à Genève, organise pour le jubilé un événement spécial le 19 novembre, à Siviriez (FR), dans la patrie de Marguerite Bays. Parmi d’autres activités sur les pas de la sainte, une messe festive sera notamment donnée par Mgr Alain de Raemy, évêque auxiliaire de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF).
Offrir des expériences spirituelles
Alexandre Python, directeur d’ad gentes, se félicite d’avoir repris, en 2017, les PBR et se réjouit de fêter les 50 ans de cette aventure. Il se rappelle avec émotion de lieux visités «où la grâce était palpable», tels que Medjugorje, Lourdes, ou encore le St-Sépulcre de Jérusalem.
Des expériences spirituelles intenses qu’il est satisfait d’avoir pu offrir à bien d’autres pèlerins, comme ces derniers le lui confient souvent. Il a conscience que son rôle dans la démarche est de faire en sorte que «tout soit parfait dans l’organisation, pour que les participants puissent passer leur séjour en tout sérénité et se concentrer sur l’essentiel.»
Besoin de rajeunissement
Dès 1972, les PBR ont rapidement connu un vif succès. Mais aujourd’hui, force est de constater que l’affluence est en nette baisse. «Au lieu des 30 à 50 personnes dans les années fastes, nous emmenons plutôt de nos jours entre 10 et 20 pèlerins», note Alexandre Python. Les participants sont aussi de plus en plus âgés. «Cela correspond bien sûr à la baisse du nombre de fidèles et au vieillissement général des pratiquants, souligne Alexandre Python».
Les organisateurs tentent ainsi de rajeunir la clientèle. «L’une des pistes pour cela est de rajeunir les animateurs, en invitant notamment de jeunes prêtres. Ils amènent souvent eux-mêmes des amis et des connaissances de leur génération. Nous nous efforçons aussi de diversifier les offres, en proposant notamment des pèlerinages en familles.»
Vivre quelque chose ensemble
Les destinations aussi se diversifient, en sortant des excursions habituelles vers la Terre Sainte, Compostelle, Fatima, ou encore Lourdes. Des «découvertes de pays» sont notamment proposées, aussi réalisables hors dimension religieuse. «Les participants peuvent allier foi et culture ou simplement rencontrer les cultures locales». Les lieux de pèlerinages classiques fonctionnent toutefois encore très bien, note le directeur d’ad gentes.
Au-delà de l’aspect spirituel, Alexandre Python voit une expérience humaine forte. «Voyager ensemble crée inévitablement des liens et amène un enrichissement mutuel. Il est clair que pour nombre de pèlerins, dont beaucoup sont des habitués, la joie est aussi de vivre quelque chose ensemble. La dimension de famille est clairement l’un des principaux moteurs des PBR.» RZ
Abbé Bernard Allaz, prêtre globetrotteur des PBR
Aumônier des Pèlerinages bibliques romands (PBR) depuis 2001, l’abbé Bernard Allaz, aujourd’hui prêtre auxiliaire à Fribourg, a organisé une centaine de voyages avec l’agence, dont près de cinquante en Terre Sainte. Témoignage.
Comment avez-vous découvert les pèlerinages?
Bernard Allaz: Pour mes 40 ans, les paroissiens de Belfaux m’ont offert mon premier pèlerinage en Terre Sainte, et sont venus avec moi. L’année suivante, en 1987, j’y suis retourné avec PBR comme apprenti guide, en compagnie de l’abbé Pierre Bürcher. Et quatre ans plus tard, j’ai obtenu la carte verte [carte officielle de guide, ndlr]. J’ai aussi attrapé le virus du voyage et celui de la Terre Sainte.
Dès les premiers voyages, j’ai eu la chance de pouvoir rencontrer des Palestiniens. Nous avons été mis en contact avec l’École de Reneh, près de Nazareth. Le Père Elias est venu donner une conférence et nous avons mieux compris la question palestinienne. Et le dimanche, nous sommes allés célébrer dans sa paroisse et manger dans les familles des paroissiens.
Manger dans les familles est une option que j’ai proposée pendant longtemps aux pèlerins qui m’accompagnaient.
A Reneh, nous avons énormément aidé l’école. Quand je l’ai connue, il y avait 185 élèves. Aujourd’hui, ils sont 1’300. Le curé a beaucoup travaillé pour agrandir cette école.
Comment se passait le contact entre les pèlerins et les familles?
Lorsque nous étions sur place pour la rencontre avec les familles, j’ai constaté que certains participants ne voulaient pas aller dans des familles musulmanes. Mais il faut savoir que les écoles en Terre Sainte comptent en tout cas un tiers de musulmans. Parce qu’il n’y a pas assez de chrétiens pour remplir les écoles. Une année, certains pèlerins peureux m’ont dit: «Si on va chez des musulmans, ils vont nous faire du mal». Et ils ont été, par chance, chez des musulmans qui parlaient très bien le français. Ils ont eu un plaisir immense et ils sont revenus avec un tout autre regard sur l’islam.
J’ai pu proposer ces rencontres jusqu’à ce que je prenne conscience que les participants ne voulaient plus aller dans les familles. J’ai regretté, car c’était un bon contact et ça donnait un autre regard.
Combien de jours partiez-vous en général?
Nous partions en Terre Sainte une quinzaine de jours, mais avec les années d’expériences, et en constatant la fatigue et le mal du pays de certains participants, j’ai diminué à onze-douze jours. C’est un bon temps pour commencer au Néguev, passer par Jérusalem, le lac de Tibériade, et finir à Emmaüs Nicopolis.
Avez-vous déjà eu peur pour votre vie?
Les pèlerinages que j’ai accompagnés se sont toujours bien passés. On me demande souvent: est-ce que tu as eu des risques? Une fois, nous nous étions retrouvés à Jéricho, et les soldats israéliens ne nous ont pas laissé traverser la place, car il y avait des Palestiniens qui attaquaient l’armée, mais ils n’avaient que des cailloux. La situation a toutefois stressé notre chauffeur, qui s’est mis à rouler à tombeau ouvert, et j’ai dû lui demander de se calmer.
Je me suis souvent organisé avec les deux mêmes chauffeurs, pour les grands comme pour les petits groupes. L’un d’eux nous avait une fois invité chez lui, alors qu’il avait un enfant handicapé. Beaucoup de pèlerins m’ont dit: «Tu as une grande amitié avec lui, pour qu’il te montre sa famille et son enfant handicapé».
Hormis la Terre Sainte, dans quels pays avez-vous voyagé?
J’ai fait beaucoup de pèlerinage aussi dans les pays de l’Est, avec un grand plaisir de découvrir l’orthodoxie, en Bulgarie et Roumanie, notamment. Je suis allé une dizaine de fois en Pologne, à cause d’un confrère qui est venu me remplacer une quarantaine de fois en été, et nous partions avec les paroissiens fribourgeois, que ce soit à St-Aubin, en Gruyère ou à Ecuvillens, au contact de cette «foi polonaise». Un des beaux souvenirs a été un voyage ‘foi et culture’ effectué en Lituanie – Pologne.
Vous êtes aumônier du PBR, en quoi consiste ce rôle?
L’aumônier assure la prière et les prédications lors des sessions.
«J’ai toujours essayé de visiter des écoles pendant les voyages»
Abbé Bernard Allaz
Pour ma part, j’ai toujours préparé un petit feuillet de prière pour les pèlerins. Que ce soit en Amérique du Sud, – Pérou –, ou en Asie, comme au Vietnam et en Corée du Sud. Et lors des pèlerinages ‘foi et culture’, comme en Égypte, j’ai préparé non seulement un recueil de prières chrétiennes et coptes, mais également des méditations de la religion égyptienne, dont il existe de très beaux cantiques. Et à chaque fois, j’ai également préparé un feuillet musulman, pour ouvrir le cœur et l’esprit des gens au pays qu’il découvre.
Avez-vous senti une évolution dans la pratique des pèlerinages?
La pratique des pèlerinages est stable. Avec le temps, je constate que nous avons quand-même un manque de relève du côté des animateur-trice-s. Aussi, nous effectuons moins de voyages qu’avant. Et pour certaines destinations, comme Lourdes, par exemple, nous nous joignons à d’autres pèlerinages.
Quels sont les plus beaux souvenirs de vos voyages?
J’ai des très bons souvenirs, surtout des rencontres sur place. J’ai toujours essayé de visiter des écoles pendant les voyages, surtout lors des pèlerinages. C’était une habitude du PBR à laquelle je tiens beaucoup. Au Laos, nous avions rencontré des enfants sourds et muets. Plutôt que d’apporter de l’argent dans l’école, que les enfants ne verraient pas, nous nous sommes cotisés pour leur offrir deux bus scolaires de marchandises et 25 kilos de riz. (cath.ch/rz/gr)
50 ans de voyages
Maurice Quartenoud a incarné pendant longtemps les Voyages PBR. Dans les années 1970, il travaille chez Ritschard, une agence de voyages créée en 1951, à Lausanne. Le catholique pratiquant vend des voyages. Sa carrière évolue lorsqu’il est sollicité en 1972 pour organiser un voyage en Terre Sainte pour un groupe de 40 pèlerins. Le succès est au rendez-vous. Les demandes vont se multiplier au point que Maurice Quartenoud va créer un département de voyages religieux et de pèlerinages au sein de l’agence lausannoise.
Le grand tournant de sa carrière se situe en 1977, lorsque la Conférence des évêques suisses lui demande d’organiser un pèlerinage à Rome. A l’occasion de l’Année sainte, 2’500 pèlerins accompagnent leurs évêques dans la ville éternelle. Son activité continue à se développer à une époque où le voyage en avion se démocratise, avec l’allongement des vacances et un contexte économique favorable.
Il crée sa propre agence en 1992: les Voyages PBR SA. Avec des hauts et des bas, selon le contexte politique au Moyen-Orient, l’agence se développe et devient une référence dans le voyage religieux, notamment en Terre Sainte. Maurice Quartenoud a démissionné pour des raisons de santé le 1er avril 2017. ad gentes reprend cette année-là les activités de PBR dont les animateurs ont rejoint le repreneur. BH