Le patriarche Cyrille Ier de Moscou et le pape François (Photos: DR)
Vatican

La déclaration commune entre Rome et Moscou sous le feu des critiques     

Quatre jours après la déclaration commune signée par le pape François et le patriarche orthodoxe de Moscou Cyrille, le 12 février 2016, des voix de protestation se font entendre, tempérées par les appels à l’apaisement de la part de la diplomatie vaticane. Certains jugent la déclaration trop politisée. Les gréco-catholiques ukrainiens se sentent trahis par le Vatican. D’autres encore dénoncent le manque d’engagement de la part de Moscou ou le manque de clarté du texte.

La déclaration de La Havane inquiète en effet les gréco-catholiques ukrainiens qui y voient un soutien du Saint-Siège à la politique russe au Moyen-Orient et à «l’agression de la Russie en Ukraine». Dans une interview rapportée par le site spécialisé Vatican Insider, Mgr Sviatoslav Shevchuk, chef de l’Église gréco-catholique d’Ukraine, met en doute l’expertise du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens qui a participé à la rédaction de la déclaration commune. Le dicastère, déclare-t-il, est «compétent en matière de théologie», mais non «en politique internationale». Une faiblesse regrettable, estime-t-il, pour un document «conçu non pour être théologique, mais essentiellement socio-politique».

Mécontentement gréco-catholique

L’archevêque majeur de Kiev souhaite cependant ne pas en rester à une «clé politique». Il encourage les fidèles gréco-catholiques qui se sentent trahis à «ne pas dramatiser cette déclaration et ne pas exagérer son importance dans la vie de l’Eglise». Il admet aussi que dans le texte de la déclaration commune, les orthodoxes «n’ont plus d’objections vis-à-vis de notre droit d’exister. (…) Notre droit de soin pastoral pour nos fidèles, là où ils en ont besoin, est reconnu».

Alors que les fidèles ukrainiens attendaient une repentance russe sur le martyre subi durant la période soviétique, le nonce en Ukraine, Mgr Claudio Gugerotti, a joué la carte de l’apaisement, dans un discours aux religieux du pays rapporté par le site proche du Saint-Siège Il Sismografo: «Je sais combien ce peuple ukrainien souffre dans sa propre chair la peine de l’incompréhension, a-t-il assuré. Prenez patience (…), car il faut ›faire des compromis’ pour faire un texte commun». Et puis, a noté Mgr Gugerotti, «une grande partie de l’humanité a déjà oublié le texte» mais elle se rappellera de l’embrassade entre les deux chefs d’Eglise.

La «nouvelle maturité de la communauté des chrétiens»

Mgr Ivan Jurkovic, qui était le nonce apostolique en Russie jusqu’au 13 février dernier, juge quant à lui au micro de Radio Vatican que les fruits de la rencontre de Cuba sont «prometteurs», en particulier pour «un dialogue plus serein avec toute l’orthodoxie». Si l’événement est «en soi extraordinaire», il invite cependant à le «normaliser». Il s’agit, explique-t-il, d’une rencontre entre deux frères, d’un événement familial, donc «normal», «humain» et «nécessaire».

Pour le diplomate, le contenu le plus profond de toute la rencontre est la défense des chrétiens persécutés ainsi que l’appel conjoint à la communauté internationale pour mettre fin à la violence au Moyen-Orient. Le pontife argentin et le patriarche russe, fait-il observer, sont «deux personnalités très visibles dans le monde et l’effet qu’aura leur déclaration dépasse les formulations verbales». Il souligne la valeur symbolique énorme de cette rencontre qui illustre la «nouvelle maturité de la communauté des chrétiens».

Un message pour un nouveau regard

La déclaration commune, note encore Mgr Jurkovic, exprime une forte préoccupation pour la crise de la famille et «une concorde totale» quant au «droit inaliénable à la vie». Le nonce invite à ne pas entrer non plus dans «des affirmations polémiques» concernant les tensions entre gréco-catholiques ukrainiens et orthodoxes et à éviter «certaines interprétations qui modifient la vérité». Bien que les difficultés «se comprennent mieux, plus adéquatement, quand on est sur les lieux», il remet la déclaration commune à sa juste place, celle d’un message permettant «un nouveau regard, un nouvel optimisme». (cath.ch-apic/imedia/ak/rz)

Le patriarche Cyrille Ier de Moscou et le pape François (Photos: DR)
16 février 2016 | 13:43
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture : env. 3  min.
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