La «Charte des valeurs québécoises» devrait être rendue publique le 9 septembre

Québec: Le maire de la Ville défend le patrimoine religieux municipal

Québec, 2 septembre 2013 (Apic) Face aux pressions des milieux «laïcards», le maire de Québec, Régis Labeaume, défend le patrimoine religieux municipal. Pas question pour lui de délaisser la traditionnelle messe du 3 juillet, de retirer le crucifix de l’Hôtel de Ville ou de renvoyer chez lui l’aumônier catholique au service de la Ville.

La Ville de Québec emploie en effet un aumônier attaché aux pompiers, mais qui agit également auprès d’autres employés municipaux, notamment pour les soutenir lors de deuils, d’accidents et de moments difficiles, rapporte l’émetteur chrétien québécois «Radio Ville Marie». Le prêtre catholique René Roy est l’unique aumônier en poste à la Ville de Québec et il y occupe cette fonction depuis 1995.

Le maire de Québec a été interpellé sur cette présence, car le projet de «Charte des valeurs québécoises» pourrait étendre aux municipalités les interdictions de porter des signes religieux. Régis Labeaume doit rencontrer le ministre québécois responsable des Institutions démocratiques, Bernard Drainville, pour en discuter dès le 3 septembre 2013.

En janvier 2011, la Ville de Québec a abandonné l’une de ses plus vieilles traditions religieuses en mettant fin à la messe annuelle à Nouvel An, au cours de laquelle le maire souhaitait la bonne année aux employés municipaux. La messe, dont l’origine pourrait remonter au 18e siècle, avait lieu à la basilique-cathédrale Notre-Dame de Québec, située tout juste en face de l’Hôtel de Ville.

Le Mouvement laïque québécois (MLQ) est en pointe pour réclamer devant les tribunaux la laïcisation des institutions publiques du Québec. Un des principaux objectifs du MLQ est l’adoption d’une «Charte de la laïcité», mais aussi l’insertion d’amendements à la Charte des droits et libertés de la personne pour garantir la laïcité et la neutralité de l’Etat.

Interdire les signes religieux pour garantir la laïcité et la neutralité de l’Etat

Le gouvernement minoritaire, dirigé par le Parti québécois (PQ) de la Première ministre Pauline Marois, entend rendre public le 9 septembre son projet de «Charte des valeurs québécoises», selon le quotidien québécois «La Presse» de Montréal. Ce projet donne lieu depuis plusieurs jours à d’intenses discussions sur sa nature et ses objectifs au Québec. Jusqu’ici, tant le Parti libéral du Québec que Québec-Solidaire ont signalé leur désaccord. La Coalition Avenir-Québec (CAQ) a indiqué qu’elle pourrait appuyer le gouvernement, mais à certaines conditions. La CAQ se range en partie derrière la proposition du rapport de la Commission Bouchard-Taylor sur les «accommodements raisonnables» (*) qui proposait que le port de signes religieux soit interdit seulement aux personnes qui représentent le plus l’autorité et la neutralité de l’Etat, dont les juges. La CAQ estime toutefois que cette catégorie comprend également les directeurs et enseignants du primaire et du secondaire.

Selon les informations fragmentaires qui ont circulé jusqu’ici, le gouvernement aurait plutôt l’intention d’interdire le port des signes religieux à tous les employés des fonctions publiques et parapubliques, tout en permettant à certaines institutions – un hôpital juif par exemple – de bénéficier d’un droit de retrait renouvelable périodiquement. Lors du précédent gouvernement de Jean Charest, le projet de loi 94 préparé à l’époque prévoyait que les services publics devaient être dispensés et reçus à visage découvert. Le projet de loi visait ainsi particulièrement certains voiles religieux, dont le niqab et la burqa, portés par une poignée de femmes au Québec.

Mgr François Lapierre, évêque de Saint-Hyacinthe, doute pour sa part qu’une «Charte des valeurs québécoises» soit la réponse appropriée pour traiter les cas d’»accommodements raisonnables». L’Etat doit rester neutre, estime-t-il, mais il ne peut obliger tous ses employés à l’être. «C’est évident qu’il y a une crainte chez plusieurs… Des enseignants qui portent une croix sont venus me voir, inquiets. Ils se demandent s’ils devront retirer leur croix», relève Mgr Lapierre. L’évêque souhaite certes que des précisions soient apportées au sujet de la laïcité au Québec, mais il pense que l’Etat outrepasse sa raison d’être en cherchant à légiférer sur les valeurs. «L’Etat doit préserver la liberté de conscience et de religion. Il doit être neutre. Mais les gens qui travaillent pour l’Etat, eux, ne sont pas nécessairement neutres. Et l’Etat ne peut les obliger à l’être!»

«La foi n’est pas une réalité du passé»

A ses yeux, ce projet touche aussi à la question de l’immigration et de la peur de l’autre. «Au 21e siècle, dans notre société, l’accueil des immigrants et des différences est très importante». Mgr Lapierre croit que l’ensemble des évêques du Québec prendra position pour réaffirmer l’importance de la liberté religieuse et de la liberté de conscience. Par définition, rappelle-t-il, cette priorité consiste souvent à protéger les minorités. «On ne veut pas que les minorités se sentent marginalisées».

En faisant explicitement référence aux juifs et aux musulmans, l’ancien missionnaire souhaite que le gouvernement du Québec se positionne plutôt comme un Etat laïc qui accorde une place aux multiples réalités religieuses «dans leurs diverses expressions… Beaucoup de gens vivent dans la foi. L’Etat ne peut pas ignorer cette réalité-là. Je ne vous cache pas que je suis un peu agacé parfois qu’on parle de la foi comme une réalité du passé. C’est une réalité actuelle!».

(*) Au Québec, les juristes utilisent le concept d’»accommodement raisonnable» pour désigner différentes mesures destinées à minimiser la discrimination dont pourrait être victime un individu issu d’une minorité à l’intérieur de la société canadienne. Ce concept s’applique à plusieurs motifs de discrimination, dont le sexe, la grossesse, l’âge, le handicap et la religion. (apic/rvm/com/be

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2 septembre 2013 | 11:53
par webmaster@kath.ch
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Québec (79)
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