La CarteCulture Caritas: un passeport contre la pauvreté
Aller au musée, s’abonner à un journal, faire des brasses à la piscine ou suivre un cours de langue sont autant d’activités que les personnes à petit budget ne peuvent souvent pas s’offrir. La CarteCulture de Caritas leur permet de retrouver ou de développer leur vie sociale.
A l’occasion de la Journée mondiale des pauvres du 17 novembre 2024, cath.ch revient sur l’offre de la CarteCulture de Caritas. Une prestation en forte expansion mais qui reste cependant méconnue.
«Il est facile, en parlant des pauvres, de tomber dans la rhétorique. Il y a aussi une tentation insidieuse de s’arrêter aux statistiques et aux chiffres. Les pauvres sont des personnes, ils ont des visages, des histoires, des cœurs et des âmes», rappellait le pape François dans son message pour la Journée mondiale des pauvres de 2023.
La culture: un besoin primaire
«La culture, les loisirs ou le sport ne sont souvent pas perçus comme des besoins primaires. Or, ils permettent aux personnes en précarité de rester actives, de participer à la vie sociale et de lutter contre l’isolement et ainsi garantir le respect de la dignité des personnes», souligne Chloé Schaüblin, responsable de la CarteCulture pour Caritas-Vaud.
Dans le canton de Vaud, où la CarteCulture a été mise en en place à partir de 2012, Caritas a choisi de la proposer aux gens qui bénéficient des subventions de l’Etat pour les primes d’assurance-maladie. Ce qui veut dire que le cercle est assez large que la CarteCulture est accessible aux foyers à petit budget. Ce sont la plupart du temps des gens qui travaillent mais qui se situent dans la classe des ‘working poors’ (travailleurs pauvres) et ne peuvent pas bénéficier de l’aide sociale.
«Nous avons à ce jour distribué 85’000 cartes culture. La carte est individuelle, gratuite et renouvelable. Elle peut être remise à des enfants dès l’âge de cinq ans», précise à cath.ch Chloé Schaüblin. Une autre part des bénéficiaires est constituée par les réfugiés et les requérants d’asile.
Un principe simple 30 à 70% de rabais
Le principe est simple, la CarteCulture donne d’abord accès aux épiceries Caritas où l’alimentation et les produits de la vie quotidienne coûtent environ 30% de moins que dans le commerce de détail. Les titulaires obtiennent aussi un rabais de 30% dans les boutiques de seconde main de Caritas.
Le sésame offre ensuite et surtout un rabais de 30% à 70% sur un très vaste panel d’activités culturelles, sociales et sportives. Dans le canton de Vaud, le catalogue en recense plus de 300. Du cinéma, au théâtre, des concerts aux manifestations sportives, des musées aux festivals, des cours de danse au fitness, de l’école du cirque aux patinoires, de la formation aux abonnements médias etc. La CarteCulture est valable dans toute la Suisse et ses détenteurs peuvent bénéficier des offres dans les autres cantons.
Les partenaires jouent le jeu
Le système fonctionne grâce à des partenariats que Caritas développe. En règle générale, les institutions, entreprises ou organisations partenaires doivent offrir un rabais d’au moins 30% sur leur prestation, mais certaines vont jusqu’à 50 ou 70%. «Globalement, les quelque 200 partenaires jouent bien le jeu», se félicite Chloé Schaüblin. C’est aussi un moyen pour elles de faire leur promotion et de gagner de nouveaux clients. D’autres mettent aussi en avant leur responsabilité sociale. Le canton de Vaud ajoute une subvention au titre de la cohésion sociale qui contribue au financement de l’organisation.
Pas de stigmatisation
«La CarteCulture présente aussi l’avantage d’éviter la stigmatisation des personnes, puisque les gens restent totalement libres et autonomes dans son utilisation. Pour la plupart, elle fonctionne comme une carte de fidélité dans un commerce», relève la responsable vaudoise. Dans certains cas, Caritas remet aussi directement des billets pour des manifestations. Enfin la CarteCulture peut organiser elle-même des événements spécifiques.
«Jusqu’à l’an dernier, nous avions un catalogue papier, mais comme il évoluait constamment et était vite périmé, nous y avons renoncé». Le programme figure sur une page internet où on peut obtenir des billets ou faire des réservations. Pour éviter la fracture numérique, les renseignements peuvent aussi être obtenus par téléphone ou à la réception de Caritas.
Un canton de Vaud pionnier
Le canton de Vaud a fait œuvre de pionnier. Il a distribué 46% des 185’000 cartes diffusées dans le pays (voir encadré). La raison en est assez simple. Tous les deux ans, lorsqu’il renouvelle l’octroi des subventions pour les caisses-maladies, l’Etat avertit systématiquement les bénéficiaires qu’ils peuvent demander la CarteCulture. Il en est de même de l’EVAM (Etablissement vaudois de l’accueil des migrants). La CarteCulture peut également être demandée au secrétariat ou dans les épiceries Caritas.
Faciliter l’accès aux activités
Selon l’enquête commanditée par Caritas Suisse, une des difficultés actuelles est celle de l’accès aux offres pour les personnes qui ne vivent pas dans les centres urbains. Se déplacer en transports publics pour rejoindre une activité en ville peut s’avérer coûteux et constituer un obstacle. Mais globalement l’intérêt de la carte culture est largement vérifié. (cath.ch/mp)
La vie quotidienne est oubliée pour un après-midi
Chrystyna et sa fille Maria, 23 ans, ont fui l’Ukraine et ont trouvé refuge à Lucerne. Dès son premier jour en Suisse, malgré des problèmes de santé, Chrystyna s’est engagée pour d’autres personnes réfugiées d’Ukraine comme elles. Après plus de deux ans en Suisse et d’innombrables heures de travail bénévole, Chrystyna a remarqué que son énergie s’épuisaient. «J’ai réalisé que je ne pouvais pas m’occuper d’autres personnes que si je prenais soin de moi», explique-t-elle.
Mais les offres de loisirs sont chères en Suisse. Chrystyna et Maria ont alors eu connaissance de l’existence de la CarteCulture. Toutes deux s’intéressent à l’art et à la culture et visitaient régulièrement des musées dans leur ville natale de Melitopol. Après une brève recherche, elles ont pu organiser une visite accompagnée au Musée des beaux-arts de Lucerne. Certaines offres de la CarteCulture, permettent en effet d’être accompagné dans une activité par un ou une bénévole de Caritas.
Chrystyna et Maria étaient un peu tendues avant leur rencontre avec Susanne Morger, la pilote de la CarteCulture. Mais la nervosité s’est estompé très rapidement laissant la place à des discussions passionnantes autour des œuvres exposées. La vie quotidienne, souvent difficile, a été oubliée pour quelques heures. Chrystyna et Maria ont fait d’autres projets pour des concerts ou des cours de peinture. (caritas.ch)
185’000 cartes en circulation: 95% de clients satisfaits
La CarteCulture a été créée pour la première fois en 1996 en ville de Zurich. Dans les années suivantes, l’offre a été mise en place dans d’autres villes et cantons. En 2007, Caritas Suisse a créé le secrétariat national de CarteCulture Suisse.
Aujourd’hui, 16 organisations Caritas régionales exploitent leur propre bureau régional CarteCulture. Le nombre de cartes émises est passé de 55’000 en 2015 à 185’000 en 2023. Le nombre d’offres a augmenté de 2’000 à 4’300 partenariats dans toute la Suisse.
En raison de cette augmentation, une nouvelle enquête a été commandée au début 2024 pour vérifier l’utilisation et l’utilité de la CarteCulture. Une évaluation en ligne a été menée auprès de 5’228 détenteurs. Des ateliers avec des groupes de discussion ont également été organisés.
Les résultats publiés à fin octobre sont très positifs: La CarteCulture est particulièrement utilisée pour faire des achats. Mais les offres dans les domaines de la culture, du sport et des loisirs sont également appréciées. Pour plus de deux tiers des personnes interrogées, leur situation financière s’est améliorée grâce à la CarteCulture. 95 % des utilisateurs de la CarteCulture sont très satisfaits de l’offre. 99% des détenteurs la recommanderaient à d’autres personnes. MP