La Campagne de Carême promeut la sobriété «globale»
Sous le slogan «moins c’est plus», la Campagne œcuménique de Carême 2024, portée par Action de Carême, l’Entraide protestante suisse (EPER) et Être partenaires (catholiques chrétiens), explore la sobriété sous divers angles. Des expériences mettant en avant ce principe, au niveau international et en Suisse, ont été présentées lors d’un point presse.
Dans la région du Ferlo, au nord du Sénégal, la saison des pluies ne s’étend plus que sur deux ou trois mois, contre quatre il y a vingt ans. Cette nouvelle situation réduit considérablement les rendements agricoles, a expliqué Safiatou Baldé Loum lors du point de presse de la Campagne de Carême, le 27 février 2024, dans les locaux de l’œuvre d’entraide catholique Action de Carême (AdC), à Lausanne.
La Sénégalaise est secrétaire exécutive du Centre d’études, de recherche et de formation en langues africaines (CERFLA), qui mène depuis 25 ans en partenariat avec l’EPER des projets de développement dans le Ferlo. Ils mettent notamment en place des alternatives aux moyens de production traditionnels, mis à mal par le réchauffement climatique.
L’œuvre d’entraide protestante et le CERFLA renforcent ainsi l’autonomisation alimentaire des communautés, entre autres par l’établissement de parcelles de maraîchage gérées par les femmes, selon des principes d’agrobiologie. Les partenaires mènent également des actions pour parer aux feux de brousse et pour reboiser des zones défrichées.
Holcim mis en cause par des Indonésiens
Un exemple qui illustre bien les défis auxquels sont exposés les populations du Sud à cause du réchauffement climatique, même lorsque celui-ci est limité. «Chaque dixième de degré compte», martèle la Campagne de Carême, qui met pour la quatrième et dernière année l’accent sur la justice climatique. Les prochaines campagnes œcuméniques devraient se pencher sur le droit à l’alimentation, a relevé Yvan Maillard-Ardenti, responsable pour la justice climatique à l’EPER.
David Knecht, responsable ‘Énergie et justice climatique’ à AdC, a détaillé le travail de coopération réalisé par l’organisation catholique et l’EPER tant au niveau suisse qu’international.
En Suisse, les partenaires œcuméniques soutiennent entre autres une procédure lancée par des habitants de l’île de Pulau Pari, en Indonésie, contre l’entreprise de cimenterie Holcim, basée à Zoug. Pour eux, Holcim, qui fait partie des 50 entreprises émettant le plus de CO2 au monde, est coresponsable de la crise climatique et de la situation critique sur leur île, plusieurs fois inondée, ces dernières années. Œuvrant en général pour sensibiliser la population suisse, les œuvres d’entraide chrétiennes tentent parallèlement d’atteindre davantage de durabilité dans leur propre fonctionnement.
AdC et l’EPER agissent également au niveau de la politique globale. Elles étaient présentes à la COP28 (en décembre 2023 à Dubaï). David Knecht a souligné les nombreux blocages et freins existant dans la politique internationale, pour avancer décisivement dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Une action genevoise inspirante
L’intervention de Pascale Le Strat a mis en lumière un exemple positif d’action publique en ce sens. La Genevoise dirige ‘SIG-éco21’, un programme chapeauté par les Service industriels de Genève (SIG), en partenariat avec l’État de Genève. La démarche propose, depuis 2007, une aide et des conseils concrets d’économie d’énergie insistant sur la sobriété. Elle implique aussi bien les particuliers que les entreprises.
Un modèle qui semble fonctionner puisque la consommation d’énergie du canton de Genève est aujourd’hui au niveau de celle du début des années 1980. Alors que le tissu industriel et la population dans le canton ont considérablement augmenté au cours des dernières décennies dans la région genevoise. L’expérience ‘éco21’ inspire ainsi d’autres cantons et intéresse jusqu’au niveau fédéral. Des réalisations qui ont l’avantage de «montrer au politique que c’est possible», a relevé Pascale Le Strat.
Le bonheur au centre
Ha Vinh Tho, en dernier intervenant, a approfondi la question à un niveau socio-politique. D’origine franco-vietnamienne, le psychologue spécialisé en éducation a été directeur des programmes du Centre du Bonheur National Brut (BNB), au Bhoutan. Il a expliqué le concept du BNB, qui «vise le bonheur en tenant compte du seuil de suffisance plutôt que de la croissance». Pour l’ancien chef de la formation au CICR, cet indicateur du bien-être de type «holistique» permet de sortir de la mentalité occidentale et néolibérale du «toujours plus, c’est toujours mieux». Il prend en compte les besoins essentiels de l’individu sur les trois axes d’une relation harmonieuse avec soi-même, avec les autres et avec l’environnement. «Sans un changement de paradigme, les mesures pratiques pour contrer le réchauffement climatique» ne fonctionneront pas, a averti Ha Vinh Tho. (cath.ch/rz)
Depuis 1969, Action de Carême et l’EPER organisent chaque année une Campagne œcuménique durant les six semaines qui précèdent Pâques. Les deux organisations ont été rejointes, en 1994, par Etre Partenaires, l’œuvre d’entraide de l’Église catholique chrétienne de la Suisse. La Campagne vise à sensibiliser le public aux inégalités à l’origine de la famine et de la pauvreté dans le monde.
Les trois organisations mènent des projets de développement et des projets climatiques dans plusieurs pays du Sud. Elles proposent également un certain nombre d’événements durant la période de la Campagne. RZ