L’islam, première «industrie lourde» du pays
Sénégal: La religion est devenue un business lucratif
Dakar, 18 août 2012 (Apic) La religion musulmane est la première «industrie lourde» au Sénégal. Au fil des années, elle est devenue une activité lucrative, un secteur commercial dynamique, qui alimente nombre d’activités connexes.
Selon le journal sénégalais, «Sud Quotidien», l’islam est capable de mobiliser toute une infrastructure, d’alimenter des entreprises et des branches commerciales, tels que les sociétés de transport, les vendeurs ou loueurs de bâches, de chaises, de matériel de sonorisation pour les conférences, et autres rassemblements religieux. Sans parler de l’alimentation.
Comme toute industrie, la religion occupe une abondante main d’œuvre, brasse d’énormes chiffres d’affaires, et engendre des profits. Elle a ses chefs d’entreprise, ses ouvriers et même ses travailleurs au noir, ses syndicats et ses grands patrons. Elle a aussi ses exigences et a développé une expertise certaine.
L’»industrie» de la religion musulmane au Sénégal a ses pics. Ce sont les périodes du mois de ramadan, du grand magal de Touba, et du gamou annuel de Tivaouane. Le grand magal de Touba rassemble chaque année des millions de musulmans de la confrérie des mourides qui célèbrent le retour d’exil du Gabon, du fondateur de la confrérie, le cheikh Ahmadou Bamba. Le gamou de Tivaouane, attire lui aussi, des millions de musulmans de la confrérie des tidjanes, la plus importante du pays, pour célébrer la naissance du prophète Mohamet. Tous ces évènements sont l’occasion de louer des véhicules, des bâches, des chaises, etc. Les entreprises ou les ouvriers chargés de leurs installations sont payés.
Un ramadan très lucratif
Le mois de ramadan qui tire à sa fin, est une période particulièrement bénie pour les «opérateurs» religieux du pays. Pendant ce mois, ils développent un riche commerce de dattes, transforment certains marchés de Dakar en ’hub’ de produits, censés venir de La Mecque, mais en réalité fabriqués à Shanghai (Chine), Jakarta (Indonésie) ou Bangkok (Thaïlande). Ils envahissent les plateaux des chaînes de télévision et de radios du pays. Sous les caméras, ils rivalisent d’ardeur dans les gestes de «solidarité avec les pauvres, les démunis, les orphelins». A un point tel que le quotidien local, «Le Pays» dénonce cette forme de «solidarité avec les comme du «du tape-à-l’œil».
A grands renfort de publicité, ils organisent des conférences religieuses, de préférence dans les rues et sur les places. Ces conférences religieuses ont leur protocole, leurs chorales, leurs vedettes, leurs sponsors. Elles sont organisées selon les confréries, les régions et les ethnies, quartiers, professions ou le sexe. Leur organisation est en général confiée aux femmes, maîtresses d’œuvre et spectatrices privilégiées, chamarrées d’or pour certaines, et souvent en uniformes blancs ou verts. Les animateurs sont les mêmes qui assurent la promotion des combats de lutte.
Des prédicateurs aussi populaires que les stars du show-business
Les conférenciers sont des prédicateurs, choisis généralement en dehors des personnels traditionnels des mosquées et des écoles coraniques. Surnommés «sermonneurs professionnels», ils ont le verbe facile et un habillement élégant. Ils sont devenus aussi populaires que les vedettes du show-business. Ce sont des intellectuels arabophones, formés dans les universités et grandes écoles religieuses des pays arabes du golfe ou d’Afrique du nord.
Les agences de publicité, les sociétés de télécommunication, et certaines ambassades sont aussi investies par les opérateurs religieux. Les compagnies de téléphones mobiles imposent ainsi à leurs abonnés, des messages de «prière et des indulgences» en ce mois de ramadan. Des imams de mosquées se sont compromis en allant prendre le repas d’iftar, de rupture du jeûne, et prier chez l’ambassadeur d’Israël, dont le pays occupe pourtant à Jérusalem le troisième lieu saint de l’Islam.
Tout ce regain de dynamisme islamique a contribué à la percée des islamistes lors des récentes élections législatives du 1er juillet dernier. De plus en plus de voix s’élèvent pour estimer que le Sénégal n’est plus à l’abri d’un régime islamiste dans les prochaines années. «Oui, c’est possible», a prévenu le célèbre islamologue Abdoul Aziz Kébé, chef du département arabe de l’université de Dakar. (apic/ibc/mp)