L’hebdomadaire veut échapper aux chapelles idéologiques
France: «Témoignage chrétien» veut porter un regard chrétien et progressiste sur le monde
Paris, 22 mars 2012 (Apic) «Pour nous, l’humain passe d’abord, nous ne sommes plus du tout dans le journalisme partisan, même si le regard porté sur l’actualité est celui de chrétiens progressistes!», confie Emmanuel Maistre à l’Apic. Directeur du développement de l’hebdomadaire indépendant français «Témoignage chrétien» (TC), il se bat pour la survie de ce journal né en 1941 dans la clandestinité, mû par l’esprit de résistance d’hommes et de femmes ayant refusé de pactiser avec le nazisme.
«Nous portons un regard chrétien progressiste sur la société, la politique et le domaine religieux. Le qualificatif de ’cathos de gauche’ n’a plus grand sens aujourd’hui, c’est réducteur. On crie partout qu’ils sont morts, alors que nous sommes vivants», lance-t-il.
Certes, le journal, qui a fêté ses 70 ans de combats en novembre dernier, a vu son tirage décliner dangereusement. TC est passé en dix ans de 15’000 à quelque 7’500 exemplaires vendus, le vieillissement du lectorat lui faisant perdre inexorablement des abonnés. «Les 35-45 ans, c’est la partie jeune de notre lectorat…» Il faudrait 9’500 à 10’000 abonnés pour tourner et sortir d’un déficit structurel permanent.
«Cela nous semble possible», affirme le directeur du développement de TC. Le changement d’imprimeur – l’impression de TC a été rapatriée d’Espagne en France – devrait faire économiser 50% de frais dans ce secteur, selon le directeur du développement du journal, qui veut également faire progresser les ventes sur internet. Le journal n’a que très peu de publicité, soit quelque 20’000 euros par an.
#La solidarité toujours nécessaire
«TC n’a pas de dettes, mais plus du tout de patrimoine. En 2012, nous allons chercher à élargir notre capital, à faire des économies et à faire encore une fois appel à la solidarité. On ne peut pas se passer des dons de nos sympathisants et du soutien de notre lectorat», poursuit Emmanuel Maistre. Faute de rentabilité, la vente dans les kiosques a été suspendue l’an dernier. Seuls 200 à 300 numéros étaient vendus dans 600 points de vente dans toute la France. Les 900’000 à un million d’euros nécessaires pour faire vivre le journal viennent de la vente d’abonnements, et de la solidarité. Ce soutien a rapporté de 150’000 à 170’00 euros depuis 2011, ce qui montre un lectorat fortement mobilisé. «C’est notre véritable roue de secours!»
L’équipe du journal compte aujourd’hui sept rédacteurs (cinq équivalents plein temps), deux personnes à la réalisation et trois autres à la communication, au marketing et à l’administration. Le site internet du journal – dont le rédacteur en chef est depuis mars 2011 Jérôme Anciberro, jusqu’alors chef de la rubrique «religion» à TC – est géré par deux personnes. A l’heure d’internet, la rédaction de TC se transforme en «rédaction bi-média», même si la priorité reste pour le moment le journal papier, précise Emmanuel Maistre.
#Fini l’ancrage idéologique clairement déterminé
Avec son équipe très soudée, TC estime avoir de l’avenir, notamment en se redéployant dans le domaine de l’interculturel, en étant «moins dans le réflexe de la dénonciation systématique, de l’idéologie, tout en gardant une ligne de valeurs claire, dans le sens de l’humanisme chrétien», insiste Emmanuel Maistre. «Chez nous, différents courants de pensée peuvent s’exprimer». On peut ainsi lire dans TC les chroniques de Sébastien Lapaque, dont les positions politiques sont clairement ancrées à droite.
«TC questionne la société, interroge: vers quoi faut-il aller pour ce monde puisse vivre?» Celui qui fut longtemps le journal des «cathos de gauche» n’est plus dans le rejet systématique de l’»institution», renoue des relations avec Conférence des évêques de France, en entretient avec les jésuites, les dominicains, les franciscains… «Notre projet d’hebdomadaire est un projet éditorial, pas militant, nous ne sommes pas Golias. On laisse de la place à l’enquête, au reportage, sans se laisser imposer un rythme par l’actualité du moment», conclut Emmanuel Maistre. JB
Encadré
Dans un article publié en une, «L’Osservatore Romano» daté du 17 mars 2012 salue la contribution de l’hebdomadaire français «Témoignage Chrétien» à une «discussion libre et créative», notamment sur les questions de morale et de bioéthique. L’éditorialiste Lucetta Scaraffia assure ainsi que l’hebdomadaire «cherche à sortir des raidissements théoriques pour suggérer de nouvelles possibilités de travail intellectuel, pour renforcer la culture catholique et la rendre toujours plus convaincante et crédible aussi pour qui n’est pas catholique».
«La culture catholique mène de dures batailles sur le plan moral et bioéthique», souligne-t-elle, et cherche à offrir des solutions valides pour tous, croyants ou non. Une tâche qui n’est pas facile, poursuit Lucetta Scaraffia dans le journal du Vatican, mais pour laquelle les rédacteurs et collaborateurs de «Témoignage Chrétien» donnent un «exemple intéressant». Lucetta Scaraffia énumère ainsi plusieurs sujets traités par TC: l’eugénisme, le mouvement écologiste ou encore la théorie du genre. Aux yeux de la journaliste, TC, dans presque chaque numéro, découvre de nouveaux sujets de discussion «qui contribuent à ouvrir le débat et à renforcer le point de vue catholique», tout en adoptant une position «volontairement neutre», capable d’accueillir d’autres points de vue.
TC est un hebdomadaire français né pendant la Seconde Guerre mondiale dans les milieux de la Résistance. Ce journal, très engagé sur la question des droits de l’homme et du dialogue interreligieux, tente actuellement, sans pour autant renier son héritage, d’effacer ce qui fit de lui l’hebdomadaire des «cathos de gauche» et prône «la Résistance spirituelle». Etre une «voix critique mais constructive, engagée mais sans dogmatisme, chrétienne mais indépendante de toute institution, indignée mais invitant à l’action», est le credo de cet hebdomadaire français. (apic/imedia/mm/be)