L’expérience de l’Unité pastorale Renens-Bussigny
Suisse: La «paroisse multiculturelle» au coeur des réflexions de Migratio
Berne, 28 septembre 2011 (Apic) Une soixantaine de personnes ont participé à Berne à la Journée d’étude de Migratio sur le thème «Paroisse multiculturelle/Espace pastoral, chances et limites». Organisée par Migratio, l’Office de la Conférence des évêques suisses pour la Pastorale des Migrants et des Personnes en déplacement, cette journée a permis notamment à Mgr Rémy Berchier de présenter une expérience de pluriculturalité dans la région lausannoise.
L’Unité pastorale (UP) «Renens-Bussigny», près de Lausanne, mène depuis plusieurs années une expérience de pluriculturalité sous forme de projet d’Unité Pastorale Pluriculturelle (UPP). Mgr Berchier, vicaire général du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF), tient à préciser qu’il s’agit d’une expérience à l’état de réflexion. Elle a pour but d’étudier la faisabilité de la pluriculturalité et du degré de possibilité de cette dernière. Cela nécessite de nombreuses analyses, discussions avec une multitude de partenaires provenant tant de l’Unité pastorale que des Missions linguistiques, a-t-il rappelé lors de la Journée d’étude de Migratio le 21 septembre dernier à Berne.
Trois grandes Missions linguistiques dans le diocèse
Le vicaire général souligne tout d’abord qu’il y a dans le diocèse 3 grandes Missions linguistiques: les missions italophones, hispanophones et lusophones. Il constate des différences d’origine et d’évolution entre elles. Ainsi la Mission italophone est composée de migrants de plusieurs générations. Si la première génération est encore là, elle est vieillissante mais sans doute la plus pratiquante, relève-t-il. D’autre part, les enfants d’aujourd’hui issus de cette migration sont de la troisième, voire quatrième génération.
«Pour ces derniers, nous pouvons parler alors d’intégration… Un fait nous le prouve: les enfants italiens ont de moins en moins de catéchèse pour eux et en italien. Ils sont catéchisés avec leurs amis d’école et de jeux. Enfin, rares sont les Italiens qui arrivent encore en Suisse».
Le statut souvent précaire des catholiques latinos-américains
La Mission hispanophone est plus diversifiée, notamment avec l’arrivée des catholiques latino-américains. S’il peut faire les mêmes constats pour les Espagnols du continent européen que pour la migration italophone, Mgr Berchier ne peut pas en dire autant des Sud-Américains de langue espagnole qui arrivent régulièrement en Suisse. «Ces derniers sont de première génération et d’un statut différent et bien souvent précaire». Enfin la Mission lusophone est caractérisée par la présence des deux premières générations. Chacune de ces missions bénéficie de prêtres provenant de leur pays d’origine et d’une organisation propre.
Durant ces dernières années, des liens se sont intensifiés entre le clergé venu d’ailleurs et leurs communautés d’une part, et le clergé et les communautés locales d’autre part, constate le vicaire général. Des manifestations pluriculturelles sont toujours plus nombreuses: notamment le «Dimanche des peuples» ou les messes plurilinguistiques. Ces moments sont toujours suivis d’agapes conviviales où chacun apporte les spécialités de son pays. «Ces initiatives sont des ponts intéressants entre Unités pastorales (UP) et Missions linguistiques».
«Dans l’Eglise, il n’y a pas d’étrangers»
Dans certains lieux urbains ou suburbains, le nombre de migrants est tel que l’Equipe pastorale a été amenée à réfléchir comment vivre une meilleure communion. C’est le cas pour l’Unité pastorale «Renens-Bussigny». Cette UP rassemble 28’000 catholiques, à savoir la moitié de la population habitant ce territoire. Dans la seule commune de Renens, ce ne sont pas moins de 115 nationalités qui se côtoient. Toujours dans cette commune, sur 22’000 catholiques, 12’000 sont des «gens venant d’ailleurs», insiste-t-il, «puisque nous considérons avec force qu’il n’y a pas d’étrangers dans l’Eglise et que nous sommes tous et toutes frères et sœurs, avec des origines diverses».
Sur ce territoire, la répartition des trois grandes missions catholiques est la suivante selon les chiffres de l’Etat de Vaud arrêtés au 31 décembre 2010: les hispanophones sont 2023, les italophones 3790, et les lusophones 5857.
Genèse du Projet de pluriculturalité
C’est en 2003 qu’a été créée l’Unité pastorale «Renens-Bussigny». En 2005 est nommée une Equipe Pastorale pluriculturelle, composée d’un curé modérateur francophone à 100%, d’un curé in solidum parlant portugais, à 50% pour la communauté lusophone et 50% pour l’ensemble de l’Unité Pastorale, d’un prêtre espagnol à 50% pour la Mission hispanophone et à 50% pour l’ensemble de l’UP, d’un prêtre italien rattaché à la Mission de Lausanne avec un engagement à temps partiel pour les Italiens de Renens-Bussigny, d’un prêtre diocésain à la retraite, d’une agente pastorale rattachée à la Mission italienne, de deux agentes pastorales laïques francophones, d’une religieuse pour les hispanophones de Renens-Bussigny.
Leur mission, donnée par Mgr Bernard Genoud dans sa lettre de nomination du 29 juin 2005, est simple mais à la fois large, laissant ainsi toute latitude pour créer et jeter des ponts entre les communautés: «La situation particulière de ces paroisses, comportant une proportion très importante de fidèles catholiques et issue de la migration, nous a amenés à créer une EP pluriculturelle. Je suis certain que vous favoriserez les échanges et la communion de tous, puisque, dans l’Eglise, il n’y a pas d’étrangers».
Cette situation va demeurer jusqu’en fin 2009. Durant ce laps de temps, quel travail a été fait ? L’Equipe pastorale a bien pris conscience de l’aspect pluriculturel de l’Unité pastorale. Le fait de partager, à chacune des rencontres d’équipe, la réalité de chaque communauté a permis à chaque membre de ne plus penser seulement «paroisses» mais «paroisses et communautés linguistiques».
Aller plus loin dans la communion
Les messes plurilinguistiques sont devenues régulières, à savoir une fois par mois. Des «Dimanches solidaires» ont été mis en place régulièrement, et les temps forts pluriculturels ont été intensifiés. Un travail de prise de conscience, d’approche lente et de sensibilisation auprès de tous les conseils et groupements s’est fait sereinement, ajoute Mgr Berchier, mais il n’était nullement question de fusion, ni d’intégration et encore moins d’une seule communauté. «Il a fallu cette étape importante pour que, lentement, on se rende compte de l’évidence d’aller plus loin dans la communion».
Suite au départ inattendu et précipité du curé modérateur en octobre 2009, il n’était pas possible de le remplacer. L’EP est alors invitée à réfléchir et le vicariat épiscopal les accompagne dans cette démarche. Dès le début de l’année dernière, l’EP transmet les fruits de ces discussions.
Les responsables sont d’accord de poursuivre en EP en l’état, mais ils attendent que l’évêque nomme un modérateur et posent une condition pour continuer: un renforcement de la pluriculturalité dans l’UP. Les responsables veulent réunir tous les catholiques du territoire de l’UP, quelle que soit leur langue, et créer une seule communauté dans le respect de l’identité de chaque communauté linguistique, cela tant sur le plan pastoral qu’administratif.
«Après plusieurs mois de réflexion avec l’EP, nous en étions arrivés à ces conclusions, étant bien entendu que tout cela était ’ad experimentum’. Le but est de faire de l’UP Renens-Bussigny une UPP (Unité Pastorale Pluriculturelle), tenant compte du travail de communion qui a déjà été fait durant ces 5 dernières années, donc de mettre ensemble les communautés linguistiques et les paroisses autant sur le plan pastoral qu’administratif, en vivant la complémentarité».
Une séance d’information-discussion, fixée au 18 novembre 2010, a rassemblé l’équipe pastorale et les missionnaires linguistiques de Lausanne, les conseils de paroisse de Renens-Bussigny, les comités de chacune des 3 missions linguistiques de Lausanne, les conseils pastoraux des paroisses et des missions linguistiques, le vicariat épiscopal et la Fédération des paroisses (FEDEC-VD).
«Il fallait chercher, ensemble, un consensus afin de décider de la poursuite ou de la fin de cette expérience. Les personnes présentes ont largement exprimé leurs peurs, leurs ressentis, leurs résistances et aussi leurs espoirs et leurs attentes. …. Nous voulons définir le degré de pluriculturalité possible pour l’UP avant juin 2012 et prendre les décisions y relatives pour l’année pastorale 2012-2013… Si nous optons pour plus de pluriculturalité, il faudra beaucoup de temps pour y arriver», admet Mgr Berchier. (apic/com/be)