L'attaque prévue par les Américains est «un acte criminel», dénonce le patriarche Grégoire III
Syrie: Les Eglises opposées à une intervention militaire des Occidentaux contre le régime de Bachar al-Assad
Damas/Bagdad/Londres, 28 août 2013 (Apic) Alors qu’une attaque militaire des forces armées occidentales contre la Syrie semble imminente, le patriarche grec-catholique melkite d’Antioche Grégoire III Laham qualifie les plans américains d’»acte criminel» qui va causer de nouvelles victimes, en plus des milliers de vies qui ont déjà été perdues en ces deux années de guerre. «Cela détruira la confiance du monde arabe envers le monde occidental», a-t-il déclaré le 28 août 2013 dans une interview à l’agence de presse catholique «AsiaNews» à Rome.
Une intervention militaire contre la Syrie placée sous la conduite des Etats-Unis constituerait «un malheur». «Cela équivaudrait à faire exploser un volcan. L’explosion serait destinée à emporter l’Irak, le Liban, la Palestine et peut-être quelqu’un recherche-t-il justement cela!», a estimé Mgr Louis Raphaël I Sako, patriarche de Babylone des Chaldéens, à Bagdad. Le patriarche irakien a fait cette déclaration mercredi 28 août 2013 à l’agence d’information vaticane «Fides», alors que son pays était victime ce même jour d’une vague d’attentats à la voiture piégée visant les quartiers chiites des villes irakiennes, qui ont fait une cinquantaine de morts. Ces attentats ont été attribués aux terroristes sunnites, qui sont de plus en plus actifs également en Syrie.
Le terrorisme frappe à nouveau
Le patriarche s’est dit inquiet de l’éventualité d’une attaque venant de l’extérieur, désormais considérée comme imminente, contre le régime de Bachar al-Assad. Se trouvant à la tête de la plus importante communauté chrétienne d’Irak, la probable intervention occidentale en Syrie rappelle fatalement l’expérience vécue par son peuple. «Dix ans après l’intervention de la coalition qui abattit Saddam Hussein – fait remarquer à Fides le patriarche – notre pays est encore martyrisé par les bombes, les problèmes de sécurité, l’instabilité, la crise économique».
En outre, dans le cas de la Syrie, les choses sont encore plus compliquées, selon le patriarche chaldéen, à cause de la difficulté consistant à appréhender les dynamiques réelles de la guerre civile qui déchire cette nation. «L’opposition à Assad – remarque-t-il – est divisée, les différents groupes se combattent entre eux. Les milices djihadistes se multiplient… Quel serait le destin de ce pays après une telle intervention ?»
La Syrie face à une instrumentalisation, comme dans le cas de Saddam Hussein ?
Les formules utilisées par les pays occidentaux pour justifier une éventuelle intervention paraissent «instrumentalisées et confuses», aux yeux du patriarche irakien. «Tous parlent de démocratie et de liberté, mais pour atteindre ces objectifs, il faut passer par des processus historiques et il n’est pas possible de les importer de manière mécanique et encore moins par la force. Le seul chemin possible en Syrie, comme ailleurs, consiste dans la recherche de solutions politiques: pousser les combattants à négocier, imaginer un gouvernement provisoire impliquant tant les partisans du régime que les forces d’opposition, et ce, en écoutant ce que veut vraiment le peuple syrien dans sa majorité».
Le patriarche chaldéen se montre également prudent quant au choix de justifier l’intervention comme des représailles inévitables contre l’usage d’armes chimique de la part de l’armée syrienne. «Les Occidentaux – rappelle le patriarche Raphaël I Sako – ont justifié l’intervention contre Saddam Hussein en l’accusant de posséder des armes de destruction massive. Mais ces armes n’ont pas été trouvées!»
Les religieux du Monastère de Deir Mar Moussa contre une intervention militaire
Un appel «en faveur de la paix et du refus de toute violence» est parvenu du Monastère de «Mar Moussa el-Habashi» (ou Saint Moïse l’Abyssin), oasis de prière au nord de Damas, refondé par le Père jésuite Paolo Dall’Oglio, enlevé par les combattant islamistes voici un mois dans la zone de Raqqa, au nord de la Syrie. Le religieux italien est controversé pour avoir demandé de livrer des armes aux rebelles, ce qui a été qualifié de «scandaleux» par ses confrères jésuites restés en Syrie et travaillant avec les réfugiés. Le Père Nawras Sammour, directeur régional du Service Jésuite des Réfugiés (JRS) au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, a déclaré à l’Apic que les positions «radicales» de son confrère, enlevé depuis par les islamistes, lui avaient «fait perdre toute crédibilité en Syrie, car il est devenu partie prenante dans ce conflit. Comme religieux, il aurait dû jouer un rôle de pont entre les communautés, et ne pas prendre parti à ce niveau».
Les moines et les moniales de la communauté de Deir Mar Moussa, engagée dans une œuvre de dialogue et d’approchement spirituel entre l’islam et le christianisme, viennent de vivre une «journée spéciale de prière et de jeûne» le 27 août, pour la paix en Syrie et la libération du Père Dall’Oglio, dont plusieurs médias ont annoncé la mort aux mains des terroristes islamistes de «L’Etat islamique en Irak et au Levant» (EIIL), liés à Al-Qaïda.
Le Père Jacques Mourad, responsable de la communauté, a déclaré à Fides, à propos de l’imminente action militaire contre la Syrie, que «nous sommes dans une phase d’extrême souffrance. Nous souhaitons que les pays occidentaux prennent une position juste face à cette terrible crise syrienne. La position juste signifie refuser toute forme de violence, faire taire les armes, ne pas dresser les uns contre les autres, défendre et protéger les droits humains».
Sœur Houda Fadoul, responsable de la communauté féminine du monastère, estime pour sa part que «nous ne pouvons accepter ou apprécier une intervention armée de puissances étrangères. Nous continuons notre mission qui est celle d’offrir à Dieu un culte spirituel, surtout pour éduquer les jeunes au dialogue et à la paix. Nous croyons qu’aujourd’hui, même dans le cadre de cet impitoyable conflit, la prière demeure un puissant moyen pour résister au mal et le seul instrument qui alimente l’espérance».
Est-on sûr des faits avancés par les Etats-Unis ?
Lord George Carey, ancien archevêque de Cantorbéry et ancien chef de l’Eglise (anglicane) d’Angleterre, a mis en garde le gouvernement conservateur de David Cameron contre une intervention militaire en Syrie qui pourrait déclencher une guerre qui risquerait d’embraser tout le Moyen-Orient. Dans son opposition déterminé à une action armée contre la Syrie, Lord Carey va encore plus loin que l’actuel archevêque de Cantorbéry Justin Welby, qui a incité les parlementaires britanniques à ne pas se «précipiter» pour poser un jugement et à prendre en considération le plus large impact qu’aurait une telle attaque dans le monde musulman.
Mgr Welby demande également aux parlementaires de se demander s’ils sont «sûrs» concernant les faits qui se sont passés sur le terrain avant d’agir «dans une situation réellement dangereuse et délicate». Le chef religieux avait certainement en tête les manipulations des «spin doctors» britanniques et américains, ces spécialistes de la communication et du marketing politique qui avaient fait croire à l’opinion publique mondiale l’existence – non vérifiée depuis – d’armes de destruction massives aux mains de Saddam Hussein. Cette manipulation avait permis aux Occidentaux d’entrer en guerre contre l’Irak.
L’archevêque de Cantorbéry s’est engagé, pendant des années, pour la réconciliation dans les zones de conflit en Afrique et au Moyen-Orient. Il insiste, dans une interview accordée le 27 août au quotidien britannique «The Daily Telegraph», sur le fait qu’il existe de «nombreux pas intermédiaires» entre ne rien faire et vouloir un changement total de régime en Syrie. Il reconnaît qu’il n’y a «pas de bonnes réponses» à la crise en Syrie et qu’il n’y a tout simplement pas de solution simple. (apic/com/fides/asian/be)