Kiev confisque le siège de l'Eglise orthodoxe ukrainienne
Les pressions de Kiev sur l’Eglise orthodoxe ukrainienne(EOU), historiquement affiliée au Patriarcat de Moscou, se font de plus en plus pressantes. Les autorités de Kiev ont confisqué le 6 juillet 2023 le siège de l’Eglise orthodoxe ukrainienne (EOU), séparée de Moscou depuis l’invasion de l’Ukraine, ainsi que deux autres bâtiments.
Le clergé de la Laure des Grottes de Kiev ou monastère de Kiev-Petchersk, berceau du christianisme orthodoxe en Ukraine, était déjà, bien avant l’invasion russe de l’Ukraine, dans le collimateur de Kiev, qui veut lui substituer la nouvelle Eglise orthodoxe d’Ukraine (EOd’U). En mars dernier, le gouvernement ukrainien avait annulé le contrat d’utilisation de l’EOU pour le monastère, qui appartient à l’État. L’Etat avait cédé le monastère à l’Eglise en 1988. Environ 150 moines y vivent actuellement.
Action policière contre les moines
Avec l’aide de la police, l’administration publique des musées, responsable du monastère, a forcé le 6 juillet 2023 la porte d’entrée de la résidence du métropolite Onuphre, primat de l’Église orthodoxe d’Ukraine, et l’a ensuite scellée, a fait savoir l’Eglise. Elle a vivement protesté contre «l’expulsion des moines» et a qualifié cette action d’illégale.
Le site a été entièrement bouclé dans la matinée de jeudi. Des échauffourées ont eu lieu entre des Ukrainiens fidèles à l’Église orthodoxe ukrainienne et la police à Kiev, après que des moines aient refusé de quitter plusieurs bâtiments du monastère. L’Église a publié une vidéo sur laquelle on peut voir un homme avec un drapeau ukrainien traîné par la police.
Moscou parle d’un nouvel acte de persécution contre l’Église orthodoxe ukrainienne
Dans un communiqué du 6 juillet, le Département synodal chargé des relations de l’Église avec la société et les médias du Patriarcat de Moscou a déclaré que la décision du ministère de la Culture de l’Ukraine de mettre fin à l’accès des moines à un certain nombre de bâtiments de la Laure des Grottes de Kiev est «un nouvel acte de persécution contre l’Église orthodoxe ukrainienne, comparable aux répressions anti-religieuses des années 1920 et 1930».
Le métropolite Onuphre, qui se voit expulsé de son siège – situé dans l’ensemble architectural inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO et appartenant à l’Etat ukrainien – avait pourtant, dès le 24 février 2022, exprimé son soutien aux militaires ukrainiens «qui montent la garde, protègent et défendent notre terre et notre peuple».
Le métropolite Onuphre soutient l’armée ukrainienne
Et le métropolite Onuphre de poursuivre: «Défendant la souveraineté et l’intégrité de l’Ukraine, nous nous adressons au président de la Russie et nous lui demandons de cesser immédiatement la guerre fratricide. Les peuples ukrainien et russe sont sortis des fonts baptismaux du Dniepr et la guerre entre ces peuples est la répétition du péché de Caïn, qui par jalousie tua son frère. Une telle guerre ne trouve sa justification ni devant Dieu, ni devant les hommes».
L’invitation à se tenir aux côtés des troupes ukrainiennes pour contrer l’invasion russe n’a à l’évidence pas suffi aux autorités ukrainiennes, qui visent à évincer l’Eglise orthodoxe ukrainienne (EOU) au profit de la nouvelle Eglise orthodoxe d’Ukraine (EOd’U). Ils accusent régulièrement les moines orthodoxes de l’EOU d’entretenir des liens avec le Kremlin, et de servir en quelque sorte de «cinquième colonne».
Au profit de la nouvelle Eglise orthodoxe d’Ukraine (EOd’U)
Issue de la fusion de l’Église orthodoxe ukrainienne (Patriarcat de Kiev de Philarète Denisenko, non reconnue comme canonique) et de l’Église orthodoxe autocéphale ukrainienne, l’EOd’U a été fondée en 2018 à la demande du président ukrainien Petro Porochenko, et du parlement ukrainien, la Verkhovna Rada ou Conseil suprême d’Ukraine.
Son autocéphalie est reconnue en 2019 par le patriarcat œcuménique de Constantinople et le patriarcat orthodoxe d’Alexandrie. Cette décision provoque un schisme entre le patriarcat de Constantinople et le patriarcat de Moscou. Plusieurs autres Eglises orthodoxes s’abstiennent de reconnaître cette nouvelle autocéphalie.
Inquiétudes du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme
Le 24 mars 2023, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) a publié un rapport sur la situation des droits de l’homme en Ukraine pour la période allant du 1er août 2022 au 31 janvier 2023, dont l’une des sections sur la liberté de religion fait référence à la discrimination contre l’Église orthodoxe ukrainienne (EOU) du métropolite Onuphre.
Le HCDH se réfère en particulier aux projets de loi n° 8221, n° 8262 et n° 8371, qui sont discriminatoires à l’égard de l’Église orthodoxe ukrainienne, ainsi qu’à la préoccupation soulevée par l’application de soi-disant «mesures de sécurité» par le Service de sécurité d’Ukraine (SBU) à l’encontre de l’EOU. Kiev argue à chaque fois de la tendance russophile de l’EOU.
«Le SBU a effectué des perquisitions (dont certaines ont été qualifiées de «mesures de sécurité») dans plusieurs monastères, bureaux, établissements d’enseignement et autres propriétés de l’EOU dans les régions de Kyiv, Rivne, Zhytomyr, Ivano-Frankivsk, Chernivtsi, Dnipro, Khmelnytsky, Tcherkassy, Volyn, Kherson, Ternopil, Poltava et Zakarpattia», indique le rapport.
Mesures de Kiev qualifiées de discriminatoires par l’ONU
Il est noté que «certains membres du clergé de l’Église orthodoxe ukrainienne ont été interrogés au détecteur de mensonges et qu’au moins trois soupçons ont été formulés à leur encontre, notamment pour ›violation de l’égalité des citoyens sur la base de la nationalité, de la religion, atteinte à l’intégrité territoriale et à l’inviolabilité de l’Ukraine’, ainsi que pour ›négation de l’agression militaire de la Fédération de Russie contre l’Ukraine’. Au moins deux suspects sont assignés à résidence vingt-quatre heures sur vingt-quatre ».
«Le HCDH craint que les mesures prises par l’État à l’encontre de l’EOU ne soient discriminatoires. Le HCDH rappelle également la nécessité de veiller à ce que toutes les personnes faisant l’objet de poursuites pénales jouissent de l’ensemble des droits à un procès équitable», indique le document. (cath.ch/orthodoxie.com/mospat.ch/be)