Journée des communications sociales: offrir le «bon pain» de l'information
Le Saint-Siège a publié le 24 janvier 2017 le Message du pape François pour la 51e journée des communications sociales. Le Souverain pontife y affirme son intention de créer un style de communication qui ne donne pas au mal le «premier rôle» et communique l’espérance chrétienne.
Constatant l’augmentation croissante de l’accès aux médias, grâce au développement technologique, le pape François explique en préambule l’objectif de son Message pour les communicants: décider de quelle information a besoin l’esprit humain, un esprit sans cesse en action pour moudre ce qu’il reçoit.
Le pain «frais et bon» de l’information
Le pontife souhaite ainsi encourager ceux qui «meulent» chaque jour beaucoup d’informations, pour offrir un «pain frais et bon» à ceux qui se nourrissent de leurs communications. Il s’agit de créer un style «ouvert et créatif» de communication, «qui ne soit jamais disposé à accorder au mal un premier rôle, mais qui cherche à mettre en lumière les solutions possibles».
La logique est celle de la bonne nouvelle, à opposer à celle d’un système de communication où une bonne nouvelle n’a pas de prise, et ne constitue pas une information. Il faut donc «briser le cercle vicieux de l’anxiété, et endiguer la spirale de la peur», qui sont le fruit selon le pape d’une mauvaise habitude: celle de concentrer l’attention du public sur les «mauvaises nouvelles». Une bonne clé de lecture est nécessaire, celle qui permet de lire la réalité avec de «bonnes lunettes».
Pour les chrétiens, ces lunettes sont celles de la Bonne nouvelle «par excellence»: l’Evangile de Jésus-Christ, Fils de Dieu. Le pape François recommande ainsi aux acteurs des communications sociales «d’élever notre humanité jusqu’au Ciel».
Pas d’optimisme naïf
Ce n’est pas pour autant, poursuit le successeur de Pierre, un optimisme naïf, qui ne se laisse pas atteindre par le scandale du mal. Mais quand le drame de la souffrance et le mystère du mal sont trop facilement donnés en spectacle, la tentation existe «d’anesthésier la conscience» ou de tomber dans le désespoir, affirme-t-il.
De même, la Bonne nouvelle de l’Evangile n’est-elle pas dénuée de souffrances, remarque le pontife, mais avec le Christ, «les ténèbres et la mort deviennent des lieux de communion avec la Lumière et la Vie». Et «l’échec peut être le prélude à l’accomplissement le plus grand de toutes choses dans l’amour».
Lire l’histoire du Salut
Pour cela, ajoute le pontife, il faut avoir les yeux «rendus clairs par l’Esprit-Saint», afin de discerner «en tout évènement ce qui se passe entre Dieu et l’humanité», c’est-à-dire l’histoire du Salut. «Le fil avec lequel est tissée cette histoire sacrée est l’espérance», poursuit-il. Et cette espérance se cultive par la lecture de l’Evangile, par les vies de saints et de tous ceux qui, aujourd’hui, se laissent conduire par la Bonne Nouvelle, au milieu du «drame de l’histoire».
Ainsi, à travers «la force de l’Esprit Saint», nous pouvons être communicateurs d’une humanité nouvelle, rachetée, «jusqu’aux extrémités de la terre». Car la confiance dans la semence du Royaume de Dieu et dans la logique de Pâques ne peut que «façonner» aussi la manière dont nous communiquons.
La Journée mondiale des communications sociales sera célébrée le 28 mai, fête de l’Ascension en Italie, sur le thème ›Ne crains pas, car je suis avec toi. Communiquer l’espérance et la confiance en notre temps’.
Le Message du pape à cette occasion est traditionnellement rendu public le 24 janvier, fête de saint François de Sales, désigné en 1923 comme patron des journalistes par le pape Pie XI (1922-1939). (cath.ch/imedia/ap/pp)
Texte intégral:
MESSAGE DU PAPE FRANÇOIS
POUR LA 51ème JOURNÉE MONDIALE
DES COMMUNICATIONS SOCIALES
« Ne crains pas, car je suis avec toi » (Is 43,5).
Communiquer l’espérance et la confiance en notre temps
L’accès aux médias, grâce au développement technologique, est tel que beaucoup de gens ont la possibilité de partager instantanément l’information et de la diffuser de manière capillaire. Ces informations peuvent être bonnes ou mauvaises, vraies ou fausses. Par le passé, nos pères dans la foi parlaient de l’esprit humain comme de la meule d’un moulin qui, actionnée par l’eau, ne peut pas être arrêtée. Celui qui est responsable du moulin a cependant la possibilité de décider de moudre du grain ou de l’ivraie. L’esprit de l’homme est toujours en action et ne peut cesser de «moudre» ce qu’il reçoit, mais c’est à nous de décider de quel matériel l’approvisionner (cf. Cassien le Romain, Lettre à Léonce Higoumène).
Je voudrais que ce message puisse atteindre et encourager tous ceux qui, dans leur milieu professionnel ou dans leurs relations personnelles, «moulent» chaque jour beaucoup d’informations pour offrir un pain frais et bon à ceux qui se nourrissent des fruits de leur communication. Je voudrais exhorter chacun à une communication constructive qui, en rejetant les préjugés envers l’autre, favorise une culture de la rencontre grâce à laquelle il est possible d’apprendre à regarder la réalité en toute confiance.
Je pense qu’il faut briser le cercle vicieux de l’anxiété et endiguer la spirale de la peur, fruit de l’habitude de concentrer l’attention sur les «mauvaises nouvelles» (les guerres, le terrorisme, les scandales et toutes sortes d’échec dans les affaires humaines). Il ne s’agit pas évidemment de promouvoir une désinformation où le drame de la souffrance serait ignoré, ni de tomber dans un optimisme naïf qui ne se laisse pas atteindre par le scandale du mal. Je voudrais, au contraire, que tous nous cherchions à dépasser ce sentiment de mécontentement et de résignation qui nous saisit souvent, nous plongeant dans l’apathie, et provoquant la peur ou l’impression qu’on ne peut opposer de limites au mal. D’ailleurs, dans un système de communication où domine la logique qu’une bonne nouvelle n’a pas de prise et donc ne constitue pas une nouvelle, et où le drame de la souffrance et le mystère du mal sont facilement donnés en spectacle, il peut être tentant d’anesthésier la conscience ou de tomber dans le désespoir.
Je voudrais donc apporter une contribution à la recherche d’un style ouvert et créatif de communication qui ne soit jamais disposé à accorder au mal un premier rôle, mais qui cherche à mettre en lumière les solutions possibles, inspirant une approche active et responsable aux personnes auxquelles l’information est communiquée. Je voudrais inviter à offrir aux hommes et aux femmes de notre temps des récits marqués par la logique de la «bonne nouvelle».
La bonne nouvelle
La vie de l’homme n’est pas seulement une chronique aseptisée d’événements, mais elle est une histoire, une histoire en attente d’être racontée à travers le choix d’une clé de lecture qui permet de sélectionner et de recueillir les données les plus importantes. La réalité, en soi, n’a pas une signification univoque. Tout dépend du regard avec lequel elle est saisie, des «lunettes» à travers lesquelles on choisit de la regarder: en changeant les verres, la réalité aussi apparaît différente. D’où pouvons-nous donc partir pour lire la réalité avec de bonnes «lunettes»?
Pour nous chrétiens, les lunettes appropriées pour déchiffrer la réalité, ne peuvent être que celles de la bonne nouvelle, de la Bonne Nouvelle par excellence: «l’Evangile de Jésus, Christ, Fils de Dieu» (Mc 1,1). Avec ces mots, l’Evangéliste Marc commence son récit par l’annonce de la «bonne nouvelle» qui concerne Jésus, mais plus qu’une information sur Jésus, c’est plutôt la bonne nouvelle qui est Jésus lui-même. En lisant les pages de l’Évangile, on découvre en effet, que le titre de l’œuvre correspond à son contenu et, surtout, que ce contenu est la personne même de Jésus.
Cette bonne nouvelle qui est Jésus lui-même, n’est pas bonne car dénuée de souffrance, mais parce que la souffrance aussi est vécue dans un cadre plus large, comme une partie intégrante de son amour pour le Père et pour l’humanité. En Christ, Dieu s’est rendu solidaire avec toutes les situations humaines, nous révélant que nous ne sommes pas seuls parce que nous avons un Père qui ne peut jamais oublier ses enfants. «Ne crains pas, car je suis avec toi» (Is 43,5) sont les paroles consolatrices d’un Dieu qui depuis toujours s’est impliqué dans l’histoire de son peuple. En son Fils bien-aimé, cette promesse de Dieu – « Je suis avec toi » – arrive à assumer toute notre faiblesse, jusqu’à mourir de notre mort. En Lui aussi les ténèbres et la mort deviennent des lieux de communion avec la Lumière et la Vie. Ainsi, une espérance voit le jour, accessible à tous, à l’endroit même où la vie connaît l’amertume de l’échec. C’est une espérance qui ne déçoit pas, parce que l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs (cf. Rm 5,5) et fait germer la vie nouvelle comme la plante germe du grain jeté en terre. Dans cette lumière tout nouveau drame qui arrive dans l’histoire du monde devient aussi le scénario d’une possible bonne nouvelle, car l’amour parvient toujours à trouver le chemin de la proximité et à susciter des cœurs capables de s’émouvoir, des visages capables de ne pas se décourager, des mains prêtes à construire.
La confiance dans la semence du Royaume
Pour introduire ses disciples et les foules à cet état d’esprit évangélique et leur donner les bonnes «lunettes» pour approcher la logique de l’amour qui meurt et ressuscite, Jésus utilisait les paraboles, dans lesquelles le Royaume de Dieu est souvent comparé à la semence, qui libère sa puissance vitale justement quand elle meurt dans le sol (cf. Mc 4,1 à 34). L’utilisation d’images et de métaphores pour communiquer l’humble puissance du Royaume n’est pas une façon d’en réduire l’importance et l’urgence, mais la forme miséricordieuse qui laisse à l’auditeur l’»espace» de liberté pour l’accueillir et la rapporter aussi à lui-même. En outre, elle est le chemin privilégié pour exprimer l’immense dignité du Mystère Pascal, laissant les images – plus que les concepts – communiquer la beauté paradoxale de la vie nouvelle dans le Christ, où les hostilités et la croix n’empêchent pas, mais réalisent le salut de Dieu, où la faiblesse est plus forte que toute puissance humaine, où l’échec peut être le prélude à l’accomplissement le plus grand de toutes choses dans l’amour. Et c’est justement ainsi, en réalité, que mûrit et s’approfondit l’espérance du Royaume de Dieu: « Comme d’un homme qui aurait jeté du grain en terre : qu’il dorme et qu’il se lève, nuit et jour, la semence germe et pousse » (Mc 4,26-27)
Le Royaume de Dieu est déjà parmi nous, comme une graine cachée à un regard superficiel et dont la croissance se fait en silence. Celui qui a des yeux rendus clairs par l’Esprit Saint peut le voir germer et ne se laisse pas voler la joie du Royaume par les mauvaises herbes toujours présentes.
Les horizons de l’Esprit
L’espérance fondée sur la bonne nouvelle qui est Jésus nous fait lever les yeux et nous pousse à le contempler dans le cadre liturgique de la Fête de l’Ascension. Bien qu’il semble que le Seigneur s’éloigne de nous, en fait, les horizons de l’espérance s’élargissent. Effectivement, chaque homme et chaque femme, dans le Christ, qui élève notre humanité jusqu’au Ciel, peut librement «entrer dans le sanctuaire grâce au sang de Jésus, chemin nouveau et vivant qu’il a inauguré pour nous en franchissant le rideau du Sanctuaire, c’est-à-dire sa chair » (He 10, 19-20). A travers « la force de l’Esprit Saint » nous pouvons être «témoins» et communicateurs d’une humanité nouvelle, rachetée, « jusqu’aux extrémités de la terre» (cf. Ac 1,7-8).
La confiance dans la semence du Royaume de Dieu et dans la logique de Pâques ne peut que façonner aussi la manière dont nous communiquons. Cette confiance nous permet d’agir – dans les nombreuses formes de communication d’aujourd’hui – avec la conviction qu’il est possible d’apercevoir et d’éclairer la bonne nouvelle présente dans la réalité de chaque histoire et dans le visage de toute personne.
Celui qui, avec foi, se laisse guider par l’Esprit Saint devient capable de discerner en tout évènement ce qui se passe entre Dieu et l’humanité, reconnaissant comment Lui-même, dans le scénario dramatique de ce monde, est en train de tisser la trame d’une histoire de salut. Le fil avec lequel est tissée cette histoire sacrée est l’espérance, et son tisserand est nul autre que l’Esprit Consolateur. L’espérance est la plus humble des vertus, car elle reste cachée dans les plis de la vie, mais elle est comme le levain qui fait lever toute la pâte. Nous la cultivons en lisant encore et encore la Bonne Nouvelle, l’Evangile qui a été «réédité» en de nombreuses éditions dans la vie des saints, des hommes et des femmes qui sont devenus des icônes de l’amour de Dieu. Aujourd’hui encore c’est l’Esprit qui sème en nous le désir du Royaume, à travers de nombreux «canaux» vivants, par le biais de personnes qui se laissent conduire par la Bonne Nouvelle au milieu du drame de l’histoire et qui sont comme des phares dans l’obscurité de ce monde, qui éclairent la route et ouvrent de nouveaux chemins de confiance et d’espérance.
Du Vatican, le 24 janvier 2017
François