JMJ: «Les Portugais attendent que le pape apporte un message d’espoir»
L’ambassadeur du Portugal près le Saint-Siège depuis 2022, explique à I.MEDIA comment la population portugaise se prépare à accueillir cet événement et ce que les catholiques du pays attendent de la visite du pape François.
Propos recueillis par Isabella H. de Carvalho/I.Media
Du 2 au 6 août 2023, le pape François entamera son 42e voyage apostolique à l’étranger au Portugal, à l’occasion des Journées mondiales de la jeunesse de Lisbonne. Outre sa participation à divers événements avec des jeunes catholiques du monde entier, le pape rencontrera également des représentants de l’Église, de la société et du gouvernement portugais au cours du programme chargé de son voyage. L’ambassadeur du Portugal près le Saint-Siège, Domingos Teixeira de Abreu Fezas Vital, explique comment les Portugais se sont préparés pour ce grand rendez-vous, notamment à travers la collaboration entre l’État et l’Église.
Que représentent les JMJ pour le Portugal? Qu’en attendent les Portugais?
Ces journées représentent un énorme défi logistique, car des centaines de milliers de personnes doivent être accueillies. Mais c’est aussi une grande occasion de braquer les projecteurs sur le pays, car les médias en parleront pendant très longtemps. Le pays connaîtra une atmosphère de fête, avec évidemment une connotation spirituelle, mais il s’agit tout de même d’une célébration.
Accueillir des centaines de milliers de jeunes pendant une semaine, c’est avoir l’opportunité d’accueillir un esprit de renouvellement, d’espoir, de foi en l’avenir, de volonté d’agir en faveur d’un monde meilleur. Chacun apporte cela avec lui, c’est donc extrêmement positif.
«Le pays connaîtra une atmosphère de fête, avec évidemment une connotation spirituelle, mais il s’agit tout de même d’une célébration.»
Les Portugais sont aussi un peuple très curieux à l’égard des étrangers, comme peuvent le constater tous ceux qui visitent notre pays. Ils sont considérés comme des bâtisseurs de ponts. Pendant les JMJ, la confrontation à des jeunes issus de géographies si différentes sera l’occasion pour les Portugais de satisfaire leur appétit naturel pour la construction de ponts, l’écoute des autres et l’accueil de la diversité. Je pense donc que nous allons vivre au Portugal une période que personne ne pourra oublier.
Comment le pays s’est-il mobilisé pour organiser les JMJ?
Les structures de l’Église et de l’État travaillent depuis longtemps à l’organisation de ces journées afin d’en assurer le succès. Le gouvernement est impliqué, mais aussi les municipalités, comme Lisbonne et Loures, ou encore Leiria-Fatima, Cascais et Oeiras.
Mais l’élément principal que je voudrais souligner est la recherche, de la part de tous ceux concernés dans l’Église et l’État, d’une coopération toujours plus intense et fructueuse. Dans une entreprise de cette envergure, il y a évidemment eu une période d’effort et d’apprentissage, c’est normal qu’il en soit ainsi. Mais je dirais que c’est une contribution importante de ces journées car cela a permis à tous les acteurs d’apprendre à travailler les uns avec les autres dans le respect de l’identité, des compétences et des responsabilités de chacun.
Le pape a souvent dit que l’un des grands défis de ces journées était d’apprendre à travailler en équipe, de faire un ›lavoro di squadra›. Aujourd’hui, je pense que les choses sont plus en phase, la collaboration est plus étroite, plus fluide et plus facile.
«Cela a permis à tous les acteurs d’apprendre à travailler les uns avec les autres dans le respect de l’identité, des compétences et des responsabilités de chacun.»
Et comment la société portugaise contribue-t-elle à l’organisation?
Les structures et les personnes se préparent à accueillir les nouveaux arrivants. Il y a par exemple l’armée, à travers les installations militaires, ou les écoles, à travers leurs installations d’enseignement, mais aussi les familles. Il y a beaucoup de familles qui vont accueillir des gens chez elles. De nombreuses personnes sont impliquées dans les structures de volontariat qui ont été créées, dont on parle peu, mais qui ont été fondamentales pour la préparation des journées. La grande majorité de ces structures sont composées de personnes catholiques, ce qui signifie que l’engagement a également un aspect spirituel très fort. C’est une contribution très importante à la vigueur de cet engagement.
J’ai entendu récemment une histoire extraordinaire. Ma sœur m’a parlé de jeunes mariés du nord du Portugal, qui au lieu de partir en voyage de noces se sont rendus à Lisbonne pour travailler comme des volontaires pour les JMJ. Dans la presse, nous avons vu plusieurs histoires de personnes qui ont renoncé à des biens et des moments importants pour collaborer à la réussite des JMJ. Cet effort est d’autant plus notable et précieux que les journées se déroulent au cours d’une semaine qui est traditionnellement une semaine de vacances et de repos pour les Portugais.
Qu’attendent les catholiques portugais de la venue du pape François?
Je pense que les Portugais attendent du pape qu’il apporte un message d’espoir et de confiance en l’avenir. Le monde a vécu et vit des moments très difficiles et le Portugal en a ressenti l’impact. Nous avons connu la crise économique et financière, la pandémie et maintenant la guerre. Cette rencontre de toutes ces personnes venant de tant d’origines, c’est l’avenir qui vient ici, qui va affluer dans notre pays. L’avenir va franchir nos portes et nous voulons croire en l’avenir avec eux.
Le pape a un programme très exigeant et généreux qui témoigne de sa reconnaissance envers le Portugal et les Portugais. Il doit également se rendre à Fatima, qui est un lieu de référence universel pour les catholiques et au-delà. Comme nous le disons souvent, Fatima est l’autel du monde. Le Portugal étant également le pays de Fatima, le passage du pape dans ce sanctuaire est une reconnaissance de cette caractéristique.
La question des abus dans l’Église portugaise a été un sujet de discussion majeur au cours de l’année écoulée, à la suite des révélations de la commission indépendante mandatée par les évêques. Comment les Portugais ont-ils réagi à ces révélations? Auront-elles un impact sur les JMJ?
Les Portugais dans leur ensemble ont été choqués, c’est la première réaction aux révélations. Ensuite, ils ont eu un sentiment d’attente par rapport à la réponse, et l’Église a répondu. À ce stade, la société portugaise s’attend à ce que cette réponse donnée par l’Église ait un suivi.
Le Premier ministre portugais lui-même l’a mentionné, il y a une prise de conscience que ce geste de la part de l’Église doit être suivi par la société dans son ensemble. La question des abus ne se limite pas à la réalité de l’Église, même si, en son sein, elle a une gravité particulière. Le traitement réservé à l’Église est l’occasion pour le pays d’examiner cette question dans son ensemble. Comme nous le savons, la plupart des abus ont lieu au sein de la famille, ce qui est une horreur. Dans sa première réaction, le Premier ministre a salué la réponse de l’Église et a déclaré que ce problème ne concernait pas uniquement l’Église.
«Le traitement réservé à l’Église est l’occasion pour le pays d’examiner cette question [des abus sexuels] dans son ensemble.»
En ce qui concerne les JMJ, le Saint-Père doit rencontrer des personnes qui ont porté plainte et qui ont dénoncé des abus. C’est donc un moment important, mais il est traité avec la plus grande réserve et la plus grande discrétion, car nous le devons à ces victimes. Vous me demandiez ce que les victimes peuvent ressentir avec ce geste, je ne peux pas parler pour les victimes, mais j’espère qu’elles verront dans cette attitude du pape un signe de réconfort et une occasion de réconciliation.
L’Église est-elle encore écoutée sur la scène politique et sociale, alors que le pays vient de légiférer sur l’euthanasie?
Bien sûr. Le Portugal est une démocratie, toutes les opinions doivent donc être prises en compte lors de la prise de décision. Les avis de l’Église ont un poids spécifique et particulier, ils sont donc pris en compte lors de la pondération.
Il y a des aspects où la convergence est très présente, par exemple dans la préoccupation par rapport à l’environnement. Tout ce que le Saint-Père a dit à ce sujet, ce qui est contenu dans les encycliques Laudato Si’ et Fratelli Tutti, sont des aspects de convergence évidente avec le Portugal. La vision du pape sur la nécessité d’une attention particulière aux plus démunis, est un autre aspect que les Portugais suivent de très près.
Le pape François vient d’annoncer la création d’un nouveau cardinal électeur portugais. Comment analysez-vous ce choix du pontife argentin de donner 6 cardinaux, dont 4 électeurs, à votre pays?
Je pense que c’est une grande joie pour nous. C’est un signe de reconnaissance et d’appréciation envers le Portugal et l’Église portugaise que nous prenons en compte avec joie mais aussi avec humilité. Car comme l’a dit le nouveau cardinal lui-même, Mgr Américo Aguiar, c’est aussi un accroissement de responsabilité pour l’Église portugaise dans son ensemble. (cath.ch/imedia/ic/bh)
500 jeunes romands participeront aux JMJ à Lisbonne. Cath.ch sera sur place et a préparé un dossier spécial, depuis la préparation des jeunes, en Suisse romande, jusqu'à la rencontre avec le pape.