qui menacent la famille peuvent conduire l’humanité à sa perte
Jean-Paul II avertit les chefs d’Etat: les dérives morales (150494)
Le pape inquiet de l’orientation possible de la Conférence
internationale sur la population et le développement (Caire, septembre 94)
Rome, 15avril(APIC) La Conférence internationale sur la Population et le
Développement, qui se tiendra au Caire au mois de septembre 1994, va-t-elle
imposer «un style de vie typique de certaines franges des sociétés développées, matériellement riches, sécularisées»? C’est ce que craint Jean-Paul
II, à la lecture du projet de document final de la Conférence, qui a été
pour lui «une douloureuse surprise». Il l’a fait savoir aux chefs d’Etat,
en priant Dieu de leur inspirer «discernement et courage».
La Conférence internationale sur la Population et le Développement du
Caire sera un important rendez-vous de cette année, écrit Jean-Paul II,
puisque les responsables des nations auront l’occasion de faire le point
sur les réflexions et les engagements des précédentes conférences tenues à
Bucarest (1974) et à Mexico (1982). «Mais, avertit le pape, l’opinion publique attend surtout de la rencontre du Caire des orientations pour l’avenir, consciente des grands enjeux qui se présentent à tous tels que le
bien-être, et le développement des peuples, l’accroissement démographique
dans le monde, le vieillissement de la population dans certains pays industrialisés, la lutte contre les maladies ou encore les déplacements forcés
de populations entières.»
Le pape signale que l’Eglise a elle-même inauguré le 26 décembre une Année de la Famille et qu’il a adressé à cette occasion une lettre à toutes
les familles, rappelant à chacune que tout être humain «est appelé à vivre
dans la vérité et l’amour» et que le foyer familial «demeure cette école de
vie où les tensions entre autonomie et communion, unité et altérité, sont
vécues à un niveau privilégié et original». «Il y a là, je crois, ajoute le
pape, une source d’humanité qui secrète les meilleures énergies créatrices
du tissu social que chaque Etat se devrait de préserver soigneusement. Sans
empiéter sur l’autonomie d’une réalité qu’elles ne peuvent ni produire, ni
remplacer, les Autorités civiles ont le devoir, en effet, de chercher à favoriser l’épanouissement de la famille, non seulement au point de vue de sa
vitalité sociale, mais encore de sa santé morale et spirituelle.»
Une douloureuse surprise
Jean-Paul II explique en quoi le projet de document final de la Conférence du Caire a été pour lui «une douloureuse surprise»: «Les innovations
qu’il contient, tant au niveau des concepts qu’a celui de la terminologie,
en font un texte fort différent des documents des Conférences de Bucarest
et de Mexico. On ne peut que craindre les dérives morales qui pourraient
bien entraîner l’humanité vers une déroute, dont la première victime serait
l’homme lui-même».
«On remarquera, par exemple, poursuit le pape, que le thème du développement, inscrit à l’ordre du jour de la rencontre du Caire, avec la problématique fort complexe du rapport entre population et développement qui
devrait être au coeur du débat, passe presque inaperçu tant le nombre des
pages qui lui sont consacrées est réduit. L’unique réponse à la question
démographique et aux enjeux posés par le développement intégral de la personne et des sociétés semble se réduire à la promotion d’un style de vie
dont les conséquences, s’il était accepté comme modèle et plan d’action
pour l’avenir, pourraient se révéler particulièrement négatives.»
«En outre, la conception de la sexualité qui sous-tend ce texte est totalement individualiste, dans la mesure où le mariage apparaît désormais
comme dépassé. Or, une institution naturelle aussi fondamentale et universelle que la famille ne saurait être manipulée par personne.»
Patrimoine menacé
La famille «appartient au patrimoine de l’humanité». C’est pourquoi la
Déclaration Universelle des Droits de l’homme «affirme sans équivoque que
la famille est l’élément naturel et fondamental de la société». L’Année de
la Famille devrait donc être l’occasion privilégiée de donner à celle-ci
«la protection qui lui est assez reconnue». «Ne pas le faire serait trahir
les idéaux les plus nobles de l’ONU», insiste le pape.
Encore plus graves apparaissent, aux yeux du pape, «les nombreuses propositions d’une reconnaissance généralisée, à l’échelle mondiale, d’un
droit à l’avortement, sans restriction aucune, ce qui va bien au-delà de ce
que consentent déjà, malheureusement, certaines législations nationales.»
«En réalité, écrit le pape, la lecture de ce document qui, il est vrai,
n’est qu’un projet, laisse l’amère impression d’une imposition: celle d’un
style de vie typique de certaines franges des sociétés développées, matériellement riches, sécularisées. Les pays les plus sensibles aux valeurs de
la nature, de la morale, de la religion, accepteront-ils sans réagir une
telle vision de l’homme et de la société?»
Et les jeunes?
Regardant vers l’an 2000, Jean-Paul II pense aux jeunes. Que leur propose-t-on?, demande-t-il. Et de répondre: «Une société des «choses» et non
des «personnes». Le droit de tout faire dès leur plus jeune âge, sans contraintes, mais avec le plus de «sécurité» possible. Le don désintéressé de
soi, la maîtrise des instincts, le sens de la responsabilité, sont autant
de notions que l’on considère appartenir à un autre âge. On aimerait par
exemple, trouver dans ces pages, quelque considération pour la conscience
et pour le respect des valeurs culturelles et éthiques qui inspirent d’autres manières de concevoir l’existence. Il est à craindre que demain ces
mêmes jeunes, devenus adultes, demandent des comptes aux responsables d’aujourd’hui pour les avoir privés des raisons de vivre en ayant omis de leur
indiquer les devoirs qui incombent à un être doué de coeur et d’intelligence?»
En écrivant cette lettre, le pape n’a pas voulu seulement faire partager
aux présidents son inquiétude face à un projet de document, mais surtout
attirer leur attention sur de graves défis. «Il importe de ne pas affaiblir
l’homme, son sens du caractère sacré de la vie, sa capacité d’aimer et de
se sacrifier. On touche là des points sensibles par où nos sociétés se
font ou se défont», écrit Jean-Paul II, qui conclut: «Je prie Dieu de vous
inspirer discernement et courage pour qu’il vous soit donné de tracer, avec
la collaboration de tant d’hommes de bonne volonté chez vous et dans le
monde, des chemins nouveaux, où tous puissent marcher la main dans la main
et construire ensemble ce monde renouvelé qui soit vraiment une famille, la
famille des peuples.» (apic/sv/pr)