Jean-Luc Marion: la Révélation pour les nuls
Avec beaucoup d’humour et gin tonic à la main, Jean-Luc Marion, philosophe et membre de l’Académie française, livre en primeur sa compréhension de ce qu’est la Révélation. Il assurera en qualité de professeur invité le prochain cours d’enseignement de théologie catholique au sein de la Faculté autonome de théologie protestante de l’Université de Genève cet automne.
«Le dogme est un point de repère, il y a entre le dogme et la réalité le même rapport qu’entre une carte Michelin et le vrai paysage. La carte Michelin donne une idée de l’endroit où l’on se trouve, mais ne dit rien de l’endroit en lui-même», lance Jean-Luc Marion aux quelques journalistes rassemblés au café Lyrique à Genève. Il ajoute dans la foulée, «les gens admettent l’existence de l’Himalaya alors qu’ils n’y sont jamais allés, mais ils ont du mal à admettre celle de Dieu!» Il se manifeste à travers des «phénomènes» et la philosophie conteste la réalité même de tels phénomènes.
Le professeur s’étonne de constater que ce qui devrait faire l’objet d’une évidence banale soit si difficile à concevoir. «Finalement, les miracles les plus visibles sont ceux dont on reconnaît le plus difficilement la réalité». Le concept de Révélation a fait suer bien des théologiens, mais le professeur honoraire à la Sorbonne s’y attelle tout de même. Avec ironie, il expose avoir accepté cette charge de cours afin de «se forcer» à travailler sur l’ouvrage qu’il prépare sur la Révélation. «En m’invitant, la Faculté va me permettre d’avancer, car comme tous les livres que j’ai écrit, il est bien trop difficile pour moi».
De la théologie catholique incognito ?
Dès le 24 septembre prochain et pour un semestre, la Faculté autonome de théologie protestante réitère sa proposition d’enseignement catholique. A raison de deux sessions de cours à quinzaine, le professeur Marion discutera la Révélation au regard de la philosophie. La page internet de la Faculté de théologie protestante ne fait pourtant aucune allusion à un enseignement «catholique» dispensé par le philosophe. «Nous ne cachons absolument pas que c’est un cours de théologie catholique. Bien au contraire, il est inscrit au cursus, et le logo de l’Eglise catholique romaine de Genève (ECR) est visible sur toutes les affiches le présentant», précise Josserand Aymon, chargé de communication pour la Faculté.
Un partage de ressources
En ouvrant son espace à une autre expression théologique, la Faculté protestante de Genève enrichit son offre de cours et manifeste une volonté concrète de dialogue. Pourtant, inscrire cet enseignement au cursus obligatoire des étudiants de deuxième et troisième année de Bachelor a un coût. La congrégation genevoise des Sœurs trinitaires et plusieurs généreux donateurs privés ont pu rendre possible cette initiative. Le partenariat entre la Faculté autonome de théologie protestante et l’Eglise catholique romaine de Genève dure depuis bientôt deux ans. Le Doyen de la Faculté, Ghislain Waterlot, souhaite qu’il perdure.
Jean-Luc Marion ajoute qu’il est ravi d’être à Genève car il conçoit «l’œcuménisme concret comme un partage des ressources dont chacun dispose pour affronter les difficultés communes à toutes les confessions chrétiennes». Il espère démontrer grâce à cet enseignement qu’il n’existe rien de plus rationnel que l’explication d’un concept vraiment théologique de Révélation. Un souhait particulier? «Disqualifier l’opposition entre la foi et la raison, afin de requalifier la Révélation comme une expérience fondamentale dans l’apparition des phénomènes», conclut le professeur. (cath.ch/myb)