Le prêtre franciscain Enzo Fortunato (à d.) avec le surveillant de la Porte sainte, à la basilique St-Pierre de Rome | © Raphaël Zbinden
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«Je vois la joie sur les visages des pèlerins qui franchissent la Porte sainte»

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Le prêtre franciscain Enzo Fortunato, directeur de la communication de la basilique St-Pierre de Rome, est le «gardien» d’une Porte sainte déjà franchie par des centaines de milliers de pèlerins. cath.ch a rencontré, au cœur du Vatican, cet homme heureux mais pressé.

Raphaël Zbinden, de retour de Rome

«Vous êtes prêtre? – oui – alors pouvez-vous bénir notre bébé s’il vous plaît?». Le «Padre Fortunato», un large sourire aux lèvres, exécute un signe de croix sur l’enfant emmailloté dans un linge blanc, et prononce sa bénédiction. La jeune famille franchit juste après le seuil de la Porte sainte, et entre dans la Basilique Saint-Pierre.

La bénédiction des enfants est l’une des activités préférées du Padre, dans ses journées très chargées. Le directeur de la communication, alors qu’il emmène cath.ch à la Porte sainte à travers le Vatican, court bien plutôt qu’il ne marche. Il doit se faufiler, téléphone à l’oreille, dans la foule des visiteurs venus se recueillir ou admirer l’ineffable édifice. Une fréquentation déjà extrêmement dense, alors qu’en ce mois de janvier, il s’agit encore de la »basse saison» pour les touristes et les pèlerins.

Le Père Fortunato bénit un bébé devant la Porte sainte | © Raphaël Zbinden

Un monde qui «a soif de Dieu»

D’après un pointage réalisé début 2025, 500’000 personnes ont déjà franchi la Porte sainte. S’il n’y a pas encore de nouveaux chiffres, Padre Enzo ne doute pas qu’ils doivent être impressionnants. Trente millions de pèlerins en tout sont attendus sur l’Année sainte dans la Ville éternelle. Mais il est possible qu’ils viennent encore plus nombreux. L’affluence à la Porte sainte n’étonne pas le franciscain. «Le monde a soif de Dieu», assure-t-il.

Enzo Fortunato se sent extrêmement honoré et fier d’être le «gardien» de cette structure au centre de l’Année sainte inaugurée par le pape François le 24 décembre 2024. Ce jour-là, le pontife a ouvert la Porte sainte dans le cadre de la messe de Noël. Un geste effectué normalement tous les 25 ans, laps de temps entre deux jubilés. La Porte avait été refermée, toutefois, pour la dernière fois en 2016, au terme de l’Année sainte extraordinaire de la Miséricorde.

La clé du paradis

Avant que le pape ne pousse les battants, la Porte est évidemment préalablement déverrouillée. Elle possède donc une clé, objet hautement emblématique dans une basilique consacrée au gardien du paradis. Cette clé est, en dehors des périodes jubilaires, conservée dans un coffret en métal sis dans un mur de briques scellant la Porte sainte.

Des centaines de milliers de personnes ont déjà franchi la Porte sainte de la basilique St-Pierre de Rome | © Raphaël Zbinden

Cela se passe dans un rite appelé «recognitio».  Il consiste à vérifier l’intégrité de la Porte Sainte et à récupérer la boîte scellée dans le mur. Traditionnellement, le pape frappait le mur avec un marteau, pour desceller la boîte. Le récipient contient, outre la clé, les poignées de la porte, un parchemin attestant de la dernière fermeture, quatre briques dorées, ainsi que des médailles des pontificats récents. Le dernier «recognitio» a ainsi été accompli le 2 décembre 2024. Après avoir extrait la boîte du mur, une procession s’est dirigée vers l’Autel de la Confession pour un moment de prière.

Une porte «un peu suisse»

La tradition des Portes saintes remonte à l’an 1423. A l’époque, le pape Martin V avait cependant ouvert la première installation à la basilique Saint-Jean de Latran, le siège du diocèse de Rome.

Cérémonie du «recognitio», dans la basilique St-Pierre de Rome, en décembre 2024 | © Vatican Media

Il en existe une à Saint-Pierre depuis 1499, après que le pape Alexandre VI a demandé que chaque basilique majeure ait sa porte. Celle de Saint-Pierre était à l’origine en simple bois, dénuée d’ornements. Elle a été remplacée en 1949 par une porte en bois et bronze sculpté, réalisée par l’artiste italien Vico Consorti. La structure de 4,8 mètres de hauteur sur 2,4 de largeur, pesant 8 tonnes, est composée de panneaux retraçant l’histoire de l’humanité, depuis le péché originel jusqu’à divers épisodes de la vie du Christ.

Une œuvre qui porte en elle un petit peu de Suisse, puisque sa fabrication a été financée par les diocèses de Bâle et de Lugano. Pour Enzo Fortunato, il s’agit là d’un symbole important, car «la Suisse est un pays ami de longue date du Vatican, dont les citoyens protègent le pape. C’est également une nation qui porte de nombreuses valeurs similaires à celles de l’Église, telle que la promotion de la paix.»

Le Père Fortunato parcourt la basilique St-Pierre, son téléphone à l’oreille | © Raphaël Zbinden

En 1974, après avoir failli prendre sur la tête des débris du mur scellant la clé en le frappant au marteau, le pape Paul VI a introduit des modifications significatives dans le rite d’ouverture de la Porte Sainte. Depuis lors, le mur a été construit à l’intérieur de la basilique, et les briques sont enlevées avant la cérémonie d’ouverture.

Message de la Vierge

La Porte est située à droite de l’entrée principale de la basilique, près de la chapelle de la Pietà, réalisée par Michel-Ange. «Ainsi, après avoir franchi le seuil, les pèlerins rencontrent la Pietà, la Mère de Dieu, qui leur dit: ‘oui, il y a de la souffrance dans cette vie, mais il y a aussi la résurrection’», fait remarquer le Père Fortunato.

La porte en elle-même est un lieu symbolique très fort. Le Christ lui-même s’est associé à cette image. «Je suis la porte. Si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé; il entrera et il sortira, et il trouvera des pâturages», est-il relevé dans l’Évangile de Jean (10, 7-9). Traverser ce seuil accorde une indulgence plénière, une grâce offerte par Dieu à l’occasion de l’Année jubilaire. Il est possible de faire plusieurs passages pour obtenir plusieurs indulgences, bien que certaines conditions doivent être respectés à chaque passage, telles que se confesser, participer à l’Eucharistie, prier pour les intentions du pape, et accomplir des oeuvres de charité.

Ouverture de la Porte sainte par le pape François lors du lancement du Jubilé de la Miséricorde 2015 | Vatican media

Le franchissement de la Porte sainte symbolise le passage d’une condition à une autre, c’est-à-dire une conversion spirituelle. «Ce n’est pas un rite magique qui permettrait d’effacer d’un coup tous les péchés, avertit le Père Fortunato. Il s’agit d’un geste qui révèle un choix personnel, un changement de vie, un chemin en dehors du mal vers la rédemption.» Pour le «gardien» des lieux, l’effet du passage est cependant bien réel. «Beaucoup de personnes qui franchissent la Porte sont transformées, je suis toujours émerveillé de voir la joie sur leur visage.»

Lieu de rencontre

Le franciscain y voit toutefois plus qu’un «portail» de conversion. Il accompagne régulièrement des groupes de pèlerins du monde entier et leur explique la catéchèse de la Porte sainte. Au matin de la visite de cath.ch, il était avec des fidèles indonésiens. «J’ai vu des personnes d’origines très différentes s’aborder et fraterniser autour de la Porte. C’est finalement un lieu de rencontre important pour l’Église universelle.»

Le Père Fortunato dans son bureau avec une reproduction de la Porte sainte | © Raphaël Zbinden

Mais la démarche est aussi une chance pour la réconciliation au sein de l’Église. «Certaines personnes qui viennent pour le Jubilé ne sont pas d’accord avec le pape François, voire sont fâchées contre lui. Je pense que le passage de la Porte sainte a ce pouvoir de les remettre en communion avec le Saint-Père.»

Pour Enzo Fortunato, le choix du pontife de mettre l’Année sainte sous le signe de l’espérance est significatif. «Alors que le monde devient plus dangereux, plus incertain, à cause des guerres, des difficultés économiques, des dérèglements climatiques…, le Jubilé est un cri, un appel du pape à tous les chrétiens à franchir le seuil de la confiance, pour être plus pleinement en Dieu, le seul endroit où toutes nos questions, nos peurs et nos angoisses peuvent trouver des réponses.» (cath.ch/rz)

Le Père Enzo Fortunato a de nombreuses tâches au Vatican. Outre les aspects liés à la Porte sainte, il préside le comité de la Journée mondiale des enfants. La première édition de cette grande rencontre entre le pontife et des enfants du monde entier a eu lieu en mai 2024. Presque 8000 garçons et filles étaient présents autour de François pour l’occasion. Le franciscain travaille maintenant à l’organisation de la seconde édition, qui se déroulera en mai 2025.
Le Père Fortunato dirige également la nouvelle ‘revue de la basilique’ qui s’intitule Piazza San Pietro. Le magazine se charge notamment de publier les réponses du pape François à des courriers qu’il reçoit.
Le directeur de la communication de la basilique est également la cheville ouvrière de la démarche de webcams installées au Vatican. Elles permettent aux fidèles qui ne peuvent pas se déplacer d’avoir une vue en direct sur la Place Saint-Pierre, le tombeau de saint Pierre et la Porte sainte. RZ

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Le prêtre franciscain Enzo Fortunato (à d.) avec le surveillant de la Porte sainte, à la basilique St-Pierre de Rome | © Raphaël Zbinden
31 janvier 2025 | 17:00
par Raphaël Zbinden

La rédaction de cath.ch s'est rendue à Rome durant le jubilé des journalistes. L'équipe a ramené différents sujets "Jubilé 2025 - cath.ch" en lien avec Rome, la communication et le jubilé.

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