«Jamais je ne me suis opposé au pape», affirme le cardinal Sarah
«Jamais je ne me suis opposé au pape», a déclaré le cardinal Robert Sarah, dans une longue interview publiée le 10 mars 2021 par le journal italien Il Foglio ainsi que sur le site français L’homme nouveau. Revenant sur ses relations avec le pape François, il a également fait part de sa grande inquiétude quant à la situation de l’Église qui «vit aujourd’hui un Vendredi saint».
Le 20 février dernier, le pape acceptait la renonciation du cardinal Sarah, alors préfet de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements. Le 15 juin 2020, il avait atteint 75 ans, soit l’âge de départ à la retraite. Mais le pontife argentin lui avait signifié de continuer encore sa tâche. Quand, il y a quelques semaines, le chef de l’Église catholique lui a finalement signifié son choix d’accepter sa renonciation, le cardinal Sarah lui a «tout de suite répondu [être] heureux et reconnaissant de sa décision».
«Jamais je ne me suis opposé au pape», a voulu clarifier le cardinal Robert Sarah, balayant ainsi d’un revers de main les propos de «certains journalistes [qui] rabâchent continuellement les mêmes inepties». «Certains insinuent sans raison ni même sans pouvoir fournir des preuves concrètes et crédibles que nous étions des ennemis, c’est faux! Le pape François aime la franchise», a-t-il assuré, revenant un instant sur l’épisode de la publication du livre Des profondeurs de nos cœurs (Fayard, 2020). Écrit en collaboration avec le pape émérite Benoît XVI, ce plaidoyer pour le célibat des prêtres avait été publié quelques semaines avant la sortie de l’exhortation apostolique sur l’Amazonie. À l’époque, certains craignaient que le pape François y ouvre la porte à l’ordination d’hommes mariés.
«L’Église n’est pas un champ de lutte politique»
«Le pape François a très bien compris et reçu le livre pour lequel j’avais collaboré avec Benoît XVI», s’est-il défendu. «Je ne lui ai pas caché mon inquiétude quant aux conséquences ecclésiologiques d’une remise en cause du célibat des prêtres. Quand il m’a reçu après cette publication, alors que des campagnes de presse m’accusaient de mensonge, il m’a soutenu et encouragé», rapporte celui qui considère l’obéissance au pape comme une « nécessité humaine», et plus encore, comme «le moyen d’obéir au Christ qui a mis l’apôtre Pierre et ses successeurs à la tête de l’Église».
Commentant son action au service de la liturgie, le cardinal guinéen a rappelé l’importance que celle-ci revêt dans la vie de l’Église. «Quand la liturgie est malade, toute l’Église est en danger parce que son rapport à Dieu est non seulement fragilisé, mais profondément abîmé», a-t-il alerté, appelant à mettre Dieu au centre «plutôt que de parler de nous-même». Il a de nouveau plaidé pour une «célébration orientée» et plus recueillie. «Quand la liturgie devient bavarde, elle oublie que la croix est son centre, elle s’organise autour du micro».
Pour le haut prélat, ces réflexions essentielles sur la liturgie sont trop souvent prisonnières des luttes idéologiques. Répondant aux accusations selon lesquelles il s’est opposé au concile Vatican II en parlant notamment d’orientation liturgique, il a insisté: «je ne crois pas que la lutte entre progressistes et conservateurs ait un sens dans l’Église. Ces catégories sont politiques et idéologiques. L’Église n’est pas un champ de lutte politique».
Synode d’Allemagne: vers une «véritable apostasie silencieuse»
Interrogé sur la façon dont il envisage l’avenir de l’Église, l’ancien archevêque de Conakry a repris l’image de Benoît XVI de la barque malmenée par les eaux. «L’Église vit aujourd’hui un Vendredi saint. Le bateau semble prendre l’eau de toutes parts. Certains la trahissent de l’intérieur», s’est-il désolé, évoquant d’abord les «crimes horribles des prêtres pédophiles».
Son inquiétude porte également sur d’autres trahisons, comme celles possiblement «à l’œuvre en Allemagne dans le chemin synodal». «On se demande ce qu’il restera de l’Évangile si tout cela va jusqu’au bout: une véritable apostasie silencieuse», tacle-t-il.
Aujourd’hui à la retraite, le cardinal ne compte pour autant pas s’arrêter. «Je dois continuer à travailler au service de l’unité de l’Église, dans la vérité et la charité», détaille-t-il, souhaitant notamment continuer «à soutenir la réflexion, la prière, le courage et la foi de tant de chrétiens déboussolés, confus et désorientés par les nombreuses crises que nous traversons en ce moment». Et d’en faire la liste: «crise anthropologique, crise culturelle, crise de la foi, crise sacerdotale, crise liturgique, crise morale, mais surtout crise dans nos rapports avec Dieu». (cath.ch/imedia/hl/bh)