Le pape François appelle à mettre en avant les "visages" des migrants | © Charles-André Habib/Flickr/CC BY-NC-ND 2.0
Vatican

«J’ai vu de mes propres yeux le regard des migrants»

Dans un long entretien accordé au quotidien napolitain Il Mattino et diffusé le 18 septembre 2022, le pape François retrace un certain nombre de fléaux qui affligent le monde et qui devraient l’encourager à se convertir. Migrants, guerre en Ukraine, pandémie, criminalité, dettes… le pontife argentin raconte notamment comment il cherche à alerter les leaders mondiaux.

C’est sur la ville de Naples que le quotidien Il Mattino a surtout interrogé le pape de 85 ans. «Cela me rappelle Buenos Aires. Parce que ça me parle du sud, et je suis vraiment du sud », confie d’emblée le pontife argentin, qui choisit rapidement d’aborder la question du défi migratoire en Méditerranée. «J’ai vu de mes propres yeux le regard des migrants. J’ai vu la peur et l’espérance, les larmes et les sourires chargés d’attentes trop souvent trahies», rapporte-t-il.

Il est «facile d’effrayer l’opinion publique en instillant la peur de l’autre»

Confiant n’avoir jamais oublié les paroles du patriarche de Constantinople Bartholomée lors de son voyage à Lesbos en 2016, il reprend ce message, en s’adressant aux migrants: «Celui qui a peur de vous ne vous a pas regardés dans les yeux. Celui qui a peur de vous n’a pas vu vos visages. Celui qui a peur de vous ne voit pas vos enfants».

Il souligne ensuite qu’il est «facile d’effrayer l’opinion publique en instillant la peur de l’autre». Mais il est «plus difficile de parler de rencontre avec l’autre, de dénoncer l’exploitation des pauvres, les guerres souvent largement financées, les accords économiques passés dans le dos du peuple, les manœuvres occultes pour faire le commerce des armes».

«Nous n’avons pas écouté le cri des pauvres»

Au sujet de la guerre en Ukraine, le pape François fait mémoire des paroles prononcées par Jean Paul II au lendemain de l’effondrement du World Trade Center à New York, en 2001. «[Jean Paul II] écrivait que l’ordre brisé ne peut être pleinement rétabli, si ce n’est en combinant justice et pardon. Les piliers de la vraie paix sont la justice et le pardon qui est une forme particulière d’amour», reprend-il.

Et d’insister: «Ne vous résignez pas à l’idée que pour vaincre le mal il faut utiliser ses propres armes. Comme je l’ai répété lors de la rencontre au Kazakhstan avec les chefs religieux, seul le dialogue est la voie nécessaire et sans retour. Et il faut dialoguer avec tout le monde».

Se remémorant l’arrivée de la pandémie, le pape confie aux journalistes d’Il Mattino que «nous pensions rester toujours sains dans un monde malade». Ainsi, «nous ne nous sommes pas réveillés face aux guerres planétaires et aux injustices, nous n’avons pas écouté le cri des pauvres et de notre planète gravement malade». Dès lors, «c’est aujourd’hui un temps d’épreuve, un temps de choix », avance-t-il. C’est « le temps de choisir ce qui compte et ce qui passe, de séparer ce qui est nécessaire de ce qui ne l’est pas ».

Comment le pape alerte les dirigeants du monde

Dans cet entretien, le pontife rend aussi compte de ces nombreuses supplications adressées aux responsables politiques et économiques internationaux. «J’ai demandé à plusieurs reprises et je continue de demander, au nom de Dieu, aux groupes financiers et aux organismes internationaux de crédit de permettre aux pays pauvres de garantir les besoins fondamentaux de leur population et d’effacer ces dettes si souvent contractées contre les intérêts de ces mêmes peuples».

Un peu plus loin, il assure exiger que les «grandes entreprises cessent de détruire les forêts, de polluer les rivières et les mers et d’empoisonner les gens et la nourriture». Et puis encore: «Je continue à demander aux fabricants d’armes et aux trafiquants de cesser complètement leurs activités, qui fomentent la violence et la guerre, mettant en danger des millions de vies. Tout comme j’ai demandé aux géants de la technologie de cesser d’exploiter la fragilité humaine à des fins lucratives, de ne pas encourager la manipulation psychologique des mineurs sur le web, les discours haineux, les fake news, les théories du complot et la manipulation politique, et de libéraliser au contraire l’accès aux contenus éducatifs».

Aux gouvernements et politiciens de tous bords, François assure demander de «travailler pour le bien commun» en ayant «le courage de regarder leur peuple dans les yeux, de savoir que le bien d’un peuple est bien plus qu’un consensus entre les partis». Le pape leur intime aussi de ne pas écouter seulement «les élites économiques si souvent porte-paroles d’idéologies superficielles qui éludent les vrais problèmes de l’humanité». (cath.ch/imedia/hl/rz)

Le pape François appelle à mettre en avant les «visages» des migrants | © Charles-André Habib/Flickr/CC BY-NC-ND 2.0
18 septembre 2022 | 17:18
par I.MEDIA
Temps de lecture : env. 3  min.
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