Rome : Dans une longue lettre inédite, Jorge Mario Bergoglio raconte sa famille et sa vocation
« J’avais entendu l’appel pour la première fois à l’âge de six ans »
Rome, 24 décembre 2013 (Apic) L’Osservatore Romano a publié le 23 décembre 2013 en italien une longue lettre inédite de Jorge Mario Bergoglio où il raconte sa famille, sa jeunesse et sa vocation à Buenos Aires. Ce récit, écrit en 1990 et dactylographié sur cinq pages, évoque la figure du Père salésien Enrique Pozzoli, le prêtre qui le baptisa le 25 décembre 1936. Cet ami de la famille Bergoglio joua aussi un rôle décisif dans la vocation du futur pape François.
En réponse à une promesse faite à l’historien de l’Eglise argentin Cayetano Bruno, Jorge Mario Bergoglio a longuement évoqué ses souvenirs liés au Père Pozzoli. Il raconte par la même occasion de nombreux détails liés à sa famille. S’il n’apporte aucune révélation fracassante, ce document, conservé par les salésiens de la province de Buenos Aires, abonde d’éléments éclairant la vie et la personnalité du pape François. Il casse également définitivement quelques légendes qui ont circulé lors de son élection. Son père n’a pas exemple jamais été cheminot ni lié aux chemins de fer.
Un papa venu du Piémont en 1929
Jorge Mario Bergoglio raconte que le Père Pozzoli était très attaché à la famille Sívori , la famille de sa mère Regina Maria, en particulier à son frère aîné Vicente avec qui il partageait la passion de la photographie. Il explique ensuite que son père Mario José Bergoglio était arrivé d’Italie le 25 Janvier 1929. Piémontais, né à Asti, enfant unique, il avait vécu principalement à Turin où il avait travaillé pour la Banque d’Italie. La proximité de l’Eglise lui avait fait rencontrer les Pères salésiens, de sorte que quand il est arrivé en Argentine il appartenait déjà à la ›famille salésienne’. Il avait débarqué du bateau le ›Jules César’ mais il avait prévu à l’origine de prendre le paquebot précédent le « princesse Mafalda » qui coula en mer. Jorge Mario Bergoglio ne manque pas d’en remercier la Providence.
La grand-mère, Rosa Margarita Vasallo – la femme qui a eu la plus grande influence dans ma vie- précise Bergoglio avait travaillé dans l’Action catholique naissante. Elle avait tenu des conférences un peu partout. « Il semble que ma grand-mère disait des choses qui ne plaisaient pas à la politique de l’époque… Mais je ne pense pas que la situation politique était la raison de l’émigration vers l’Argentine », indique Bergoglio.
En fait un frère de son grand-père était déjà installé dans le Paraná et sa société marchait bien. Les Bergoglio sont donc venus rejoindre son entreprise de dallage, où travaillaient déjà quatre ou cinq hommes de la famille. José Mario a commencé à travailler en tant que comptable se déplaçant du Paraná vers Santa Fe puis Buenos Aires où il est allé vivre chez les salésiens de la rue Solis. C’est là qu’il rencontra le Père Pozzoli puis les frères Sivori et leur sœur Regina Maria qu’il épousa le 12 décembre 1935.
Une famille sur la paille après la crise
La récession économique suite à crise de 1929, la maladie puis la mort de son président Juan Lorenzo Bergoglio ruinèrent l’entreprise. Contraint de tout vendre, même leur chapelle funéraire, les grands-parents et les parents Bergoglio n’avaient plus rien. Grâce à un prêt du Père Pozzoli, Mario José acheta une boutique dans le quartier de Flores, à Buenos Aires. En février 1948, Regina eut leur cinquième et dernier enfant, une fille, mais elle tomba gravement malade. Il fut alors décider d’envoyer trois des enfants en pension
L’histoire d’une vocation
« Le Père Pozzoli est intervenu de façon décisive en 1955 dans l’histoire de ma vocation », explique Jorge Mario Bergoglio. Comme il l’a déjà raconté ailleurs, il connut le 21 septembre 1954, à l âge de 17 ans, une vraie conversion comme le saint du jour, Matthieu que Jésus était venu appelé a son poste de collecteur d’impôts. « Je n’avais aucun doute que je devais devenir prêtre »
La lettre de 1990 apporte ici un éclairage supplémentaire : « J’avais entendu la vocation pour la première fois à Ramos Mejía , au cours de ma sixième année en parlant avec le célèbre «pêcheur» de vocations, le Père Martínez S.D.B. Mais ensuite, j’ai commencé l’école secondaire et ” adieu ” ! J’ai étudié la chimie à l’école industrielle et j’avais l’habitude de passer de longues périodes, surtout en été, dans la maison de mes grands-parents maternels dans la rue Quintino Bocayuva .
Jorge Mario Bergoglio précise n’avoir pas dit quoi que ce soit dans la maison de la journée du 21 septembre 1954 jusqu’à novembre 1955, année où il achevé l’école industrielle et devait s’inscrire comme étudiant ingénieur en chimie. A la maison, ses parents ne sont pas convaincus. « Ils étaient catholiques pratiquants … mais ils préféraient que j’attende quelques années, et que j’étudie à l’université. » Pour mettre fin à son conflit intérieur il raconte tout au Père Pozzoli. « Il a examiné ma vocation. Il m’a dit de prier, de tout laisser dans les mains de Dieu et m’a donné la bénédiction de Marie Auxiliatrice. Bien sûr, à la maison l’idée : pourquoi n’écoutons nous pas le Père Pozzoli s’est posée. Et moi, avec le meilleur visage du monde, j’ai dit oui. Je me souviens encore de la scène. C’était le 12 décembre 1955. Maman et papa célébraient leurs 20 ans de mariage. La fête comprenait une messe avec mes parents et les cinq enfants à la paroisse de San José de Flores. Le célébrant était le Père Pozzoli. Après la messe, papa nous invita à déjeuner à la pâtisserie ” La Perla de Flores ” ( Rivera Indarte et Rivadavia à un demi- pâté de maisons de la basilique ) … Papa pensait que Père Pozzoli n’accepterait pas, mais le Père Pozzoli, qui savait de quoi il serait question, a accepté sans hésitation. [..] Au milieu du déjeuner, la question se pose. Le Père Pozzoli dit que l’université c’est très bien, mais que les choses doivent être prises lorsque Dieu veut qu’on les prenne… et il commence à raconter des histoires de différentes vocations, et finalement de la sienne. Il raconte comment un prêtre lui demande de devenir prêtre, comment en quelques années il est devenu sous-diacre, diacre, puis prêtre … […] Eh bien, à ce stade, le cœur de mes parents avait fondu. Naturellement, le Père Pozzoli n’a pas terminé en leur disant de me donner la permission d’aller au séminaire, ni en exigeant une décision de leur part … Il s’est contenté de tout «adoucir» … et le reste est venu par lui-même. »
Chez les jésuites
Jorge Mario Bergoglio entre donc au séminaire en 1956, mais en août 1957 il est atteint d’une pneumonie et pensait mourir. Il est opéré d’un poumon. C’est à ce moment là qu’il découvre un appel à la vie religieuse. A nouveau avec les conseils du Père Pozzoli, après sa guérison, en novembre 1957, il ne rentre pas au séminaire et demande à rejoindre la compagnie de Jésus et entre au noviciat en mars suivant.
Le Père Pozzoli sera encore là pour la mort de son père le 24 septembre 1961. (apic/or/mp)