Inscription sur le mur du quartier arménien de la vieille ville de Jérusalem le 12 janvier 2023 indiquant "Mort aux Arabes et aux goyim" (non-juifs) | © Patriarcat Arménien
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Israël et Jérusalem: toujours plus d’agressions visant les chrétiens   

Les actes hostiles à l’encontre des chrétiens en Israël et à Jérusalem sont de plus en plus nombreux, commis par des individus juifs, principalement des jeunes hommes issus des milieux ultra-orthodoxes et nationaux-religieux. Crachats, graffitis, profanations, dégradation de biens sont désormais monnaie courante, dénonce le «Rossing Center for Education and Dialogue»– une organisation interreligieuse basée à Jérusalem et qui promeut une société inclusive pour tous les groupes religieux, ethniques et nationaux.

Face à cette insécurité grandissante, près de la moitié des chrétiens de moins de 30 ans veulent quitter Israël et Jérusalem, selon le rapport 2024 du Rossing Center, une ONG israélienne interreligieuse qui milite pour la paix. La deuxième édition du rapport alerte sur une hausse des actes anti-chrétiens dans la ville sainte pour les trois religions monothéistes.

Des agressions issues des communautés ultra-orthodoxe et nationale-religieuse

Le premier rapport de l’année dernière faisait état de 89 cas, dont 32 attaques contre des biens ecclésiastiques, 30 cas officiellement signalés de crachats et sept attaques violentes, la plupart contre des victimes multiples. L’étude 2024 fait état de 111 épisodes, dont 46 agressions physiques, 35 attaques contre les biens de l’Église et 13 cas de harcèlement.

Statue du Christ mutilé par un extrémiste juif dans l’église de la Flagellation, à Jérusalem | © DR

Selon le rapport, la plupart des auteurs semblent appartenir aux communautés ultra-orthodoxe et nationale-religieuse. La majorité des victimes sont des membres du clergé ou des personnes portant des symboles chrétiens visibles.

«Les incidents que nous sommes en mesure de suivre ne représentent qu’une infime partie de ce qui se passe. Nous ne doutons pas qu’il existe de nombreux autres cas dont nous n’avons pas connaissance», a déclaré au journal The Times of Israël la chercheuse juive Hana Bendcowsky, directrice du Centre de Jérusalem pour les relations judéo-chrétiennes (JCJCR), l’un des programmes du Centre Rossing.

Le 17 octobre 2024, un frère capucin se promenait dans le parc près du quartier historique de Yemin Moshe à Jérusalem lorsque deux adolescents juifs lui ont craché dessus sans dire un mot. Cette agression, de plus en plus courante, est l’un des 111 cas d’agressions contre des chrétiens recensés dans le rapport annuel 2024 du Rossing Center for Education and Dialogue, publié le 27 mars 2025.

Une agression tous les 3,3 jours

Rapportées au nombre de jours dans l’année, ces 111 agressions équivalent à une agression tous les 3,3 jours. «C’est bien plus dans la réalité», reconnaît Federica Sasso, coordinatrice du projet «Sensibilisation et éducation» et coautrice du rapport: «On ne fait qu’effleurer la surface d’un phénomène beaucoup plus large et très complexe à documenter du fait de l’occurence quasi quotidienne de certains abus», rapporte Terre Sainte Magazine.

Lors d’une réunion d’information présentant les résultats du rapport au Centre Notre Dame de Jérusalem, le Père David Neuhaus, jésuite catholique basé à Jérusalem, a souligné la nécessité d’initiatives plus larges pour aborder la crise au niveau du discours public. «Je pense que le fait de se concentrer uniquement sur les juifs religieux qui ont des problèmes avec les symboles religieux chrétiens ne permet pas d’aborder la question des nombreux juifs laïcs qui ont un énorme problème avec les chrétiens, non pas pour des raisons religieuses, mais pour des raisons historiques», a déclaré David Neuhaus. Et de demander que l’on se concentre davantage, non seulement sur les actes individuels de violence, d’abus et de harcèlement, «mais aussi sur certaines des attitudes officielles à l’égard des chrétiens vivant dans l’État d’Israël».

Dans la majorité des cas, ces actes anti-chrétiens prennent la forme d’agressions physiques: 46 d’entre eux ont été recensés en 2024, avec une prépondérance de cas de crachats en direction de religieux en habits. «Ce problème est quotidien, et les religieux n’ont pas toujours le réflexe de s’en plaindre, bien qu’ils se soient montrés plus disposés à signaler les incidents cette année», note Hanna Bendcowsky, directrice du Centre de Jérusalem pour les relations judéo-chrétiennes et coautrice du rapport.

Sentiment de malaise et marginalisation

Viennent ensuite les attaques contre les propriétés chrétiennes, au nombre de 35 en 2024. Graffitis, lancer de pierre, statues vandalisées… Neuf de ces incidents ont été enregistrés dans le nord d’Israël. Le rapport a également comptabilisé 14 cas de dégradation de panneaux publics, 13 cas de harcèlement verbal et de propagande anti-chrétienne ainsi que 3 cas de violation de liberté religieuse.

Les lieux sont quasi systématiquement les mêmes: le quartier arménien, le mont Sion et des sections de la Via Dolorosa dans le quartier musulman. Plus que les chrétiens, ce sont les signes visibles du christianisme qui sont visés: croix, statues, monastères, habits religieux…

«Tous ces facteurs ont intensifié les craintes d’une érosion progressive du statu quo régissant les droits et les protections des communautés chrétiennes en Israël, ainsi que leurs libertés religieuses, renforçant encore leur sentiment de malaise et de marginalisation», concluent les auteurs du rapport.

180’300 chrétiens vivent en Israël

Selon The Times of Israël , citant le Bureau central des statistiques israélien, quelque 180’300 chrétiens vivent en Israël, ce qui représente environ 1,8 % de la population israélienne. Près de 80 % des chrétiens d’Israël sont arabes, ce qui représente 6,9 % de la population arabe du pays. En 2023, la population chrétienne a augmenté de 0,6 %.

L’enquête sur l’identité chrétienne qui accompagne le rapport a été menée auprès de 300 personnes (avec un taux d’erreur possible de 5,6 %). Parmi les personnes interrogées, 34 % se sont identifiées comme chrétiens arabes, 23 % comme chrétiens israéliens, 13 % comme chrétiens palestiniens, 11 % comme Arabes, 9 % comme Palestiniens et 7 % comme chrétiens.

Seule une personne interrogée sur dix a déclaré avoir été victime de harcèlement de la part de juifs israéliens. Près de 60 % des personnes interrogées ont déclaré se sentir à l’aise en portant des symboles religieux chrétiens, tandis que 20 % ont déclaré ne pas se sentir à l’aise.

Interrogés sur leurs relations avec les juifs israéliens, 53 % des répondants ont décrit des interactions quotidiennes, tandis qu’un quart d’entre eux ont déclaré qu’ils n’avaient que rarement ou jamais d’interactions avec des juifs. Toutefois, les résultats ont mis en évidence d’importantes différences géographiques et entre les sexes.

Dans le centre d’Israël, 87 % des personnes interrogées ont déclaré avoir des interactions quotidiennes, tandis qu’à Jérusalem-Est, 37 % d’entre elles n’ont que rarement ou jamais d’interactions. En outre, des échanges quotidiens ont été enregistrés chez près de huit hommes sur dix, mais seulement quatre femmes sur dix.

Les auteurs du rapport soulignent toutefois que leurs efforts de sensibilisation auprès des autorités publiques et policières commencent à porter leurs fruits. «À Jérusalem, certains se soucient vraiment de la problématique et se sont montrés volontaires pour changer les choses», explique Hanna Bendcowsky, en notant que la police avait récemment communiqué sur le fait qu’elle avait arrêté huit jeunes individus qui avaient craché près d’une église.

En cause: «sionisme-religieux» et coalition radicale et religieuse de Netanyahu

Chercheur israélien spécialiste des relations entre Israël et les chrétiens à l’Institut de Jérusalem pour la recherche politique Amnon Ramon estimait déjà en 2023 dans Terre Sainte Magazine que la raison de la montée du mépris envers les chrétiens est le «sionisme-religieux» et la coalition radicale et religieuse dirigée par Benyamin Netanyahu. Un des courants est incarné par Itamar Ben Gvir, ministre de la Sécurité publique, et disciple du kahanisme, une doctrine extrémiste juive issue du sionisme religieux et néosioniste, développée par le rabbin Meir Kahane, fondateur du parti politique Kach, considéré comme organisation terroriste interdite dès 1994 par le gouvernement israélien. Pour ses adeptes, Haut du formulaire

Jérusalem doit être une ville juive dans laquelle il n’y aurait pas de place pour les non-juifs ou les juifs non-observants. L’autre courant, c’est celui des ultra-orthodoxes nationalistes, pour qui l’Etat juif ne peut pas séparer l’Etat de la religion. Nombre d’entre eux sont de jeunes «haredim» ou «craignant-Dieu», des juifs ultra-orthodoxes.  Pour Amnon Ramon, la politique d’Israël envers les chrétiens aujourd’hui «n’est pas claire (…). La politique israélienne envers les Églises est toujours influencée par l’hostilité historique du judaïsme envers le christianisme». (cath.ch/timesofisrael/tsm/be)

Haine visant les Palestiniens sur les médias sociaux en hébreu
Selon «7amleh» – le Centre arabe pour l’avancement des médias sociaux basé à Haïfa – en moyenne, 23 contenus violents ou haineux visant les Palestiniens ont été publiés chaque minute après l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023. 7amleh note une augmentation inquiétante des discours de haine et d’incitation ciblant les Palestiniens sur diverses plateformes en ligne et une diffusion massive de contenu hébreu sur les plateformes de médias sociaux, incitant à la violence contre les Palestiniens. La dernière partie de l’année 2023, selon son rapport «Racism and Incitement Index 2023», a été marquée par une augmentation sans précédent des discours de haine et des contenus violents en hébreu, ce qui a contribué à perpétuer la violence, à justifier les châtiments collectifs et à exacerber la déshumanisation du peuple palestinien, en particulier après le 7 octobre. JB

Inscription sur le mur du quartier arménien de la vieille ville de Jérusalem le 12 janvier 2023 indiquant «Mort aux Arabes et aux goyim» (non-juifs) | © Patriarcat Arménien
30 mars 2025 | 11:40
par Jacques Berset
Temps de lecture : env. 6  min.
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