Inde: des familles chrétiennes expulsées de leurs villages
Les persécutions visant la minorité chrétienne ont repris dans les villages aborigènes du district de Rayagada, dans l’État d’Odisha, dans l’est de l’Inde. Forcées de fuir leurs maisons sous les menaces et les attaques des villageois hindous, treize familles chrétiennes ont trouvé refuge dans la jungle avoisinante au cours des dernières semaines.
Dans le district de l’Odisha, les tensions ont débuté en novembre dernier, lorsque deux familles chrétiennes du village de Chichinga ont été ostracisées par les hindous dominants en raison de leur religion et sommées de quitter leurs maisons, rapporte Eglises d’Asie. Plus récemment, six familles chrétiennes d’un autre village, Sikarpai, ont également été la cible d’attaques orchestrées par les habitants issus des hautes castes hindoues. Ceux-ci se sont opposés au déroulement d’un mariage chrétien, puis ont prohibé l’accès du puits commun aux femmes chrétiennes et ont interdit à la minorité de pratiquer les rites chrétiens dans le village.
«Malgré les menaces, ces chrétiens restent fermes dans leur foi qu’ils exercent depuis quatorze ans», a commenté le Père Purushottam Nayak, de l’archidiocèse de Cuttack-Bhubaneswar, à l’agence catholique Ucanews. Fin mai, les six maisons des chrétiens de Sikarpai ont été vandalisées et endommagées, poussant les victimes à fuir et à trouver refuge dans la jungle. D’après le site d’information Morning Star News, qui alerte sur les atteintes aux droits de l’homme visant les chrétiens, ces familles ont été rejointes par cinq autres du village avoisinant de Kotlanga, où les chrétiens ont également été victimes, le 7 juin, de menaces proférées à leur encontre.
Chassés dans la forêt
Aujourd’hui, ils seraient 57 hommes, femmes et enfants à avoir ainsi été déplacés. Les minorités chrétiennes de trois autres villages, Siripai, Kona et Tongapai, feraient également face à des intimidations, d’après les informations communiquées aux agences par le pasteur Upajukta Singh.Selon lui, le progrès social réalisé par l’ensemble de ces familles chrétiennes d’origine aborigène n’aurait pas été toléré par les hindous dominants.
À ce jour, face à ces tensions, la police n’a pas pris les mesures nécessaires pour protéger la minorité, et cela en dépit de plaintes déposées, le 15 mars et le 10 mai, auprès du commissariat local de Singhpur. D’après le Morning Star News, les autorités locales ont rendu visite, le 22 juin, aux réfugiés établis dans la jungle, et leur auraient demandé de renoncer à leur religion pour apaiser les conflits.
Une impunité quasi-totale
La situation des minorités dans l’État de l’Odisha est particulièrement sensible. Chacun a gardé en mémoire la flambée de violences antichrétiennes perpétrées en août 2008, à l’appel de fondamentalistes hindous après l’assassinat d’un de leurs leaders à Kandhamal. Les émeutes avaient fait plus de 100 morts et près de 300 églises avaient été détruites.
À l’échelle de l’Inde, le contexte politique ravive les tensions interreligieuses depuis l’arrivée au pouvoir, en 2014, du Premier ministre nationaliste hindou Narendra Modi. Si l’Inde était, en 2013, à la 31e place des pays où les chrétiens sont le plus persécutés, d’après le classement de l’organisation chrétienne Portes ouvertes, le pays a pris la dixième place de ce classement en 2020 et en 2021. Depuis l’an dernier, la crise sanitaire et les restrictions qui lui sont liées ont ralenti les mécanismes de défense des minorités ciblées.
La liberté religieuse pâtit de la promotion du projet d’une nation hindoue
D’après le United Christian Forum, une organisation dotée d’une ligne téléphonique gratuite pour répondre aux appels à l’aide des chrétiens discriminés, 127 incidents ont été répertoriés au cours des cinq premiers mois de 2021. Le recours au Freedom of Religion Act, une loi anti-conversion désormais implémentée dans huit États du pays, est fréquent contre les minorités chrétiennes et musulmanes. (cath.ch/eda/mp)