Immeuble londonien: «Les millions volaient comme des vignettes Panini»
Le manager italien Luca Dal Fabbro a raconté, lors de la 41e audience du procès dit de «l’immeuble de Londres», le 2 décembre 2022, comment il avait tenté dès la fin de l’année 2018 d’aider la secrétairerie d’État face au courtier molisan Gianluigi Torzi. Il a décrit une négociation confuse pour que le Saint-Siège récupère le contrôle de l’immeuble et a affirmé que Gianluigi Torzi réclamait «des sommes astronomiques». L’agence I.MEDIA, qui a assisté à cette audience, en retient les éléments les plus importants.
La découverte du problème des «1’000 actions avec droit de vote»
Luca Dal Fabbro, ingénieur et dirigeant dans le secteur de l’énergie, est entré dans l’affaire de ‘l’immeuble de Londres’ en décembre 2018, peu après la signature, fin novembre, des contrats qui transféraient la gestion de l’immeuble de Raffaele Mincione à Gianluigi Torzi.
Le comptable Fabrizio Tirabassi, sur ordre de Mgr Alberto Perlasca, son supérieur à la tête de la section financière de la secrétairerie d’État, lui avait envoyé ces contrats pour qu’il les étudie. Après quelques jours, il s’est rendu compte que Gianluigi Torzi avait récupéré les 1’000 actions avec droit de vote et donc le contrôle effectif de l’immeuble. Le manager italien s’est alors rendu au Vatican et a révélé le problème à Mgr Perlasca et Fabrizio Tirabassi.
Luca Dal Fabbro a dit avoir été «affecté humainement» par la réaction de Mgr Perlasca: il l’aurait vu «s’affaisser», très «éprouvé» et «surpris» par l’annonce. Le manager ne se souvenait en revanche pas de la réaction de Fabrizio Tirabassi, qu’il a confié connaître depuis longtemps. La version de Luca Dal Fabbro correspond à celle présentée par Mgr Perlasca. Lors de l’audience du 24 novembre, il avait déclaré que c’était ce manager italien qui lui avait révélé que le Saint-Siège avait perdu le contrôle du bâtiment.
Les négociations confuses avec Gianluigi Torzi
Luca Dal Fabbro a expliqué avoir ensuite essayé d’aider la secrétairerie d’État à négocier avec Gianluigi Torzi. Ce dernier demandait 30 millions d’euros – il obtiendra finalement 15 millions d’euros – pour rendre le contrôle du bien immobilier au Saint-Siège, ce que Dal Fabbro jugeait injustifié. Cependant, après avoir rencontré deux fois le substitut Mgr Edgar Peña Parra, Luca Dal Fabbro affirme que la situation des négociations n’était toujours pas claire selon lui, et que les sommes avancées variaient allégrement; «5, 10, 15, 30, 300…». «Les millions volaient partout comme des vignettes Panini», a-t-il lancé.
Ne comprenant pas pourquoi la secrétairerie d’État devait négocier avec Gianluigi Torzi, il a aussi envoyé un message à Mgr Mauro Carlino, le secrétaire du substitut – aujourd’hui mis en cause dans le procès – pour lui signifier que, selon lui, les négociations se déroulaient dans des «conditions inacceptables» et impliquaient des chiffres «astronomiques».
Le manager italien a expliqué avoir aussi incité la secrétairerie d’État à trouver des solutions à leur problème, comme lancer un appel d’offres pour la gestion du bâtiment ou contacter les autorités britanniques – la National Crime Agency. Il a aussi suggéré à Mgr Peña Parra et à Mgr Carlino d’envisager une réponse juridique, mais n’a pas reçu de réponse. Luca Dal Fabbro a aussi reconnu avoir rencontré le directeur de l’IOR Gian Franco Mammì, sur demande de Mgr Edgar Peña Parra qui avait mandaté l’IOR pour obtenir un prêt. Mais il explique avoir ensuite décidé de jeter l’éponge et de ne plus suivre cette affaire.
Les audiences à venir
La dernière audience de 2022 est prévue pour le 16 décembre. Renato Giovannini et Manuele Intendente, proches de Gianluigi Torzi, doivent être entendus, mais le bureau du procureur a déclaré qu’ils n’avaient pas encore confirmé leur présence. (cath.ch/imedia/ic/rz)