«Il y aurait 20’000 enlèvements de migrants chaque année au Mexique»

Mexique: 72 sans-papiers exécutés par une organisation de narcotrafiquants près de San Fernando

Mexico, 27 août 2010 (Apic) Les catholiques de l’Etat mexicain de Tamaulipas ont prié pour les 72 sans-papiers d’Amérique centrale et du Sud, dont les cadavres ont été découverts le 24 août dernier dans un ranch près de San Fernando, dans le nord-est du Mexique. En route vers les États-Unis, ce groupe de migrants qui traversait le Mexique a eu le malheur de tomber sur les Zetas, une organisation de narcotrafiquants réputée pour sa cruauté.

Ce massacre expose une fois de plus les énormes risques encourus par les migrants en situation irrégulière transitant par le pays dans des tentatives désespérées pour atteindre les Etats-Unis, souligne l’agence américaine «Catholic News Service» (CNS).

Un charnier à ciel ouvert

Selon l’Agence France-Presse (AFP), c’est un Équatorien, le seul survivant du massacre, qui a donné l’alerte le 24 août. Blessé par balle, fuyant ses ravisseurs, il est parvenu à un poste de contrôle routier tenu par des militaires près de San Fernando. Il leur a raconté son histoire: retenu prisonnier dans un ranch à proximité de la route, il a échappé à une exécution collective perpétrée par ses ravisseurs. Les marines ont alors établi une surveillance aérienne du périmètre et se sont rendus au lieu indiqué. Après avoir répondu aux tirs d’hommes armés en fuite, les militaires ont fait une macabre découverte: les cadavres de 58 hommes et 14 femmes, de différentes nationalités.

C’est sans doute «le plus grand meurtre de masse depuis que le pays a commencé à sévir contre les cartels de la drogue et le crime organisé», indique CNS. Contacté par l’agence de presse catholique, le Père Alan Camargo, porte-parole du diocèse de Matamoros, a annoncé que quatre prêtres de la municipalité de San Fernando offraient un soutien pastoral aux résidents locaux. Les habitants, a-t-il ajouté, se sont rassemblés dans des maisons privées pour prier. Une messe pour les victimes a été célébrée le 26 août à San Fernando.

Le gouvernement mexicain critiqué

Les organisations des droits de l’homme et les catholiques qui travaillent avec les migrants condamnent le massacre ainsi que l’incapacité du gouvernement mexicain à empêcher une telle tragédie. D’après eux, celle-ci illustre le paradoxe de la position du gouvernement mexicain en matière d’immigration: le pays se bat vigoureusement pour les droits de ses migrants résidant aux États-Unis, mais échoue souvent à réduire les abus et l’exploitation des sans-papiers d’Amérique centrale et du Sud sur son propre territoire.

«En raison de fréquents témoignages des migrants victimes de kidnapping, qui ont été documentés au cours des deux dernières années par diverses organisations de la société civile, nous pouvons affirmer que ce massacre … n’est pas un événement isolé», ont déclaré sept organisations des droits humains ainsi que le pastorale des migrants de la Conférence épiscopale mexicaine dans un communiqué distribué le 25 août.

«Jusqu’à présent, la seule réponse offerte par le gouvernement fédéral sur le sujet s’est limitée à un rapport transmis à la Commission interaméricaine des droits de l’homme dans lequel il tente de nier l’ampleur de la tragédie», indique le communiqué.

Des assassinats impunis

L’organisation criminelle Los Zetas, qui est connue pour recruter contre leur consentement des sans-papiers centraméricains, est soupçonnée du massacre de San Fernando.

Les kidnappings et l’extorsion de migrants, en particulier centraméricains, constituent de nouvelles sources de financement pour les cartels de narcotrafiquants mexicains, explique l’AFP. Les gangs criminels prennent en otages de grands groupes de sans-papiers alors que ceux-ci traversent le Mexique à pied ou sur le toit de trains de marchandises. Des rançons sont envoyées par leurs familles mais, souvent, les migrants sont torturés, ou même exécutés.

La Commission nationale des droits de l’homme, un organe gouvernemental, a récemment exhorté le président Felipe Calderon à mettre fin à l’impunité qui entoure ces crimes. D’après cette institution, il y aurait environ 20’000 enlèvements de migrants commis chaque année au Mexique. (apic/cns/ag/fb)

27 août 2010 | 17:42
par webmaster@kath.ch
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