Le pape Pie XI, auteur de Quadragesimo Anno (Photo: dr)
Vatican

Il y a cent ans, Achille Ratti devenait le pape Pie XI

Le 6 février 1922, le conclave réuni à Rome pour trouver un successeur à Benoît XV, décédé le 22 janvier, se conclut par l’élection d’Achille Ratti, qui prend le nom de Pie XI. Cent ans après, I.MEDIA revient sur cette journée décisive. 

Pape durant le deuxième quart du XXe siècle, Pie XI réconcilia le saint-Siège et l’Italie par les fameux Accords du Latran en 1929 avant de s’engager fermement contre le communisme, le fascisme et le nazisme.

La fumée blanche, peu de temps avant midi, avait provoqué un mouvement de foule sur la place Saint-Pierre, suivi d’un fracas de chaises bousculées et d’éclats de voix dans la basilique attenante. La fumerolle annonçait à Rome et au monde que les cardinaux rassemblés en collège dans la chapelle Sixtine venaient de désigner le nouveau pape. Les fidèles s’étaient engouffrés dans la basilique pontificale pour venir écouter l’annonce déclamée, à l’époque, depuis la loggia intérieure.

Pie XI sort sur le balcon extérieur

Cette pratique avait été mise en place par Pie IX depuis la perte des États pontificaux en 1870 et constituait un signe effectif du statut de «prisonnier dans le Vatican» que revendiquaient alors les papes. Les élections de Léon XIII (1878), Pie X (1903) et Benoît XV (1914) avaient toutes suivi ce protocole.

La basilique Saint-Pierre de Rome (photo wikimedia commons Jean-Pol Grandmont CC BY-SA 3.0)

Le 6 février 1922, les fidèles s’étaient donc amassés dans la nef de la basilique en attendant qu’apparaisse le cardinal protodiacre chargé de dévoiler l’identité du nouveau pontife. Cependant, à la stupeur générale, ce fut un simple prélat de la Maison pontificale qui se présenta et fit cette annonce surprenante: le pape allait donner sa première bénédiction non pas à l’intérieur, mais de la loggia extérieure. La marée humaine se retira alors de la nef, se déversant sur la place Saint-Pierre dans l’attente de la première apparition pontificale.

Un conclave de cinq jours

Le conclave durait depuis déjà cinq jours, un temps particulièrement long en comparaison des scrutins précédents. En cause, un collège électoral divisé ayant le plus grand mal à atteindre la majorité des deux tiers nécessaire pour désigner le nouvel évêque de Rome.

Pie XI fut un des premiers papes à se déplacer en automobile | domaine public

Les cardinaux étaient seulement 53 sur les 60 qui composaient alors le Sacré Collège: trois cardinaux européens, malades, n’avaient pu venir. Quatre autres, deux Américains, un Canadien et un Brésilien n’avaient pas réussi à rejoindre la Ville Éternelle à temps pour participer.

Des cardinaux divisés

L’histoire du conclave est bien connue grâce au journal tenu par le cardinal autrichien Friedrich Gustav Piffl, publié en 1963. Dans la chapelle Sixtine, deux camps s’opposèrent: d’un côté, le cardinal espagnol Merry Del Val, nommé archevêque par Léon XIII à 35 ans, secrétaire d’État de Pie X et cardinal à seulement 38 ans, représentant un ligne considérée comme «conservatrice». De l’autre, le cardinal Pietro Gasparri, ancien nonce, camerlingue et secrétaire d’État de Benoît XV depuis le début de la Première Guerre mondiale, perçu comme plus «libéral». 

En février 1931, Pie XI inaugure Radio-Vatican, à sa gauche le cardinal Pacelli futur Pie XII | domaine public

Le premier scrutin, le 2 février, donna le ton: 12 voix pour Merry del Val, 10 pour le cardinal Pietro Maffi, proche du cardinal Gasparri qui récoltait 8 voix, 4 pour le patriarche de Venise Pietro La Fontaine, 5 pour Achille Ratti, archevêque de Milan et cardinal depuis seulement six mois, et enfin 4 pour le préfet néerlandais de la Propagande Fide – ancêtre de la Congrégation l’évangélisation des peuples–, le cardinal Willem Marinus van Rossum.

Le lendemain, les voix de Merry del Val passèrent au cardinal La Fontaine et la candidature du cardinal Gasparri atteignit 24 voix. Mais le jour suivant, les deux cardinaux dépassèrent chacun à peine la vingtaine de suffrages: la situation était bloquée.

Le 5 février, les votes en faveur des cardinaux Maffi et Gasparri se reportèrent soudainement sur le cardinal Ratti, qui atteignit les 27 voix. Selon le cardinal Gasparri, le camp conservateur aurait alors tenté des manœuvres désespérées, allant jusqu’à trahir l’interdiction de poser des conditions pour voter pour l’archevêque de Milan – une faute normalement synonyme d’excommunication. Les deux tiers furent finalement atteints le lendemain avec le ralliement des voix du cardinal La Fontaine. 

Les premières décisions de Pie XI

À peine élu, le nouveau pape prit plusieurs décisions particulièrement frappantes. Le choix de la loggia extérieure, tout d’abord, confirmait dès sa première apparition sa volonté de poursuivre la politique d’apaisement des relations avec l’Italie amorcée sous le pontificat de Benoît XV. A posteriori, on peut légitimement y voir un signe annonciateur des accords de Latran, que Pie XI fera signer le 11 février 1929, et qui mettront définitivement fin à la «question romaine» en créant l’État de la Cité du Vatican.

Le cardinal Gasparri et Benito Mussolini signent les Accords du Latran, le 11 février 1929 | domaine public

Son second choix déterminant fut le choix du nom «Pie», qui le plaçait de facto dans le sillage de Pie IX et Pie X – pontifes perçus comme conservateurs. Mais, dans le même temps, il choisit le jour même de son élection de confirmer le cardinal Gasparri – tête de file de la frange libérale du collège des cardinaux – comme secrétaire d’État du Saint-Siège. Une sorte de compromis ingénieux lui permettant de sortir de la polarisation importante apparue lors du conclave. 

La dernière décision marquante intervint plusieurs semaines plus tard. Le 28 février, recevant le cardinal William Henry O’Connell, archevêque de Boston arrivé trop tard pour l’élection, il lui déclara : « Il n’y aura plus de course de 5’000 miles dans un vain effort pour atteindre Rome à temps pour un conclave. Les États-Unis sont trop importants pour être ignorés comme ils l’ont été. Je veillerai à ce que ce qui s’est passé au dernier Conclave ne se reproduise pas ».

Le 1er mars, il publia un nouveau règlement pour le conclave qui prévoyait que l’élection puisse être reportée à dix-huit jours après la mort du pontife afin d’attendre les Américains, contraints de traverser l’Atlantique en bateau. Un report qui devait être utilisé une fois, en 1939, pour l’élection de Pie XII.  (cath.ch/imedia/cd/mp)

Ambrogio Damiano Achille Ratti

Ambrogio Damiano Achille Ratti est né, le 31 mai 1857, d’une famille de la bourgeoisie lombarde dans la petite ville de Desio près de Milan. Dès la fin de son école primaire, le garçon est placé au petit séminaire. Il passe ses vacances chez son oncle le curé Damiano Ratti qui lui fait approfondir ses études. Il entre ensuite au grand séminaire de Milan.

En 1874, le jeune Achille, âgé de 17 ans, qui a pris l’habit des tertiaires franciscains est remarqué par l’archevêque de Milan. Le prélat le charge d’enseigner la grammaire au petit séminaire avant de l’envoyer en 1879, au séminaire pontifical lombard de Rome et à l’université grégorienne.  

Prêtre à 22 ans, docteur à 25 ans

Achille Ratti est ordonné prêtre le 20 décembre 1879, à l’âge de 22 ans. Toujours aussi studieux, il obtient trois doctorats, en philosophie, en droit canonique et en théologie.

En 1882, il regagne la ville de Milan en tant que vicaire dans la petite paroisse de Barni pendant quelques mois. Puis, il est nommé professeur au grand séminaire. Il devient ensuite conservateur puis préfet de la bibliothèque Ambrosienne.

En 1912, le pape Pie X l’appelle comme vice-préfet de la Bibliothèque apostolique vaticane.

Alpiniste chevronné

Très studieux, Achille Ratti est également un grand sportif, connu pour son goût de l’alpinisme. Il gravit ainsi de nombreux sommets des Alpes, où il ouvre de nouvelles voies: le Cervin, la pointe Dufour dans le Mont Rose ou le Mont Blanc. En 1889 obligé de bivouaquer sur une corniche de la Pointe Dufour, il échappe de peu à la mort. Le ›dottore’ Ratti devient membre honoraire des Clubs alpins de Desio et de Milan

Le Grand-Saint-Bernard dans les Alpes valaisannes | © François Perraudin/Éditions Agora

Diplomate en Pologne

En avril 1918, il est désigné visiteur apostolique en Pologne, où la situation diplomatique et militaire est très tendue. L’État polonais en voie de reconstitution, est en conflit avec l’Union soviétique. Lorsque l’État est officiellement reconnu, Ratti reçoit formellement le titre de nonce apostolique et est ordonné évêque à Varsovie en 1919. Lors du siège de Varsovie par les Soviétiques, en août 1920, il fait preuve d’un grand courage personnel. Il en gardera un solide anticommunisme.

Archevêque de Milan

En juin 1921, Achille Ratti est nommé cardinal archevêque de Milan, son diocèse d’origine, par le pape Benoît XV. Il y déploie une grande activité, en particulier dans le domaine de l’enseignement.

En janvier 1922, à l’ouverture du conclave qui doit élire le successeur de Benoît XV, il ne fait pas figure de favori,mais plutôt d’outsider.MP

Le pape Pie XI, auteur de Quadragesimo Anno
4 février 2022 | 17:00
par I.MEDIA
Temps de lecture : env. 6  min.
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