La cathédrale St-Nicolas de Fribourg |  © Maurice Page
Suisse

Il y a 100 ans, Mgr Besson prenait possession de la cathédrale Saint-Nicolas

Fribourg s’apprête à vivre les 1er et 2 février 2025, les avant-derniers feux des festivités du centenaire de l’élévation de sa collégiale Saint-Nicolas au rang de cathédrale. En fait, en 1924, les Fribourgeois avaient dû se soumettre à la volonté de Rome et faire contre mauvaise fortune bon coeur.

Le 1er février 1925, Mgr Marius Besson prenait officiellement possession de sa cathédrale Saint-Nicolas. La cérémonie «très imposante et très belle a été malheureusement assombrie par un événement imprévu et douloureux, rapporte le lendemain le quotidien La Liberté. Mgr Léon-Henri Esseiva, prévôt de Saint-Nicolas (…) a été saisi d’une affection grave qui a nécessité une opération chirurgicale immédiate.» Le prévôt décédera le lendemain. L’anecdote illustre une ‘passation de pouvoir’ qui ne fut pas si facile pour les Fribourgeois.

Programme des manifestations 2025
01.02 Découvrez la cathédrale! Visites guidées de 10h à 16 h
02.02 Journée officielle du jubilé de la Cathédrale. Messe diocésaine à 10h15
Mars-avril
Messes des dimanches de Carême radiodiffusées en direct sur RTS Espace 2 à 9h05
12.04 Découvrez la cathédrale! Visites guidées
20.04 Messe de la Solennité de Pâques et clôture du jubilé de la cathédrale à 10h15

Régulariser la situation

Dans son discours inaugural, l’évêque Mgr Besson n’en fait d’ailleurs pas mystère : «Le Souverain Pontife, en élevant l’insigne et exempte collégiale de Saint-Nicolas au rang d’église cathédrale, n’a pas seulement voulu régulariser une situation qui, sous certains rapports, consacrait d’antiques privilèges, et dont, par suite d’une coutume déjà longue nous pouvions, en somme, nous accommoder, mais qui ne laissait pas de présenter quelque anomalie, et ne s’harmonisait plus avec les règles générales du droit ecclésiastique. Il a voulu mettre un nouvelle gloire au front de ce cher et vieux monument.» L’élégance du propos ne suffit pas à cacher ce que l’historien ecclésiastique Urban Fink qualifie de coup de force de Rome.

Fribourg, le pont de la Poya et la cathédrale St-Nicolas (photo Maurice Page)

D’antiques privilèges

Reprenons le fil de l’histoire. La première église Saint-Nicolas de Fribourg, dont il ne reste plus de traces, a été consacrée en 1182. La cité dépend alors du diocèse de Lausanne. L’édifice actuel érigé entre 1283 et 1490 accède au rang de collégiale en 1512. Le pape Jules II accorde aux chanoines du chapitre d’assez larges droits et privilèges dans l’Église du canton de Fribourg.

Au moment de la Réforme, si Fribourg est restée catholique, ce n’est pas seulement grâce aux ecclésiastiques et au chapitre de la collégiale, mais aussi grâce au pouvoir séculier qui s’est engagé à fond dans la défense de la tradition catholique. Comme ailleurs, les autorités n’étaient cependant pas prêtes à renoncer à leur influence sur l’Église locale.

Rome se montra toutefois généreuse envers Fribourg en raison de son attachement à la tradition. Au prix parfois de quelques paradoxes. Ainsi lorsque Fribourg profite de la conquête du pays de Vaud par les Bernois en 1536 pour s’approprier la région de Bulle qui appartient… à l’évêque de Lausanne, rappelle Urban Fink.

Les chanoines de la cathédrale St-Nicolas de Fribourg (photo Maurice Page)

Un évêque en exil et sans cathédrale

Exilé depuis 1536, l’évêque de Lausanne séjournait en Savoie, en Franche-Comté ou à Soleure. Du XVIe au XIXe siècle, plusieurs tentatives de transfert du siège diocésain à Fribourg échouèrent. En 1614, une convention fut signée entre Rome et les autorités fribourgeoises. Elle permit l’installation d’un évêque à Fribourg, sans que ce dernier n’y «possède» une cathédrale. L’évêque de Lausanne étant plus toléré que bienvenu à Fribourg. Celui-ci n’y résida définitivement qu’à partir de 1663, avec l’accès de patriciens fribourgeois au siège épiscopal. Et c’est en 1814 seulement que l’évêque put acquérir une résidence à la rue de Lausanne. A Fribourg, des conflits territoriaux et de juridiction empoisonnèrent longtemps les relations de l’évêque avec le canton et le chapitre de Saint-Nicolas.

La cathédrale Saint-Nicolas accueille un flux quasi constant de visiteurs | © Maurice Page

Une dizaine de tentatives pour installer l’évêque à Fribourg

En 1915, après le décès de l’évêque André Bovet d’un cancer à l’âge de 50 ans, Mgr Georg Schmid von Grüneck entreprit, à la demande de Rome, une neuvième tentative d’élever la collégiale de Fribourg au rang de cathédrale. L’évêque de Coire, qui avait été momentanément administrateur apostolique à Fribourg, proposa que l’évêque soit également le prévôt du chapitre cathédral et que ce dernier, comprenant désormais à la fois des membres résidents et des membres non résidents, soit habilité à soumettre à Rome une liste de trois candidats en vue de l’élection de l’évêque. (Comme cela se faisait à Bâle, Coire et St-Gall. NDLR)

La bulle du pape Pie XI qui élève la collégiale de Saint-Nicolas au rang de cathédrale | © diocèse LGF

Le chapitre canonial et le gouvernement fribourgeois aspiraient toutefois au statu quo. La nomination par Rome de Mgr Placide Colliard au poste de nouvel évêque de Lausanne et Genève rendit le projet caduc. Mais Mgr Colliard mourut lui aussi prématurément en 1920 après seulement cinq ans d’épiscopat. Mgr Marius Besson lui succéda.

Le coup de force de Rome

En 1924, alors que la nomination du ‘curé de ville’ est l’objet d’une dispute entre les divers partenaires, Rome prit de court le chapitre cathédral fribourgeois avec la bulle Sollicitudo omnium ecclesiarum du 17 octobre 1924: le chapitre canonial fut transformé en chapitre cathédral, comprenant désormais dix chanoines résidents et dix non résidents.

La ville de Fribourg accueille son nouvel évêque Mgr Marius Besson | Notre Histoire

Rome ordonna que la nomination romaine des évêques, introduite par le premier droit canon général en 1917, s’applique également à Fribourg. Le Saint-Siège laissa cependant à la bourgeoisie fribourgeoise l’élection des curés et continua à autoriser la nomination des chanoines résidents par le gouvernement fribourgeois. 

Par ce décret le diocèse de Lausanne et Genève fut rebaptisé diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF). Et le 1er février 1925, l’évêque Marius Besson prit possession de sa nouvelle cathédrale.

Une protestation muette

Le prévôt du chapitre, Mgr Léon-Henri Esseiva, pris au dépourvu par Rome, devait être nommé évêque titulaire dans le cadre de cette réorganisation: une compensation pour la perte de droits ancestraux du chapitre collégial. Mgr Esseiva refusa, car il ne souhaitait pas entrer dans l’histoire en tant que fossoyeur des anciennes libertés du chapitre. Le jour même de la prise de possession de la cathédrale par l’évêque, le prévôt mourrait de manière inattendue, «comme un signe muet de protestation contre cette transformation indésirable», conclut Urban Fink. (cath.ch/MI/mp)

Le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg
Le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF) englobe des territoires qui appartenaient originairement à deux diocèses: celui de Lausanne et celui de Genève. Le territoire de ces diocèses a beaucoup évolué au cours des siècles, il englobe actuellement quatre cantons romands: Vaud, Genève, Fribourg et Neuchâtel.
Le premier siège épiscopal sur le plateau suisse a été installé à Windisch dès le IIIe siècle, puis transféré à Avenches, d’où l’évêque Saint Maire le fixa à Lausanne à la fin du VIe siècle. Le diocèse de Lausanne comprenait un territoire s’étendant des rives du Léman aux rives de l’Aar.
La fondation du diocèse de Genève est due aux évêques de Vienne (France) au IVe siècle. Ce diocèse se composait de la ville et des régions qui en dépendaient, plus une grande partie de la Savoie et le Pays de Nyon. Après la Réforme, l’évêque se fixa à Annecy en 1564. En 1819, le territoire de la République de Genève, suisse depuis 1815, a été rattaché au diocèse de Lausanne.
C’est en 1924, par l’érection de la collégiale Saint-Nicolas en cathédrale que le diocèse a pris son appellation actuelle. Son territoire est le même depuis 1864. MP

La cathédrale St-Nicolas de Fribourg | © Maurice Page
30 janvier 2025 | 17:00
par Maurice Page
Temps de lecture : env. 5  min.
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