H. Zollner: «Un changement de mentalité est nécessaire dans l’Eglise»
A la veille de la publication de l’étude préliminaire sur l’histoire des abus sexuels dans l’Église en Suisse, le Père Hans Zollner recommande aux évêques suisses d’en accepter les résultats et d’en tirer les conséquences.
Jacqueline Straub kath.ch / traduction adaptation Maurice Page
Le Père jésuite, qui a quitté en mars 2023 la Commission pontificale pour la protection de l’enfance afin de protester contre son manque de transparence, revient également sur l’état actuel de la lutte contre les abus sexuels dans l’Église.
Quelles sont les compétences du dicastère pour la doctrine de la foi en matière de protection de l’enfance?
Hans Zollner: Le Dicastère pour la Doctrine de la Foi a une compétence mondiale pour enquêter sur les accusations portées contre des membres du clergé et pour prononcer un jugement lorsque les victimes de violences sexuelles sont des enfants, des adolescents ou des personnes handicapées mentales. Le dicastère pour la doctrine de la foi peut également déléguer le jugement, par exemple à un tribunal ecclésiastique régional.
Le dicastère pour la doctrine de la foi peut-il faire de la prévention?
Pas directement, car cela ne fait pas partie de ses attributions. Indirectement oui, de la même manière que toute jurisprudence conséquente peut, dans un certain sens et jusqu’à un certain point, avoir un effet préventif.
Quel crédit accordez-vous au dicastère pour la doctrine de la foi dans la lutte systématique contre les abus sexuels au sein de l’Église catholique?
Le dicastère est, au sein de l’Église, le ministère public et le tribunal pour ce type de crimes. J’attends de lui qu’il applique le droit de manière conséquente et que les motifs d’un jugement soient communiqués. De même, il doit indiquer où en est la procédure judiciaire. Actuellement, ces deux choses ne sont généralement pas faites. Ni les personnes concernées ni les accusés n’en sont informés. Dans certains cas, même l’évêque ne connaît pas l’état de la procédure.
Vous critiquez donc le manque de transparence?
Les normes juridiques de l’Église suffiraient dans l’ensemble – mais il est impossible de comprendre comment elles sont appliquées. Le fait que l’Eglise ne communique pas de manière transparente dans ce domaine n’est pas compréhensible.
Que faut-il changer dans le droit ecclésiastique pour que les victimes d’abus sexuels soient prises au sérieux dans la procédure?
Il faut un droit d’information et d’audition. Cela n’existe pas encore. Lors d’une conférence sur ce thème, nous avons dit à plusieurs reprises: ce qui est normal dans les autres procédures pénales, celles de l’Etat, doit également être repris par l’Eglise.
Fin mars, on a appris que vous quittiez la Commission pontificale pour la protection de l’enfance. Avez-vous délibérément rendu cette décision publique?
J’en ai parlé auparavant avec le pape François. Il a donné son accord pour mon départ. La commission a ensuite décidé de ne parler que de mes mérites et de ma prétendue charge de travail lorsqu’elle a annoncé mon départ. Cela n’était pas acceptable pour moi.
Pourquoi?
Je voulais montrer clairement qu’il y avait de graves raisons internes pour lesquelles j’ai quitté la commission : le manque de transparence à l’intérieur et à l’extérieur, le manque de clarté concernant le domaine d’activité de la commission et la responsabilité des membres ainsi que les questions relatives à la responsabilité financière sont les raisons qui m’ont poussé à partir.
Le diocèse de Coire a publié un code de conduite que tous les collaborateurs ecclésiastiques doivent signer. Est-ce un bon instrument pour endiguer les abus?
C’est une bonne initiative de s’adresser à tous les collaborateurs avec un tel code et de les sensibiliser. Mais il ne faut pas se faire d’illusions : cela ne suffit pas. Un code ne peut pas à lui seul empêcher les abus.
Quel regard portez-vous sur le traitement des abus dans l’Église universelle?
Au fond, je suis optimiste et j’ai l’espoir que les choses vont bien se passer. Car je constate que beaucoup de choses ont déjà été faites au cours des 20 dernières années.
A quoi le constatez-vous?
Cela se voit dans la prise de conscience et la possibilité de pouvoir parler entre-temps dans le monde entier des abus et de leur dissimulation. Les nombreuses modifications législatives au sein de l’Église ont également un impact. C’est une évolution continue. Malheureusement, celle-ci n’est pas aussi rapide que beaucoup – et moi aussi – le souhaiteraient. Ces étapes doivent être suivies de beaucoup d’autres.
En Suisse, une étude préliminaire sur le traitement de la violence sexuelle dans l’Eglise catholique sera présentée le 12 septembre. Une telle étude aurait-elle dû voir le jour il y a quelques années déjà?
Bien sûr, une telle chose aurait toujours pu arriver plus tôt. De nombreux points qui ont été mis en évidence dans d’autres expertises seront également révélés en Suisse. La Suisse ne sera pas une exception.
Que recommandez-vous aux évêques en vue du 12 septembre?
Vous devriez écouter et accepter ce qui est dit. Vous ne devez en aucun cas vous immiscer dans les résultats scientifiques. Je recommande également de tirer des conséquences concrètes et efficaces dans sa propre réflexion et de le communiquer ensuite.
Les évêques devraient-ils démissionner, même s’ils n’ont pas commis ou couvert d’abus?
Une démission ne signifie pas automatiquement que des explications seront données et que l’enquête se poursuivra bien. Néanmoins, il faut une prise de responsabilité – même si l’on n’a rien à se reprocher directement. Les évêques, les provinciaux et les autres responsables représentent leur institution respective, y compris dans leur histoire. En même temps, il est vrai qu’un changement de structure et de mentalité est nécessaire dans l’Église. Mais même une démission ne peut pas l’induire du jour au lendemain. (cath.ch/kath.ch/js/mp)