Mgr Alvaro Ramazzini, d'abord étonné, puis reconnaissant, d'avoir été créé cardinal par François | © Flickr / CIDSE / CC BY 2.0
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Guatemala: cardinal Ramazzini, symbole d’une Eglise hors de ses murs

Nommé cardinal le 5 octobre dernier, Mgr Alvaro Ramazzini, l’archevêque guatémaltèque de Huehuetenango, près de la frontière mexicain et, chantre de la lutte pour les droits des peuples indigènes, incarne une Eglise qui sort de ses murs, chère au pape François.

Mgr Alvaro Ramazzini, s’est endormi archevêque et s’est réveillé cardinal. Dans la nuit du 4 au 5 octobre dernier, le prélat de Huehuetenango, au Guatemala, a appris qu’il était devenu cardinal par un simple coup de fil, reçu en pleine nuit. »Un ami d’Italie a entendu le pape citer mon nom à l’Angelus et il m’a appelé pour m’en faire part», a-t-il raconté le lendemain matin aux journalistes venus l’interroger. Des journalistes à qui Mgr Ramazzini a avoué à ce moment là être encore «surpris par la décision du pape François» de le nommer cardinal.

Dix jours après cependant, l’étonnement a fait place à la reconnaissance et à une profonde gratitude. «Je n’ai pas de meilleure manière de remercier le Saint-Père que de maintenir la syntonie spirituelle, théologique et pastorale avec lui, a-t-il souligné. Je ne prends pas cette nomination comme un honneur mais plutôt comme un encouragement pour continuer à vivre mes choix chrétiens et mon ministère épiscopal». Des choix qui ont toujours été très engagés.

Menacé de mort

Alvaro Ramazzini est né le 16 juillet 1947 à Guatemala City, d’une famille de migrants italiens venus de Brescia. Il a été ordonné prêtre en juin 1971. Très impliqué dès le début au côté des plus démunis, il a rapidement pris des positions fortes pour dénoncer la pauvreté et la corruption à l’origine de la migration massive de milliers de guatémaltèques. «Mon peuple a droit à de meilleurs conditions de vie pour ne pas être obligé de migrer», ne cesse-t-il de répéter.

Lorsqu’il a été nommé évêque, en janvier 1989, Mgr Alvaro Ramazzini a pris la tête du diocèse de San Marcos, à cent cinquante kilomètres au nord de la capitale, Guatemala City. Il s’est alors battu alors au côté des peuples indigènes spoliés de leurs terres par de grandes compagnies minières transnationales. Son engagement a d’ailleurs valu au désormais cardinal d’être menacé de mort à plusieurs reprises.

46% des enfants ont faim

Cela a notamment été le cas au début des années 2000. «Nous avons notamment obtenu que les populations locales soient consultées comme l’exige la loi et les conventions internationales avant que des sites miniers soient exploités, entraînant des catastrophes environnementales qui ont hélas eu lieu ailleurs», souligne-t-il. Un combat qu’il continue d’ailleurs de mener dans le diocèse de Huehuetenango où il a été nommé en mai 2012, situé à une soixantaine de kilomètres de la frontière mexicaine.

Au-delà de ces deux diocèses, le nouveau cardinal pose un regard sans concession sur le Guatemala. «Le contexte dans lequel se trouve mon pays est l’un des plus difficile d’Amérique, a-t-il rappelé. Le Guatemala est une réserve de beautés naturelles et archéologiques, mais le pays est touché par d’énormes problèmes comme la pauvreté de la population, en grande partie indigène, marginalisée et qui n’est absolument pas considérée. Par exemple, 46% des enfants de 0 à 5 ans souffrent de dénutrition et la grande majorité d’entre eux sont des indiens et des pauvres».

«La guerre souterraine livrée au pape François me fait mal»

Homme de terrain, comme la plupart des 12 autres nouveaux cardinaux nommés le 5 octobre par le pape François, Mgr Alvaro Ramazzini est convaincu de la nécessité de l’Église de sortir de ses murs. Même si certains en doutent, il faut absolument que chaque évêque, chaque prêtre sorte, aille dans les périphéries de leurs propres territoires pour ne pas perdre de vue le caractère universel de l’Eglise». Une détermination et un profil de «disciple missionnaire» revendiqué par le nouveau cardinal et qui lui a d’ailleurs sans doute valu sa nomination.

Interrogé sur le fait que cette Eglise qui sort et qui soit plus décentralisée puisse incommoder certains secteurs au sein même de l’institution, le cardinal Alvaro Ramazzini a admis «que malheureusement cette réalité existe. Cette guerre souterraine livrée au pape François au cœur de l’Eglise me fait mal, a-t-il reconnu.

Pour autant, je crois que cette gêne et cette agressivité constituent un signal que le pape est en train de toucher les blessures qui affectent l’Eglise. Des blessures provoquées par nous-mêmes et qui doivent être soignées». (cath.ch/jcg/gr)

Mgr Alvaro Ramazzini, d'abord étonné, puis reconnaissant, d'avoir été créé cardinal par François | © Flickr / CIDSE / CC BY 2.0
15 octobre 2019 | 12:28
par Jean-Claude Gérez
Temps de lecture : env. 3  min.
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