Canada: Les évêques du Canada accusés de reculer en matière de justice sociale
Gros malaise à la base
Ottawa, 5 novembre 2012 (Apic) La Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC) est accusée de reculer en matière de justice sociale, rapporte la radio chrétienne «Radio Ville-Marie» à Montréal. L’annonce de l’abolition du poste de conseiller principal en justice sociale de la CECC déçoit et suscite même de l’indignation.
A la mi-octobre, Mgr Patrick Powers, secrétaire général de la CECC, révélait à la presse catholique anglophone l’abolition du poste de conseiller principal en justice sociale de la Conférence épiscopale canadienne. Ce poste était occupé par François Poitras, un docteur en théologie qui assurait également d’autres rôles au sein de la CECC, dont celui de secrétaire de la Commission épiscopale pour la Justice et la paix. Il est le seul laïc affecté à la justice sociale au sein de la CECC.
Amenuisement de la «voix prophétique» de la CECC
Très remonté contre l’élimination de son poste au sein de la CECC, François Poitras, a entrepris un processus de contestation de sa mise à pied. Selon lui, les arguments avancés par la CECC ne tiennent pas la route. Il croit plutôt qu’il s’agit d’une décision «politique».
Le théologien n’hésite pas à parler d’un amenuisement de la «voix prophétique» de la Conférence épiscopale en matière de justice sociale. A ses yeux, ce domaine semble de moins en moins prioritaire au sein de la CECC. «La Commission Justice et paix perd de son autonomie. On réduit sa marge de manœuvre», se désole-t-il.
Pressions épiscopales sur «Développement et Paix»
Cette nouvelle survient presque au même moment que les récentes pressions épiscopales incitant l’organisme catholique «Développement et Paix» à adoucir la teneur politique de sa traditionnelle campagne d’éducation automnale.
Dans une lettre adressée à Mgr Richard Smith, président de la CECC, Elisabeth Garant, directrice générale du «Centre Justice et foi» (CJF), s’inquiète également du «silence» des évêques dans plusieurs dossiers. Elle évoque de «graves reculs» en matière de promotion de l’enseignement social de l’Eglise.
«Graves reculs» concernant l’enseignement social de l’Eglise
«Au fond, ce sont les principes de l’ecclésiologie insufflée par le Concile Vatican II qui nous semblent mis en péril par les orientations actuelles de la CECC. Dans les faits, cela se traduit par de graves reculs à l’égard de la riche tradition de l’enseignement social de l’Eglise, et par un conservatisme politique qui n’a rien à voir avec l’Evangile», écrit dans sa lettre la directrice générale du CJF.
Ces nouvelles orientations, poursuit le document, «démontrent également une perte de volonté, au sein de l’épiscopat canadien, d’assumer sa responsabilité de dénoncer les choix politiques nuisant à la dignité et aux droits des personnes, ainsi qu’à la réalisation d’une société plus juste et solidaire – et ce, quelque soit le parti politique au pouvoir. Elles révèlent, enfin, une Eglise officielle de moins en moins intéressée à travailler de concert avec les organisations et les mouvements sociaux préoccupés par la justice sociale».
Elisabeth Garant reproche en outre à la CECC son «absence répétée» lors de la signature de textes collectifs, notamment sur les changements climatiques et sur les coupures drastiques dans les postes d’aumôniers de prison annoncées par le gouvernement fédéral à Ottawa.
Préserver les «bonnes relations» avec le gouvernement conservateur
Elle avance même que le refus de dénoncer les politiques du gouvernement fédéral a «amené l’exécutif de la CECC à court-circuiter le processus démocratique de ’Développement et Paix’», notamment en ordonnant unilatéralement la suppression de l’envoi de cartes postales au gouvernement fédéral. Celles-ci étaient destinées à interpeller «sur les nouvelles orientations inacceptables de l’aide internationale canadienne». Elle écrit que les évêques semblent «placer la préservation de vos ’bonnes relations’ avec le gouvernement conservateur au-dessus de toute considération».
«Il n’y a pas la transparence qu’on doit attendre de la part d’une institution qui participe au débat public», déplore Elisabeth Garant. Mgr Powers, secrétaire général de la CECC, estime que cela aura peu d’impact sur les activités de la Conférence épiscopale, puisque la réorganisation prévue fera en sorte que les dossiers gérés par François Poitras seront répartis différemment au sein du personnel.
Le secrétaire général précise que les laïcs auront encore un rôle important à jouer en matière de justice sociale. Il lie directement l’abolition de ce poste à la nécessité de réduire les coûts au sein de la CECC et au besoin de réorganisation de la Conférence. (apic/rvm/be)