Groenland: une paroisse et 300 catholiques
Lors de son discours fleuve sur l’état de l’Union, le 5 mars 2025, le président Donald Trump a réitéré sa volonté d’annexer le Groenland, actuellement en possession du Danemark. Quelle est la situation des catholiques qui représentent moins de 1% des 57’000 habitants de cette île convoitée pour les richesses de son sous-sol?
Bernard Hallet avec l’Agence Fides
«Nous avons besoin du Groenland pour la sécurité nationale et même internationale. Nous travaillons avec toutes les parties concernées pour tenter de l’obtenir. Nous en avons vraiment besoin pour la sécurité mondiale et je pense que nous allons l’obtenir. Nous l’obtiendrons d’une manière ou d’une autre», a affirmé Donald Trump lors de son discours au Capitole.
Le Danemark avait déjà opposé, en janvier, une fin de non-recevoir à Donald Trump alors que celui-ci avait déjà exprimé, dans son discours d’investiture, son souhait d’intégrer le Groenland aux Etats-Unis. Le 11 mars, la population du Groenland se rend aux urnes pour les élections législatives. L’indépendance du territoire est au cœur de la campagne. Souhaitée par de nombreuses personnes, elle est envisagée par la Constitution danoise et une loi prévoit la marche à suivre.
L’insistance de Donald Trump, parfois menaçante, à prendre possession de l’île-continent, a donné un coup de fouet aux aspirations indépendantistes parmi les 57’000 personnes habitant le territoire, nombreuses à dire ne vouloir être ni danoises ni américaines, mais groenlandaises.
L’île revêt une importance stratégique pour les États-Unis, car il se trouve sur la route la plus courte vers l’Europe. Cette terre abrite également d’importantes réserves de minerais et de pétrole.
Une paroisse composée de migrants
Actuellement, les catholiques comptent moins de 1% de la population: il s’agit d’environ 300 personnes qui, chaque semaine, se rassemblent à l’église grâce aux frères franciscains conventuels. Chaque dimanche, une messe est célébrée en anglais dans la chapelle et le premier dimanche de chaque mois, une messe est célébrée en danois. L’île ne compte qu’une seule paroisse: le Christ-Roi.


La petite communauté catholique du Groenland est composée en grande majorité de migrants venus des Philippines ou du Vietnam, mais aussi d’autres pays d’Europe ou d’Asie. Tous se retrouvent également après la messe pour partager du café, du thé et des plats asiatiques avec le prêtre.
On ne sait pas avec certitude quand l’annonce de l’Évangile est arrivée sur l’île. La seule certitude est que les premières communautés chrétiennes se sont installées au Moyen Âge, probablement en provenance des territoires d’Europe du Nord, mis à feu et à sang par les incursions des Vikings. Le diocèse de Garðar fut créé au XIIe siècle, mais eu une durée de vie courte en raison de la période rebaptisé «petite ère glaciaire» que traversait l’île. Les températures extrêmes ont décimé la population et ce n’est qu’au XVIIIe siècle que les communautés ecclésiales protestantes de plusieurs pays d’Europe du Nord sont revenues sur l’île.
Les Américains ramènent le catholicisme
Les catholiques ne sont réapparus qu’au siècle dernier. La paroisse de Nuuk a été fondée en 1958, mais quelques années auparavant, en pleine guerre froide, ce sont les Américains qui ont ramené le catholicisme sur l’île. En effet, en 1953, les États-Unis d’Amérique ont acheté un terrain au gouvernement danois pour construire une base aérienne militaire, obligeant les Inuits qui vivaient dans cette région à déménager 110 kilomètres plus au nord, où se trouve actuellement le village de Qaanaaq.
Bien que le territoire ait été acheté, les droits de souveraineté du Groenland sont toujours conservés dans la zone militaire gérée par les États-Unis, de sorte que l’utilisation de la base implique pour les États-Unis le paiement d’un «loyer», c’est-à-dire d’une «cession temporaire de souveraineté», s’élevant à 300 millions de dollars par an. La base compte quelques centaines de militaires (235 selon le dernier recensement) et parmi eux, se trouvent plusieurs catholiques.
Une communauté de migrants
À ceux-ci s’ajoutent les catholiques arrivés jusqu’au Groenland en suivant les flux migratoires de Philippins, de Vietnamiens et d’autres ethnies originaires du continent eurasien, flux qui ont commencé dès la fin du siècle dernier. Leur pastorale est confiée, en plus des prêtres du diocèse de Copenhague, à l’Ordre des Frères Mineurs Conventuels. Le curé de Cristo Re à Nuuk est en effet l’un de ces frères franciscains. Et, en collaboration avec l’ordinariat militaire des États-Unis, la mission assure également la pastorale des catholiques stationnés à la base militaire américaine.
Avant les Franciscains, la paroisse de Nuuk était confiée aux prêtres de l’Institut du Verbe Incarné. Avant cela, à partir de 1980, les sœurs de la fraternité des Petites Sœurs de Jésus ont également travaillé dans la mission de Nuuk.
Les catholiques ne vivent pas seulement dans la ville de Nuuk, et même ceux qui vivent en dehors de la ville ont la garantie de recevoir les sacrements. Dans les petits villages disséminés le long des fjords ou dans l’arrière-pays, où il n’y a pas de lieux de culte, ou dans les mini-agglomérations urbaines, sur le modèle des premières communautés chrétiennes, la messe est célébrée dans les maisons, grâce à des prêtres danois qui font deux heures de vol pour rejoindre cette autre partie de paroissiens (garantissant la messe tous les dimanches) qui, ici, à l’extrémité de la planète, entre températures polaires et neige, ont trouvé du travail.

La «Terre verte»
La plupart des habitants appartiennent à la communauté ecclésiale évangélique luthérienne, qui dépend de l’Église du Danemark (Den Danske Folkekirke), qui a établi un siège épiscopal en Groenland en 1993. De 1995 à 2020, le diocèse luthérien du Groenland a été dirigé par Sofie Petersen, membre de l’ethnie autochtone inuit, deuxième femme à occuper un poste épiscopal dans l’Église du Danemark. Aujourd’hui, la communauté luthérienne est dirigée par une autre femme, Paneeraq Siegstad Munk.
Selon les dernières données, le Groenland compte un peu plus de 57’000 habitants sur un territoire d’une superficie de 2,1 M de km2 (y compris les îles côtières). Il s’agit de la zone la moins densément peuplée de la terre, avec seulement 0,027 habitant au km2. Littéralement, Groenland signifie «Terre verte». (cath.ch/ag/fides/bh)