Le Groenland, une île très peu peuplée | © Antoine Salina
International

Groenland: les communautés chrétiennes au défi de conditions extrêmes

Les ambitions affichées du président élu des États-Unis Donald Trump sur le Groenland, renouvelées le 8 janvier 2025, ont remis les projecteurs sur cette immense île de l’Arctique. Peu peuplé, le Groenland abrite majoritairement des luthériens, mais une centaine de catholiques y vivent aussi. Précisions.

Immense île de l’Arctique, située sur des routes maritimes stratégiques et riche en ressources minières, le Groenland attirent les convoitises internationales, tant de la Chine, de la Russie et de l’Europe que des États-Unis. Donald Trump a plus d’une fois annoncé la couleur: il veut que les États-Unis prennent le contrôle du Groenland. Mais sa dernière évocation musclée, lors de laquelle il n’a pas exclus le recours à la force pour l’annexer, a provoqué l’émoi des Danois et de sa classe politique. Et pour cause!

Situé au nord-est de l’Amérique du Nord, grand comme quatre fois la France, le Groenland est un territoire autonome du Danemark. La justice, la politique monétaire, les affaires étrangères, la défense et la sécurité dépendent de Copenhague. Il en va de même de son Église catholique. Ainsi cette immense île fait-elle partie du diocèse de la capitale danoise.

Majoritairement recouverte de glace, le Groenland ne compte que 57’000 habitants, principalement concentrés le long de la côte méridionale. Selon les statistiques les plus récentes du Pew Research Center, les protestants – principalement des luthériens rattachés à l’Église du Danemark – représentent 95% de la population, contre 1% de catholiques. Une grande partie de la minuscule communauté catholique de l’île est constituée d’immigrés venus des Philippines, du Vietnam ou du Danemark.

Premier diocèse catholique du Nouveau Monde

De fait, hier comme aujourd’hui, le catholicisme est au Groenland une religion «d’immigrés», importée par les colons. La foi catholique a été introduite pour la première fois au Groenland au 11e siècle, précise un article de The Pillar. En 1124, le diocèse de Gardar a été établi sur l’île par le pape Pascal II. C’était même là le premier diocèse catholique du Nouveau Monde. Puis, au 15e siècle, les colonies nordiques du Groenland ont été abandonnées. Le diocèse local a cessé de fonctionner et le siège est resté vacant pendant des siècles.

Dans les années 1800, le Groenland a été placé sous l’éphémère préfecture apostolique du pôle Nord, puis sous la préfecture apostolique de Copenhague, qui est finalement devenue le diocèse de Copenhague. En 2001, le pape Jean Paul II a nommé Mgr Edward Clark, alors évêque auxiliaire de Los Angeles, évêque titulaire de Gardar. Ce titre «honorifique» ne renvoie pas à une juridiction territoriale, ne confère aucune autorité réelle et n’implique pas de charges pastorales. Il reste conservé à ce jour par Mgr Clark, même si celui-ci est à la retraite.

Une seule paroisse catholique

Sur le plan pastoral, il n’existe qu’une seule paroisse sur l’île, celle du Christ-Roi à Nuuk, la capitale du Groenland. «Malgré le faible nombre de catholiques, des photos sur la page Facebook de la paroisse indiquent que dix enfants ont reçu la première communion à l’église l’année dernière», indique The Pillar.

Assurer le suivi pastoral des communautés chrétiennes sur ce territoire est un véritable défi. Opérer dans un climat arctique sur de vastes distances, alors qu’il n’y a ni routes ni chemins de fer pour rejoindre les zones d’habitation, présente en effet de grosses difficultés. L’hélicoptère et les traîneaux à chiens, plus toutes sortes de bateaux, sont souvent les seuls moyens de transport pour atteindre les régions éloignées.

C’est ainsi que la communauté catholique d’Ilulissat, à l’ouest de l’île, principalement composée de Philippins, ne reçoit la visite d’un prêtre catholique que deux fois par an. Le reste du temps, ils se réunissent les uns chez les autres pour prier.

Il existe encore une autre communauté catholique sur la côte nord-ouest du Groenland: celle de la base spatiale américaine de Pituffik. Elle abrite une petite chapelle où le Saint-Sacrement est réservé. Des aumôniers militaires viennent périodiquement sur la base pour offrir les sacrements.

L’autonomie relative de Église luthérienne du Groenland

Paneeraq Siegstad Munk, évêque luthérienne du Groenland | © biskop@ilagiit.gl / photo: Leiff Josefsen

Côté luthérien, le diocèse du Groenland est organisé depuis 2009 sous le gouvernement autonome de l’île qui le finance entièrement. Le Groenland, en effet, a obtenu à cette date, suite à un référendum, une indépendance considérable vis-à-vis du Danemark. Le bureau diocésain de Nuuk a été dirigée pendant 25 ans par l’évêque inuite Sofie Petersen, membre du Comité central du Conseil œcuménique des Églises (COE). Cette charge a été reprise en 2020 par une autre femme, Paneeraq Siegstad Munk.

«La topographie de ce diocèse et la culture particulière des Inuits, christianisés depuis peu, fait que l’Église du Groenland jouit d’une certaine autonomie», indique le COE. Les circonstances géographiques et démographiques ne permettent au clergé ordonné de visiter les paroisses éloignées que deux ou trois fois par an, souvent pour des confirmations et des mariages. Dans de nombreux endroits, l’Évangile est donc prêché par des catéchistes qui ont une formation approfondie et sont autorisés par le diocèse du Groenland à effectuer les tâches pastorales quotidiennes qui ne requièrent pas l’ordination. (cath.ch/lb)

Expédition au Groenland des jeunes du Lycée-Collège de St-Maurice, juillet 2024 | © Antoine Salina

Des collégiens de St-Maurice à l’assaut du Groenland
Depuis 1981, le groupe montagne-abbaye du Lycée-Collège St-Maurice organise régulièrement des expéditions au Groenland pour des jeunes entre 16 et 20 ans. Des aventures qui se préparent sur plusieurs années.
La dernière en date a eu lieu en juillet 2024, sur l’île de Semersoq, au sud, près de Nanortalik. Durant un mois, 19 jeunes du collège et des environs ont campé dans des régions reculées et se sont adonnés à l’escalade, l’alpinisme et le trekking. Ils étaient accompagnés par trois guides de montagne (des anciens expéditionnaires), un médecin et le chanoine Antoine Salina.
Celui-ci en est, depuis 1996, à sa cinquième expédition au Groenland en tant qu’aumônier dans le cadre du Lycée-Collège. «Les jeunes apprennent le milieu de la montagne et font l’expérience de la vie communautaire», explique-t-il à cath.ch. «Ils se retrouvent dans un environnement grandiose, isolés de tous les contacts auxquels ils sont habitués, et apprennent à se dépasser. La dimension spirituelle fait aussi partie de ces séjours.» lb

Le Groenland, une île très peu peuplée | © Antoine Salina
13 janvier 2025 | 17:00
par Lucienne Bittar
Temps de lecture : env. 4  min.
Partagez!