Ghana: la Cour suprême autorise la construction de la cathédrale nationale d’Accra
La Cour suprême du Ghana s’est prononcée, fin janvier 2019, en faveur de l’implication de l’Etat dans la construction d’une cathédrale catholique nationale de 5›000 places à Accra, la capitale. Ce projet, dont le coût est estimé à 100 millions de dollars, suscite une polémique dans le pays, tant sur sa pertinence par rapport aux priorités nationales, que sur son coût et les désagréments qu’il pose.
Le complexe de la cathédrale sera bâti sur une superficie de plus de 5 hectares et comprendra des chapelles, un baptistère, un auditorium de 5’000 places à deux niveaux, une grande salle centrale, une école de musique, une salle de répétition de chorale, une galerie d’art, une boutique et des espaces à usages multiples. Il abritera également le premier musée biblique et centre de documentation d’Afrique, consacré au christianisme et à l’édification de la nation au Ghana, rapporte le site local contemporaryand.com.
Concurrence avec l’islam?
Le président Nana Akufo-Addo, un catholique pratiquant, au pouvoir depuis 2017, en est l’initiateur. Il a estimé que les chrétiens ghanéens méritaient un lieu de culte adéquat. Pour ce faire, il leur a offert, au nom de l’Etat, un site pour bâtir cette cathédrale nationale. Il a ajouté une contribution personnelle de 100’000 cedis ghanéens (2’000 francs suisses).
Dans un article de novembre 2018, le quotidien britannique Financial Times a estimé que les critiques sur l’extravagance de la cathédrale étaient moins motivées par des préoccupations de prestige national que par une lutte naissante sur le rôle du christianisme dans l’identité du Ghana. En effet, sous le régime de l’ancien président John Mahama, originaire du nord, majoritairement musulman, une fondation turque avait financé l’achèvement d’une immense mosquée à Accra. Pour Kwasi Prempeh, directeur exécutif de l’institut de recherche ghanéen «Center for Democratic Development», cela a suscité un sentiment de frustration chez les chrétiens. «Les chrétiens se sentent un peu dépassés par ce qu’ils considèrent comme une religion minoritaire (l’islam, ndlr.). Ils se sont dits: nous devons faire preuve de force politique», a-t-il analysé.
La laïcité du Ghana en cause
Selon le Financial Times, le projet permet aussi au gouvernement ghanéen de récupérer le site choisi, jusqu’à présent occupé par une pléthore d’évangélistes et de «prêcheurs charismatiques» des sectes chrétiennes qui attirent des millions de fidèles et des dizaines de millions de dollars.
Les adversaires du projet accusent le président Akufo-Addo d’avoir porté atteinte à la laïcité de l’Etat en s’impliquant dans le projet. Un opposant politique, Kwabena Bomfeh, secrétaire général par intérim du Parti populaire de la Convention, a saisi, en mars 2018, la Cour suprême. Dans sa plainte, il a indiqué que conformément à la Constitution de 1992, l’Etat du Ghana est laïque. Il a demandé aux sept juges de la Cour suprême de décréter l’inconstitutionnalité de la construction de la cathédrale nationale et de la participation de l’Etat au pèlerinage musulman vers la Mecque.
Dans un jugement rendu public fin janvier 2019, la haute instance a rejeté les arguments de Kwabena Bomfeh, soulignant que l’Etat n’avait pas violé «l’esprit et la lettre» des dispositions constitutionnelles citées. La Cour a ajouté que l’implication du gouvernement dans la construction de la cathédrale nationale et du pèlerinage vers les lieux saints de l’islam pouvait «favoriser la cohésion sociale et l’unité entre les religions». Cette décision a ôté le dernier obstacle à la construction de l’édifice.
Un pays majoritairement chrétien
Selon les statistiques officielles, le Ghana compte 29,8 millions d’habitants. Les chrétiens y sont majoritaires, représentant 71% de la population. 17% de musulmans vivent également dans le pays, le reste de la population étant composée de religions minoritaires, telles que la foi baha’ie, le bouddhisme, le judaïsme, l’hindouisme et les religions traditionnelles. (cath.ch/ibc/ag/rz)