Des participant de la marche 'foi pour les droits' sont reçus dans la grande synagogue de Genève par le rabbin Eric Ackermann, le 8 décembre 2024| © Barbara Doswell
Suisse

Genève: la foi et les droits humains marchent de concert

Les croyants de toutes confessions et religions devraient s’unir et s’appuyer sur leur foi pour défendre les droits humains. Forts de cette conviction, et inspirés par la Déclaration de Beyrouth de 2017, une vingtaine de personnes ont participé, le 8 décembre 2024, à la marche de «la foi pour les droits» entre Genève et la France voisine.

Depuis 2018, le Haut-Commissariat pour les droits de l’Homme (HCDH) et le Centre international pour la liberté religieuse et les affaires publiques (CILRAP) organisent à Genève, avec le soutien de la Plateforme interreligieuse de Genève (PFIR), une marche de ‘la foi pour les droits’.

Cet événement annuel célèbre la Journée des droits de l’homme du 10 décembre et met en œuvre les principes défendus dans la Déclaration de Beyrouth sur ›La foi pour les droits’. Ce texte est le fruit d’un atelier organisé en 2017 dans la capitale libanaise par le HCDH, réunissant des experts de la société civile et d’organisations confessionnelles du monde entier.

Un pouvoir et une responsabilité

«Les dirigeants religieux, avec l’influence considérable qu’ils exercent sur les cœurs et les esprits de millions de personnes, peuvent être des acteurs très importants dans le domaine des droits de l’homme», avait déclaré Zeid Ra’ad Al Hussein, alors Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, au moment de l’adoption de la Déclaration de Beyrouth.

«Selon les Écritures, celui qui sauve une seule vie sauve le monde entier.»
Talmud, Sanhédrin, 37a

Convaincus du pouvoir de persuasion de leur foi et de la responsabilité qui l’accompagne, la centaine de signataires ›d’origine’ de ce texte d’intention appellent chaque croyant à s’engager concrètement, localement, avec des membres d’autres religions ou confessions, pour la défense des droits fondamentaux.

La spiritualité, socle des droits humains

Pour les parapheurs de la Déclaration de Beyrouth – qui signent en leur nom propre, en tant que membre de la communauté des croyants en quelque sorte, et non en tant que représentant d’une ›chapelle’–, les fondements éthiques et spirituels de leurs religions ou croyances respectives sont en effet «sources de protection de l’ensemble des droits humains inaliénables», et donc un levier d’action important.

«Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force, et de toute ta pensée, et ton prochain comme toi-même.»
Luc 10,27

Malgré «des divergences sur certaines questions théologiques» apparues durant la rencontre, ils ont lancé, «solennellement et tous ensemble depuis Beyrouth, le plus noble des combats, un combat pacifique mais puissant, contre nos orgueils, nos propres intérêts et nos clivages artificiels».

La Déclaration de 2017 invite donc les croyants à œuvrer ensemble à la promotion des droits humains et à la défense de la liberté de religion ou de conviction. Avec son pendant: la lutte contre la discrimination et la violence à caractère religieux. Car le sentiment religieux et les croyances individuelles et collectives ne peuvent s’exprimer et se développer que là où les droits de l’homme sont protégés, fait-elle remarquer.

Des piliers à valoriser en ces temps de tensions

Cette interconnexion entre droits humains et foi a été relevée par Mohamed Levrak,  président de la PFIR et directeur adjoint de la Fondation culturelle islamique, à l’issue de la marche genevoise de la ‘foi pour les droits’ du 8 décembre 2024.

«Unissons-nous, parlons collectivement et ne faisons qu’un par nos pensées.»
Rig Veda 10:191:2

«La liberté de conscience et la liberté de religion ne sont pas seulement des protections juridiques. Ils sont les piliers d’une coexistence pacifique et harmonieuse dans nos sociétés, particulièrement en ces temps où les tensions identitaires et les inégalités menacent de fracturer notre humanité commune. (…) Que vos pas, aujourd’hui, deviennent des messages de paix, des gestes de solidarité et des engagements concrets pour défendre les droits de tous.»

L’humilité, une vertu à redécouvrir

Pour les participants de la marche, les guerres actuelles au Moyen-Orient, en Europe ou ailleurs ravivent en effet la nécessité de poser de tels actes d’unité. «Nous devrions tous marcher!» lance à cath.ch Eric Ackermann, rabbin à la grande synagogue de Genève. «Dialoguer quand tout va mal, avec les conflits politiques qui touchent tout un chacun, c’est beaucoup plus difficile, souligne-t-il. Ça l’est même pour moi, alors que je suis le premier à prôner l’Humain avec un grand H et à travailler au quotidien pour le vivre ensemble, que ce soit à l’hôpital ou dans les cours que je dispense…»

Pour le rabbin, «au delà de la question de la solidarité, une marche comme celle-ci conduit à repenser l’humilité, pour réapprendre à vivre ensemble. Ce que les religions attendent de l’homme, c’est qu’il prenne ses responsabilités vis-à-vis de l’autre, quel qu’il soit.»

Un texte inspirant

En lien avec la Déclaration de Beyrouth, 18 engagements en faveur de ‘la foi pour les droits’ ont été pris en ce sens. Ils visent notamment à assurer l’égalité des genres, à garantir les droits des minorités, à s’abstenir d’opprimer les voix dissidentes, à mobiliser les enfants et les jeunes et à développer la formation des acteurs religieux sur ces questions ainsi que la recherche académique.

Ces textes sont régulièrement mentionnés et utilisés par des organismes des Nations Unies, des acteurs religieux et des organisations de la société civile, signale sur son site le HCDH. Chaque année, depuis 2018, une semaine internationale ‘foi pour les droits’ est organisée, ainsi que plusieurs autres actions concrètes, dans différents pays, telle la marche genevoise ›foi pour les droits’. (cath.ch/lb)


5e marche de la ‘foi pour les droits’ à Genève

Une dizaine de personnes ont participé à cet événement, sous une météo peu clémente. La journée a débuté avec un culte en allemand à l’église évangélique luthérienne de Genève. Les marcheurs se sont rendus ensuite à la grande synagogue Beth Yaacov, où ils ont été accueillis par Éric Ackermann, ancien président de la PFIR et rabbin depuis peu, puis au Centre culturel islamique de Plan-Les-Ouates, où ils ont été reçus par l’imam de la mosquée et par Abdyl Beketeshi, président de l’association DITURIA, avec une bonne soupe à l’appui. Les marcheurs ont ensuite gagné le Campus Adventiste du Salève, en France, un passage de frontière symbolique. Une dizaine d’autres personnes les ont alors rejoints, pour la célébration et le concert autour de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme. LB

La liberté religieuse, combat du CIRLAP
Le Centre international pour la liberté religieuse et les affaires publiques (CILRAP) est un lieu de recherche et de documentation adventiste situé sur le mont Salève, en France, aux abords du canton de Genève. Il est dirigé par l’historien et théologien adventiste John Graz, directeur du département des Affaires publiques et de la liberté religieuse au siège mondial des Églises adventistes de 1995 à 2015. Il a participé en 2017 à la rédaction de la Déclaration de Beyrouth et en est l’un des premiers signataires.
Comme son nom l’indique, le CILRAP œuvre en faveur de la liberté religieuse. Il s’appuie pour ce faire tant sur l’Évangile que sur les principes de la Déclaration universelle des droits de l’homme. LB

Le campus adventiste du Salève abrite le CILRAP | © CILRAP
Des participant de la marche 'foi pour les droits' sont reçus dans la grande synagogue de Genève par le rabbin Eric Ackermann, le 8 décembre 2024| © Barbara Doswell
10 décembre 2024 | 17:00
par Lucienne Bittar
Temps de lecture : env. 5  min.
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