Genève: La jeunesse mouvementée de l'église Saint-Joseph
Il y a 150 ans, Mgr Mermillod érigeait la paroisse Saint-Joseph dans une commune des Eaux-Vives en pleine mutation. Rapidement, elle suscite la méfiance du gouvernement anticlérical qui ne voit pas d’un bon œil l’essor de la communauté catholique. Retour sur une histoire à rebondissements, au lendemain de la promulgation du dogme de l’infaillibilité pontificale.
«Votre grandeur apprendra avec joie que j’ai loué une salle aux Eaux-Vives (*), écrit Gaspard Mermillod à son évêque, Etienne Marilley. J’organise une chapelle provisoire pour les 1’800 catholiques qui sont là, un peu livrés à l’action méthodiste; je charge M. l’abbé Marin de ce germe d’église». Ainsi fut dit, ainsi fut fait. Le 30 septembre 1866, Mgr Mermillod, évêque auxiliaire en poste à Genève, célèbre une messe solennelle dans une chapelle provisoire au 12, quai des Eaux-Vives. La paroisse Saint-Joseph est née.
Ce «germe d’église», dont parle le futur cardinal carougeois, qualifie une jeune communauté catholique qui se développe rapidement à l’ombre de la Rome protestante. Parmi les causes de cet essor: la démolition des fortifications de la ville. «La vieille Genève se sent trop à l’étroit dans son corset», sourit l’historienne Chantal Renevey Fry, qui dirige la publication d’un ouvrage sur l’histoire de la paroisse Saint-Joseph.
Une époque faste pour les catholiques
A l’aube du XIXe siècle, l’utilité et l’efficacité de ces murailles protectrices s’amenuisent. Alors que beaucoup réclament leur disparition, certains s’opposent farouchement à la destruction de ces «remparts de la nationalité genevoise». Menés par le conseiller d’Etat James Fazy, c’est aux radicaux qu’il revient de porter le coup décisif en 1849. Cette démolition occasionne de profonds changements. Sur un plan urbanistique, la ville se dote de nouveaux quartiers résidentiels, d’édifices publics et de plusieurs lieux de culte, comme l’actuelle basilique Notre-Dame (1852-1859). Sur un plan social, cet immense chantier engendre un développement économique et industriel qui attire un grand nombre de travailleurs étrangers, en majorité catholiques. Ils achèvent de transformer la physionomie sociale de l’agglomération.
«Soit vous acceptez les règles de l’Eglise nationale, soit vous remettez les clés de vos lieux de culte à l’Etat.»
«En vingt ans, la population triple aux Eaux-Vives, observe Chantal Renevey Fry. De 2’000 habitants en 1850, la commune passe à 6’000 résidents en 1870». L’établissement de la communauté catholique s’inscrit dans ce développement rapide. Sur un plan politique, elle est favorisée par l’accession au pouvoir de la classe bourgeoise. Genève participe au courant de libéralisme qui soulève l’Europe. A l’initiative du parti radical, et de son leader James Fazy, plusieurs mesures instituant une plus large démocratie sont adoptées par le gouvernement genevois. Elles bénéficient notamment à l’Eglise catholique qui se verra accorder plusieurs parcelles.
Le 19 mars 1867, Mgr Mermillod écrit ainsi une lettre au Conseil d’Etat genevois. Il demande l’autorisation de construire une église paroissiale sur l’emplacement actuel – rue Petit-Senn. Le terrain est acquis le 5 juin de la même année. Deux ans plus tard, le 3 octobre 1869, la construction de l’église Saint-Joseph était achevée.
Les victoires de l’anticléricalisme
Mais la situation ne va pas tarder à s’envenimer. Nous sommes à la veille du concile Vatican I et de la promulgation du dogme de l’infaillibilité pontificale (1870). «La goutte d’eau qui fait déborder le vase, explique Chantal Renevey Fry. On craint que le pouvoir spirituel ne prenne encore plus l’ascendant sur les fidèles catholiques». Le concile entraîne la crise du Kulturkampf, qui oppose l’Eglise et l’Etat dans différents pays d’Europe, à son paroxysme. Genève n’est pas en reste. Le conseiller d’Etat Antoine Carteret s’oppose à la politique religieuse de son prédécesseur. Il entraîne la majorité des radicaux dans une politique anticatholique faisant appel au sentiment d’identité genevois fondé sur le protestantisme.
«Pour les radicaux de cette époque le calcul est simple, poursuit l’historienne. Le nombre de catholiques ne cesse d’augmenter. Dans le même temps, leur indépendance spirituelle est soutenue par Rome. Il faut donc créer une nouvelle Eglise dont le fonctionnement se calque sur celui de l’Eglise protestante».
En 1873, les lois religieuses genevoises créent l’Eglise catholique nationale (aujourd’hui, l’Eglise catholique-chrétienne) dont les curés sont élus par les fidèles. Pour Carteret, qui a entre-temps banni l’évêque Mermillod, les communautés catholiques n’ont qu’une seule alternative, décrypte Chantal Renevey Fry: «soit vous acceptez les règles de l’Eglise nationale, soit vous remettez les clés de vos lieux de culte à l’Etat».
Confiscation de l’église
Le Révérend Père Joseph, nouveau recteur de de l’église Saint-Joseph, choisit la fidélité à Rome. Le 24 juillet 1877, un peu plus de sept ans après son édification, l’église Saint-Joseph est confisquée pour être remise à l’Eglise catholique nationale.
La communauté trouve refuge dans les locaux du «Cercle de l’Espérance», un cercle catholique d’ouvriers fondé par la paroisse en 1872. Une solution provisoire, le temps de bâtir une bâtisse sommaire construite en bordure du Pré-l’Evêque. L’exil durera plus de 6 ans.
Mais le vent tourne à mesure que la popularité de Carteret s’effrite. Son parti perd la majorité au Grand conseil et au Conseil d’Etat en 1879. A l’intérieur du parti, une tendance à l’apaisement religieux prend le dessus. Dans ce contexte, les paroissiens de Saint-Joseph retrouvent leur église le 7 octobre 1883. Une messe solennelle est célébrée. «Après les amertumes de la persécution, les catholiques des Eaux-Vives étaient dans l’allégresse d’un fervent et rayonnant bonheur», écriront plus tard les auteurs d’une brochure retraçant l’histoire de la paroisse.
Trois années de fête
150 ans plus tard, la communauté s’apprête à entrer dans un jubilé qui s’étendra jusqu’en 2019. Il s’ouvre ce vendredi 30 septembre 2016 pour faire mémoire des trois années qui séparent la création de la paroisse de la dédicace de l’église.
Pour l’abbé Pascal Desthieux, curé de Saint-Joseph et vicaire épiscopal, «l’histoire de la paroisse continue de s’écrire jour après jour par les pierres vivantes que sont les paroissiens d’aujourd’hui». Dans un contexte bien différent, où la question religieuse a perdu de son mordant, il souhaite faire de ce jubilé «un temps de régénération et d’évangélisation». (cath.ch/pp)
(*) La commune des Eaux-Vives est intégrée à la ville de Genève en 1931.
Le programme actuel du jubilé:
Ce week-end:
Le vendredi 30 septembre, la paroisse Saint-Joseph offre un grand concert à l’occasion de l’ouverture du jubilé des 150 ans de sa fondation, avec la participation des trompes de chasse de Bonne (France).
Le dimanche 02 octobre, la communauté paroissiale se réunira pour la célébration de la messe à 11h. Elle sera présidée par Mgr Charles Morerod, évêque diocésain.
Avent 2016
Prédication de l’abbé Marc Donzé lors des messes du samedi (18h) et du dimanche (11h).
Laudes et messes «Rorate», à la lueur des bougies, les quatre mercredis de l’Avent (7h30).
«Connaître la figure de saint Joseph», conférence pour les jeunes papas et les hommes les quatre mercredis à 20h15.
Carême 2017
Père J.-B. Livio, jésuite, prédicateur lors des messes du samedi (18h) et du dimanche (11h).
Méditation du chemin de croix, tous les vendredi soir à 17h30.
Mars 2017
Conférence spirituelle sur saint Joseph.
19 mars 2017 – 11h00
Messe de la fête patronale présidée par Mgr Ivan Jurkovic, Nonce apostolique auprès des Nations Unies.
26 mars 2017 – 17h00
Concert du chœur mixte de Saint-Joseph.
13-16 avril 2017
Vivre les célébrations de la Semaine Sainte à Saint-Joseph.
18 juin 2017 – 11h00
Messe et fête paroissiale.
23-25 juin 2017 (à confirmer)
Pèlerinage des pères de familles, avec les papas de Suisse romande
16-28 octobre 2017
Pèlerinage en Terre Sainte avec le Père J.-B. Livio, sj.