Genève: des cendres du Sacré-Cœur surgira une Maison d’Eglise
Courrier Pastoral – Eglise catholique romaine de Genève / Adaptation Bernard Hallet
L’église du Sacré-Cœur de Genève va vivre une nouvelle transformation. Le bâtiment, détruit par les flammes le 19 juillet 2018, va non seulement être remis en état, mais aussi remodelé pour devenir une Maison d’Église. Christian Rivola, l’architecte de l’atelier ribo+ qui a redessiné les espaces du bâtiment, détaille le projet.
Ce lieu d’accueil réunira sous un même toit les services pastoraux et administratifs de l’Eglise catholique romaine à Genève (ECR), mais aussi la paroisse francophone du Sacré-Cœur, la communauté hispanophone et des espaces ouverts au public. Le projet, qui ne modifiera pas l’aspect extérieur du bâtiment, s’inscrit dans une nouvelle vision d’une manière de «faire Eglise» et être présent au monde.
«Le projet a deux volets: un pôle de rassemblement pour les catholiques du canton et un pôle au service de la Cité», explique Christian Rivola, architecte de l’atelier Ribo+. Avec son équipe, il signe le concept de reconstruction de l’église du Sacré-Cœur de Genève, ravagée par un incendie en 2018, afin de bâtir une Maison d’Église.
Redonner vie à un bâtiment pour qu’il redevienne un lieu de vie et de foi. Com- ment avez-vous accueilli ce défi?
Christian Rivola: C’est un projet à la fois magnifique et complexe. Philippe Fleury, président du Conseil de Paroisse du Sacré-Cœur, nous a présenté un projet très ambitieux, avec la volonté de rassembler en un seul lieu une église, mais aussi des bureaux, des salles de catéchisme, une salle des fêtes, un restaurant… Cela me semblait presque impossible! Mais Philippe Fleury ne nous a jamais mis la pression et nous a fait confiance. Il nous a mis en condition d’assimiler les enjeux avec sérénité. Il s’agit donc d’encastrer à l’intérieur de ce monument protégé de nombreux éléments. Nous avons saisi l’importance du projet.
Dans ma réflexion, j’ai mis au premier plan les relations entre les différentes composantes, avec des agencements qui favorisent une perception de l’ensemble dans une dynamique fluide et de dialogue. C’est un lieu qui doit favoriser à la fois le travail, la prière, la réflexion, l’être ensemble, le calme, et l’ouverture et qui doit permettre aux individus de se ressourcer, de se nourrir.
Quelle idée a guidé votre réflexion pour imaginer la Maison d’Église?
Nous avons voulu offrir à ce lieu un nouveau centre, physique et spirituel, connecté au ciel et à la terre: une colonne de lumière qui descend du toit, avec une ouverture vitrée de 120m2, jusqu’à la crypte, au sous-sol. C’est un axe vertical qui monte de la terre au ciel et dont la lumière inonde l’espace, avec une forte perception du ciel, qui traverse les quatre étages ou niveaux et dessine la silhouette d’une croix. Tous les espaces qui vont prendre place à l’intérieur du bâtiment s’adressent à ce nouveau centre. L’autre grand changement est l’occupation de la totalité du volume du bâtiment. Dans le passé, la structure interne a subi plusieurs modifications, mais le volume n’a jamais été utilisé dans sa totalité, des espaces étaient oubliés, vides. Notre intention est d’investir la totalité du volume, lieux de passage inclus.
L’extérieur ne sera pas modifié, mais les alentours seront aménagés afin de mettre en évidence l’architecture du bâtiment, notamment avec la suppression de la bande goudronnée adossée au temple. L’édifice sera entouré par une bande verte végétalisée, alors que le trottoir sera à la périphérie de la parcelle. L’objectif est de valoriser l’architecture du bâtiment, avec de la verdure et un éclairage adapté pour en souligner la structure la nuit.
Comment seront organisés les différents espaces à l’intérieur du bâtiment?
L’église pour les célébrations se situe dans le même espace que celui d’avant l’incendie. Sa position au rez-de-chaussée permet de conserver la proximité avec les entrées: l’entrée depuis Plainpalais, et une nouvelle entrée depuis la Vieille-Ville, comme deux polarités, qui dessinent l’axe est-ouest. Côté Vieille-Ville, il y aura l’Olivier du Sacré-Cœur, un restaurant et un bar qui se développent à l’extérieur de l’édifice, invitant le public à entrer dans le bâtiment.
Aux différents étages, il y aura les bureaux et les espaces pour le Vicariat, qui va quitter la rue des Granges, les espaces pour les paroisses francophone et hispanophone, une salle des fêtes, des salles de conférence, des espaces de travail pour les services de l’Eglise et des salles de catéchisme. La crypte au sous-sol, avec une porte d’entrée indépendante, sera valorisée pour qu’elle devienne un espace pour diverses activités spirituelles, culturelles, artistiques ou de ressourcement.
En général, nous avons travaillé en favorisant la transparence et la fluidité pour que les personnes présentes aient toujours une conscience des autres espaces, une perception du volume plus vaste. Nous rêvons d’un bâtiment qui embrasse les personnes, avec des espaces modulables qui peuvent fonctionner ensemble ou séparément, avec différentes variantes qui peuvent permettre l’intimité si nécessaire. Le but est de créer des relations intenses, des nouvelles dynamiques et d’ouvrir le lieu à différents publics.
Le lieu de culte ne change pas d’emplacement, qu’en est-il de sa configuration?
La paroisse a mis en valeur l’importance du concept élaboré par l’architecte Jean-Marie Duthilleul, notre prédécesseur. Nous avons voulu adapter l’église aux réalités litur- giques de Vatican II et la projeter vers l’avenir. Le prêtre qui célèbre n’est plus devant les fidèles placés sur des bancs alignés, l’autel est au centre tandis que le peuple se réunit sur des bancs de chaque côté, autour de l’autel.
Je suis convaincu que cette nouvelle disposition avec le prêtre qui se déplace sur l’axe central peut dynamiser les célébrations. Le fait aussi que les fidèles puissent se regarder favorise l’implication des participants. Dans ce lieu, le rythme régulier et puissant des colonnes et des baies vitrées structure l’espace et participe à l’atmosphère. L’espace joue ici pleinement son rôle d’outil missionnaire.
À côté de l’église, nous plaçons le jardin du patio, un élément qui permet l’intériorisation de la prière et la méditation. Il est protégé des regards par un système d’opacité, afin de respecter l’intimité de la prière. L’espace de prière devant le tabernacle est destiné à être la chapelle de l’église, il peut tantôt être isolé de l’espace de célébration, par un dispositif de paravents, et tantôt s’ouvrir pour permettre aux assemblées de grandes affluences de s’y installer. (cath.ch/cp/sb/bh)
Un ancien temple maçonnique
Construit en 1859, l’édifice qui abrite l’église du Sacré-Cœur est un ancien temple maçonnique. Il a été racheté par les catholiques en 1873 pour accueillir la paroisse Saint-Germain, chassée de son église par les catholiques libéraux. C’est à cette date que le temple de la Plaine de Plainpalais devient l’église du Sacré-Cœur. En 1958, la communauté catholique de langue espagnole intègre les lieux, aux côtés de la paroisse francophone du Sacré-Cœur.
Le 19 juillet 2018, l’église est ravagée par les flammes. Les dommages sont immenses. Tout l’intérieur est à reconstruire. Au lieu d’une remise en état, la paroisse du Sacré-Cœur et l’ECR s’entendent pour donner forme à un projet plus ambitieux, avec la réalisation d’une Maison d’Église. Le projet de rénovation est devisé à 19 millions de francs, dont la moitié sera couverte par l’assurance et le reste par la paroisse et l’ECR. La demande d’autorisation de construire sera déposée prochainement et les travaux devraient durer environ deux ans, explique Dominique Pittet, secrétaire général de l’ECR. SB