Genève: «Le Courrier» fête 150 ans
Le quotidien genevois Le Courrier a fêté 150 ans le 5 janvier 2018. Le titre qui se présentait à l’origine comme une «feuille religieuse et nationale», a connu une histoire tumultueuse qu’il rapporte dans ses colonnes le même jour.
«Engagés mais non partisans, résolument indépendants, nous défendons notre ligne progressiste et humaniste. Il nous semble en effet plus que jamais essentiel de continuer d’informer, d’enquêter et d’analyser l’actualité sous ces prismes», annonce fièrement l’édito du 5 janvier.
Le Courrier qui paraît actuellement cinq fois par semaine est bien loin de son ancêtre hebdomadaire: une «Feuille religieuse et nationale paraissant le dimanche», née un 5 janvier 1868. Son prix était alors de 15 centimes et l’abonnement annuel coûtait 6 francs!
La publication est devenue trihebdomadaire en 1869 et quotidienne en 1892. Elle avait été précédée d’une publication mensuelle, les Annales catholiques de Genève, lancée en 1852 et qui dura jusqu’en 1862.
Un organe de combat
La naissance du Courrier a pour toile de fond les luttes confessionnelles qui marquent la Genève des années 1870. Il s’agit d’un organe de combat de la communauté catholique. De fait, en 1860, les catholiques sont devenus majoritaires dans le canton du bout du lac: 42’000, contre quelque 40’000 protestants. Mais les premiers comptent 24’000 Français parmi eux, sans droit de vote. Leur poids politique est donc faible.
Le Kulturkampf, l’expulsion décidée en 1873 par le Conseil fédéral de Mgr Mermillod, évêque de Genève, mais aussi la politique anticléricale du gouvernement du radical Antoine Carteret sont autant de motifs pour le journal de prendre fait et cause pour les catholiques du bout du lac.
Les tensions s’apaisent en 1892, avec l’introduction du scrutin proportionnel et l’émergence d’une liste indépendante, ancêtre de l’actuel PDC. En 1907, l’adoption par le canton de Genève de la loi de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, estompent définitivement le profil «combattant» du Courrier. A l’aube du 20è siècle, en 1908, le tirage du journal tombe à 1000 exemplaires.
Le journal genevois s’affiche comme publication catholique jusqu’en 1908. Il poursuit son existence avec le soutien financier des catholiques du canton jusqu’en 1993 et, dès 1996, devient indépendant.
Le journal traverse le 20e siècle, marqué par des personnalités telles que René Leyvraz, qui dirigera deux fois la rédaction de 1923 à 1935, puis de 1945 à 1963. Jean-René de Ziegler prendra sa succession. Les problèmes financiers du journal sont cependant permanents. En 1970, Le Courrier accuse même un déficit d’un million de francs. Ce qui ne l’empêchera pas de franchir le cap de l’an 2000.
Un modèle économique fragile
Bien que fragile, le modèle économique du Courrier est plus résilient, car moins dépendant de la publicité. 80% de ses revenus proviennent du lectorat. Depuis 2013, la diffusion du titre s’est stabilisée autour des 8’000 exemplaires. Le titre tourne avec un budget de 3,7 millions de francs. Le journal peut compter sur un lectorat fidèle et engagé qui lui permet, année après année, d’équilibrer ses comptes via sa souscription.
Mais il a dû s’adapter. En 2015, l’édition du samedi a été supprimée et les moyens dégagés ont été réinvestis dans l’offre électronique du journal. (cath.ch/lecourrier/bh)