Gaza: la petite communauté chrétienne en voie de disparition
La sanglante guerre qui ravage l’enclave palestinienne de Gaza depuis 50 jours frappe durement les quelque 900 chrétiens qui y survivent, dont une centaine de catholiques, qui partagent le sort dramatique des 2,3 millions d’habitants de ce petit territoire de 365 km2. Les hôpitaux, les écoles de l’UNWRA, les lieux de culte – mosquées ou églises -qui hébergent les déplacés ne sont pas épargnés.
Ce territoire exigu est soumis depuis le 7 octobre dernier à d’intenses bombardements israéliens, momentanément suspendus en raison de la libération des otages israéliens aux mains du Hamas. Ils ont déjà fait, selon les sources hospitalières palestiniennes, 15’000 victimes, dont quelque 6’000 enfants et plus de 4’000 femmes, sans compter 36’000 blessés, en grande majorité des femmes et des enfants.
Conséquences dévastatrices pour les 900 chrétiens restés à Gaza
Les conséquences de cette nouvelle guerre pour la petite communauté chrétienne de Gaza sont dévastatrices, souligne l’œuvre d’entraide «Aide à l’Eglise en Détresse ACN». Que va-t-il rester de la petite présence chrétienne à Gaza après la guerre, se demande-t-elle.
Il y a une dizaine d’années, ils étaient encore 3’000 à vivre au sein d’une population musulmane avec laquelle ils entretenaient des relations pacifiques. Avant cette guerre dévastatrice, qui ne leur laisse que très peu d’espoir, tant les chrétiens que les musulmans cherchaient déjà à sortir de ce qui était une véritable prison à ciel ouvert, entourée de hauts murs, de barbelés et de tours de guet, avec un taux de chômage dépassant ces dernières années les 50% de la population active, et encore davantage chez les 18-25 ans. Selon un fidèle interrogé, «ils cherchaient déjà tous à partir parce qu’il n’y a pas d’avenir à Gaza».
La plupart des bâtiments des institutions chrétiennes endommagés ou détruits
Selon un partenaire de projets d’AED/ACN responsable de la bande de Gaza, au moins 53 familles chrétiennes ont vu leurs maisons complètement détruites et la plupart des bâtiments appartenant à des institutions chrétiennes ont été endommagés par les frappes aériennes.
La majorité des chrétiens restés à Gaza se sont réfugiés dans la paroisse latine de la Sainte Famille et dans l’église grecque orthodoxe de Saint-Porphyre. L’église grecque orthodoxe de Saint-Porphyre, dans le quartier Zaytun de la vieille ville de Gaza, abrite le tombeau de Saint Porphyre qui fut évêque à Gaza de 395 à 420 après J-C. Elle a été sévèrement bombardée par l’armée israélienne le 19 octobre 2023, faisant une vingtaine de morts et de nombreux blessés civils parmi près de 500 réfugiés chrétiens et musulmans qui s’abritaient dans l’église.
Le Patriarcat grec orthodoxe de Jérusalem dénonce un crime de guerre
Le Patriarcat grec orthodoxe de Jérusalem a dénoncé l’attaque en termes sévères, la qualifiant de crime de guerre et accusant l’armée israélienne de cibler des églises et des abris civils.
Un reportage de la chaîne de télévision qatarie Al Jazeera saluait le fait que l’église de Saint-Porphyre, la plus ancienne église de Gaza, était devenue un sanctuaire pour les personnes déplacées par les bombardements israéliens, toutes confessions confondues. Lorsqu’un raid aérien israélien a détruit la maison de Walaa Sobeh et une grande partie de son quartier, cette musulmane palestinienne s’est réfugiée dans la l’église de Saint-Porphyre.
«La guerre ne connaît pas de religion»
«À l’église Saint-Porphyre, relate la TV qatarie, elle a trouvé non seulement un sanctuaire, mais aussi un sentiment d’appartenance à ›une seule famille›, unie à la fois par la terreur des bombes qui explosaient tout autour et par l’espoir de survivre aux attaques d’Israël». Et de souligner que «la guerre ne connaît pas de religion».
Le bombardement de l’école catholique des Sœurs du Saint Rosaire, le 4 novembre dernier, une institution qui était devenue un symbole de la présence chrétienne à Gaza, mais aussi du travail de l’Église catholique latine dans le domaine de l’éducation, est particulièrement dramatique.
L’école catholique des Sœurs du Saint-Rosaire bombardée
L’école gérée par les Sœurs du Saint-Rosaire était une lueur d’espoir pour la communauté de Gaza. Fondée en 2000, elle dispensait en 2023 un enseignement à 1’250 élèves, chrétiens et musulmans. C’était l’une des plus grandes écoles de Gaza offrant un enseignement de qualité aux familles pauvres.
Gaza L’école catholique des Sœurs du Saint Rosaire bombardée | © ACN
L’école est située dans le quartier de Tal al-Hawa, l’un des trois quartiers qui, avant le conflit, abritaient la majorité de la population chrétienne et qui a été durement touché par les frappes aériennes au cours des dernières semaines. Sœur Nabila, réfugiée dans la paroisse de la Sainte Famille à Gaza avec 700 autres chrétiens, lance un appel sincère pour la paix et une aide humanitaire urgente au milieu du conflit en cours.
Les communications avec Sœur Nabila coupées le 7 novembre
Dans un récent appel téléphonique avec AED/ACN, Sœur Nabila a exprimé sa profonde inquiétude pour une centaine d’enfants traumatisés qui sont hébergés dans le complexe paroissial et qui n’ont connu que la guerre tout au long de leur vie. «Nous voulons juste la paix, la paix. Nous avons eu six guerres à Gaza. Les enfants ne connaissent que la guerre», a-t-elle déploré.
Malgré l’ordre donné par les Israéliens à tous les civils de Gaza d’évacuer vers le sud, Sœur Nabila avait répété sa décision de rester avec la communauté dans la paroisse jusqu’à la fin. Avec les enfants, les personnes âgées, les personnes handicapées et les malades dont elle s’occupe, cela leur aurait été logistiquement impossible de partir, avait-elle déclaré. Sœur Nabila travaille sans relâche pour soutenir la communauté en ces temps difficiles, mais les communications avec la religieuse ont été coupées le 7 novembre.
Au moins une vingtaine de lieux de culte détruits
Le centre culturel orthodoxe est un autre bâtiment emblématique gravement touché. «Le centre, qui a été construit après 12 ans de dur labeur, a été totalement détruit», a déclaré un partenaire de projets de l’AED/ACN lié au Patriarcat latin de Jérusalem. On craint également que le centre catholique Saint-Thomas d’Aquin, également situé dans le quartier de Tal al-Hawa, n’ait été endommagé par les frappes aériennes, «Il est trop dangereux d’aller vérifier pour le moment», a déclaré la source locale de l’AED.
Selon un communiqué publié par le patriarcat orthodoxe de Jérusalem, au moins 19 lieux de culte, dont des mosquées et des églises, ont été pris pour cible à Gaza au cours des trois premières semaines de ce conflit. (cath.ch/acn/lpj/jerusalem-patriarchate/be)