Gaëtan Poisson a fait salle comble à la paroisse de la Sainte-Trinité de Genève | © Myriam Bettens
Suisse

Gaëtan Poisson: une théologie de l’homosexualité

Gaëtan Poisson a donné à Genève, le 27 juin 2023, la première de ses trois conférences en Suisse romande sur le thème de l’homosexualité et de l’Eglise à l’invitation du collectif Jeunes et familles catholiques romands. Une première qui a remporté un vif succès.

Texte et photo Myriam Bettens, pour cath.ch

«Dieu n’est pas sadique, il ne nous demande pas notre sexualité pour ensuite nous faire souffrir», argue Gaëtan Poisson. Et il n’est pas homme à mâcher ses mots. Il ne le fera d’ailleurs à aucun moment durant la soirée. Ce 27 juin, il était l’invité du collectif Jeunes et familles catholiques romands pour la première des trois soirées témoignage-débat sur la délicate question de l’homosexualité et de l’Eglise. Une thématique qui n’est, selon toute vraisemblance, pas prête de s’essouffler, comme en témoigne la participation lors de cette première conférence. Il suffisait d’un regard à la salle paroissiale de l’Eglise Sainte-Trinité de Genève, à l’architecture sphérique reconnaissable, pour constater que les retardataires auraient du mal à trouver un siège de libre.

Une voie médiane

Gaëtan Poisson défend la possibilité d’une voie médiane dans laquelle homosexualité et respect des exigences de l’Evangile et de l’Église sont compatibles. Pour ce faire, il a fait le choix atypique de la chasteté dans la continence et s’en ouvre lors de ses nombreuses conférences, sur sa chaîne Youtube et dans son ouvrage L’homosexualité au risque de la foi: Le témoignage d’un gay qui défend l’Église (éditions Pierre Téqui, 2020). Un choix qu’il qualifie lui-même de «différent [par rapport à] celui que le système a prétracé pour les personnes homosexuelles». Quelques réactions dubitatives de la part de personnes homosensibles proches de l’Eglise sur les réseaux sociaux, suscitées par la position affirmée du conférencier, attestent d’ailleurs de la singularité de cette ligne de conduite.

L’esprit de charité à l’œuvre

A ses côtés, Raphaël Pomey, philosophe de formation ainsi que rédacteur en chef du média indépendant Le Peuple, assurait la modération de cette soirée. Volontiers taxé de journaliste de droite, il s’en défend et ajoute à l’intention des participants que, malgré les désaccords, le dialogue et «l’esprit de charité doit prévaloir ce soir».

Un rappel clairvoyant au vu de l’une des réactions véhémentes de la part d’auditeurs présents concernant le débat sur la place des personnes homosensibles en Eglise et le mécontentement face aux options de «certaines institutions diocésaines [dépassant] leurs prérogatives [en organisant] des événements suscitant l’interrogation des fidèles», à savoir l’implication de la Pastorale des familles de l’Eglise catholique romaine de Genève (ECR) pour l’organisation de la messe à l’intention des personnes LGBT à la Basilique Notre-Dame, le 29 avril dernier ou encore lors de la célébration œcuménique inclusive à l’occasion de la Geneva Pride de cette année.

D’évidences en évidences

Gaëtan Poisson a offert un témoignage sur la manière dont un homosexuel peut vivre pleinement sa foi en adéquation avec l’enseignement de l’Eglise en partant de sa propre expérience de vie. La perte demeure un élément marquant de son parcours de vie. Le décès de deux sœurs va l’amener à des décisions de vie radicales. «A l’âge de 3 ans, j’ai perdu une petite sœur, née avec une maladie génétique, et très vite partie vers le ciel.» Cela engendre en lui «une sorte de manque» et un important questionnement existentiel. C’est lors d’un pèlerinage à Lourdes, à l’âge de 12 ans, qu’il fait «une rencontre amoureuse avec le Christ par la Vierge Marie». Il ressent rapidement l’appel du sacerdoce et entre en 1997 au séminaire où il passe trois ans.

C’est à cette même période qu’il prend conscience d’une orientation sexuelle différente. «Cela a été comme une révélation qui a écroulé toute ma vie.» Il est alors gagné par une importante dépression, car il ne sait plus où il en est. Son père spirituel lui conseille de suivre une thérapie de conversion. Les deux années suivantes seront donc marquées par des «expériences vraiment terribles de prières d’exorcisme et de délivrance», tout en pensant qu’il y avait là «une solution à tous [ses] problèmes».

Pétage de plombs et changement de vie 

Un pétage de plombs plus tard, Gaëtan Poisson se retrouve entre les murs d’un hôpital psychiatrique. Ne sachant à qui parler, il appelle son père spirituel… «aujourd’hui [il] attend toujours de ses nouvelles, cela fait 25 ans!». Face à cet abandon, il envoie tout balader et «passe d’un monde à l’autre» en adoptant un style de vie libertaire, «que la foi ne cessait pourtant de tarauder». Un appel de sa mère en 2015 annonçant à Gaëtan Poisson la mort de sa seconde sœur dans un accident de la route, lui fait prendre conscience qu’il a «touché le fond». Néanmoins, il ressent en même temps que «quelqu’un est là pour le relever». Dès ce moment, il est «passé des ténèbres à la lumière. Tout était évident. Il fallait vivre ce que disait la parole de Dieu sans tergiverser».

Des arguments sans valeur

Suite à ce témoignage, une participante se questionne sur le pourquoi d’une incompatibilité entre «l’idéologie LGBT» et le christianisme alors que, comme le souligne Raphaël Pomey, rien n’est mentionné dans les paroles du Christ à ce sujet. Un argument que Gaëtan Poisson balaie en alléguant qu’il en va de même pour d’autres sujets tels que l’évasion fiscale ou la pédophilie, dont le Christ ne dit mot mais demeurent néanmoins répréhensibles et contraires à l’éthique.

Il poursuit en évoquant la volonté de Dieu de «créer l’homme et la femme pour qu’ils s’unissent et donnent la vie. Le couple hétérosexuel a une relation directe avec les hypostases divines et donc la Trinité. Or, deux personnes du même sexe ne peuvent avoir ce lien, car la fécondité en est absente». Gaëtan Poisson ne s’arrête pas là et soutient encore que «sur le long terme [cette idéologie amène] au démantèlement total de l’anthropologie sur laquelle nos sociétés sont fondées. En tant que catholiques, nous avons le devoir de nous questionner et de comprendre ce développement de plans, à la fois sur la société et la famille». (cath.ch/mb)

Une main tendue
«Le constat a été fait que de nombreux jeunes catholiques s’engagent dans leurs paroisses, dans des associations ou mouvements catholiques en Suisse et dans le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg, mais qu’en retour de leurs œuvres bénévoles leur voix n’est jamais prise en compte dans les initiatives et les grandes décisions prises par les structures de l’Eglise catholique en Suisse romande». Le collectif Jeunes et familles catholiques romands, composé de plus de deux-cent membres, s’est constitué à la suite de l’annonce de la messe à l’intention des personnes LGBT à la Basilique Notre-Dame, le 29 avril dernier. Celle-ci n’a pas manqué de provoquer nombre de réactions perplexes face à l’organisation d’une telle messe.
Lorsqu’on interroge Samuel Sommaruga, un des représentants du collectif et organisateur de la soirée, il ne nie pas mais pondère: «Nous souhaitons apporter quelque chose de complémentaire par rapport à ce que le diocèse offre déjà». Une manière également pour les familles catholiques du diocèse de se rencontrer, d’échanger et de «partager sa foi, ses idées et son engagement envers l’Église». Il salue également la présence de la responsable de la Pastorale des familles de l’ECR, Anne-Claire Rivollet, présente lors de cette première soirée. Cette dernière glisse d’ailleurs que rien ne vaut une rencontre en personne pour désamorcer les tensions. Rendez-vous est donc pris pour une rencontre prochaine. Des mains se serrent, des sourires s’échangent et le vœu (pieux?), de Raphaël Pomey, de rassembler sous la bannière du dialogue, s’exauce peut-être. MB

Gaëtan Poisson a fait salle comble à la paroisse de la Sainte-Trinité de Genève | © Myriam Bettens
28 juin 2023 | 17:00
par Rédaction
Temps de lecture : env. 5  min.
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