Soeur Véronique Margron, présidente de la CORREF, défend la pertinence du rapport Sauvé contre ses détracteurs  | © CORREF
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Fronde catholique contre le rapport Sauvé

Huit membres de l’Académie catholique, en France, ont transmis un texte critique sur le rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels en Eglise (CIASE). La démarche a provoqué la démission, le 25 novembre 2021, de nombreux membres de l’Académie, dont Véronique Margron, présidente de la Conférence des religieux et religieuses de France (Corref), et Mgr Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France (CEF).

L’Académie catholique, qui regroupe des intellectuels catholiques de tous bords, est profondément ébranlée. La cause en est une initiative de certains de ses membres contre le rapport de la CIASE. Les chiffres accablants donnés par le rapport Sauvé ont provoqué une vive émotion dans le monde entier, suite à sa publication, le 5 octobre 2021.

Le groupe de huit «académiciens»- dont son président Hughes Portelli – a transmis le texte confidentiellement à Mgr de Moulins Beaufort et au nonce apostolique en France, sans que les autres membres de l’institution créée en 2009 en soient informés, rapporte le journal La Croix.

Les signataires récusent notamment les chiffres soulevés par la CIASE, ainsi que le caractère systémique des agressions. La Commission a produit une série d’estimations selon lesquelles plus de 300’000 Français auraient subi des abus sexuels dans un contexte ecclésial. Les contestataires déplorent, dans un style jugé «agressif», les «faiblesses méthodologiques» du rapport et «ses analyses parfois hasardeuses».

Tout en admettant que le rapport est «né d’une démarche courageuse et justifiée», le groupe des huit estime que «certaines (conclusions) pourraient être ruineuses pour l’Église», alors que d’autres «remettent en cause (sa) nature spirituelle et sacrée.»

Une entreprise «pour faire du mal à l’Eglise»?

Véronique Margron, qui a démissionné après avoir eu connaissance du texte, regrette l’absence de tout débat contradictoire à l’interne de l’Académie. Notant que Jean-Marc Sauvé lui-même n’avait pas été sollicité en amont.

La présidente des religieuses et religieux de France déplore aussi «les insinuations de ce document, sous-entendant que le rapport de la CIASE serait une entreprise qui veut faire du mal à l’Église, et que la CEF et la Corref se seraient laissé tromper…». Selon la théologienne, «que la projection soit discutée, qu’elle soit de 200’000 victimes estimées plutôt que de 300’000 ou de 400’000, cela ne change rien… La dimension systémique tient au fait que des agresseurs ont pu agresser pendant trente, voire quarante ans, qu’ils aient été couverts par leur hiérarchie, parfois même que celle-ci se soit rendue complice.»

Un texte trop «émotionnel»?

Mais le texte des «académiciens» catholiques cristalliserait une contestation plus large du rapport Sauvé. Elle porte en grande partie sur le nombre estimé de victimes, ainsi que sur la méthode d’extrapolation utilisée. Un aspect régulièrement mis en cause dans les médias traditionalistes.

Une critique même présente dans les rangs de l’épiscopat. Le journal français mentionne notamment les remarques d’un évêque assurant que ses pairs ont «décidé de retenir leurs critiques» et qu’ils s’attendaient à un rapport juridique, mais «pas du tout à ce résultat». Pour le prélat, le travail de la CIASE aurait été «beaucoup trop soumis à l’émotion».

Un regard critique qui serait aussi de mise au Vatican, selon une source interne citée par La Croix. Certains membres de la curie ne comprendraient pas la démarche des évêques français de confier un tel rapport à une instance indépendante, de plus assorti d’une demande de recommandations. «Il serait important que la CIASE vienne elle-même se présenter et présenter son travail au pape», ajoute la source vaticane. Une rencontre entre la Commission Sauvé et le pape François était un temps annoncée pour le 9 décembre 2021. Mais elle a été reportée le 25 novembre à une date inconnue. (cath.ch/cx/arch/rz)

Soeur Véronique Margron, présidente de la CORREF, défend la pertinence du rapport Sauvé contre ses détracteurs | © CORREF
29 novembre 2021 | 16:22
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture : env. 2  min.
Abus sexuels (1288), Ciase (51), France (521), Rapport Sauvé (41)
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