Fribourg: Mobilisation contre l’optimisation fiscale
Des militants de Pain pour le prochain (PPP) ont mené, le 20 octobre 2021, une action de mobilisation devant le siège de Sogescol et de Socfinco à Fribourg. L’oeuvre d’entraide protestante a exhorté l’entreprise agroalimentaire luxembourgoise à mettre à ses pratiques d’optimisation fiscale et à garantir un salaire décent aux ouvriers de ses plantations dans les pays du Sud.
Un rapport rédigé par Pain pour le prochain, Alliance Sud et le Réseau allemand pour la justice fiscale met en lumière les rouages de ce mécanisme. La Suisse porte une part de responsabilité dans ce phénomène, car la politique helvétique de sous-enchère en matière d’imposition des entreprises représente l’un des piliers de ce système, souligne PPP.
La société Socfin, dont le siège se trouve au Luxembourg, s’est vu octroyer dans dix pays d’Afrique et d’Asie des concessions sur des terres agricoles d’une superficie supérieure à 380’000 hectares, soit presque l’équivalent de la surface agricole de la Suisse, note le rapport.
Dans ses 15 plantations, le groupe produit du caoutchouc et de l’huile de palme qu’il écoule ensuite sur le marché mondial. Si l’entreprise est dotée d’une structure complexe, il apparaît toutefois clairement qu’elle commercialise une grande partie de son caoutchouc par l’intermédiaire d’une filiale établie à Fribourg, à savoir Sogescol FR. Et c’est une autre filiale elle aussi basée à Fribourg, Socfinco FR, qui se charge d’administrer les plantations et de fournir des prestations aux autres sociétés du groupe.
Il s’agit là d’un schéma classique de transfert de bénéfices entre filiales à des fins d’optimisation fiscale, relèvent les ONG. Dans les pays africains où Socfin est active, le taux d’impôt varie ainsi de 25 à 33 %, contre moins de 14 % en Suisse.
Une pratique d’optimisation fiscale très répandue
Cette pratique très répandue parmi les sociétés multinationales n’est pas forcément illégale, mais elle n’en demeure pas moins inique, car elle prive les pays producteurs de l’hémisphère sud des recettes fiscales indispensables à leur développement et creuse de ce fait les inégalités mondiales, dénonce le rapport.
Chaque année, environ 80 milliards d’euros de bénéfices réalisés dans des pays en développement sont ainsi expatriés vers des territoires peu taxés comme la Suisse. Ce qui représente plus que la moitié de l’aide publique au développement à l’échelle mondiale.
Le transfert de bénéfices au sein de multinationales est généralement difficile à appréhender pour les administrations fiscales, faute de volonté ou de moyens . Dans le cas de Socfin, les rapports financiers de la société livrent des informations sur la structure et l’objet des transactions entre filiales. Qu’elles portent sur le négoce, des prestations de conseil, des licences ou des services d’autre nature, les opérations intragroupe délocalisent en Suisse une grande partie des revenus générés en Afrique et en Asie.
La Suisse doit faire œuvre de plus de transparence
En outre, selon PPP, Socfin dispose dans ces pays de concessions extrêmement avantageuses, mais n’offre pas de contreparties suffisantes à la population locale. Les salaires restent trop bas et les promesses d’investissements sociaux ne sont pas tenues. En dépit d’un contexte particulièrement favorable, certaines exploitations du groupe, comme la plantation d’hévéas de LAC au Liberia, affichent des pertes persistantes – ce qui, selon le rapport, vient appuyer l’hypothèse de transfert de bénéfices de l’Afrique vers le paradis fiscal helvétique.
Cette pratique profite aujourd’hui considérablement à la Suisse. Ces transactions génèrent près de 40% des recettes de l’impôt sur les bénéfices des entreprises à l’échelon cantonal et fédéral. Afin de lutter contre les abus, le rapport demande d’améliorer la transparence de la politique fiscale et de rendre publics les accords que les administrations fiscales concluent avec ces sociétés.
Il est primordial que la Suisse promeuve un régime international d’imposition des entreprises qui localise la taxation des bénéfices dans les pays où ils sont générés et non sur les territoires à faible fiscalité, conclut le rapport. (cath.ch/com/mp)