Fribourg: Les gens du voyage donnent du sens à la vie

«On va là où le vent nous pousse»

Par Jacques Schouwey, de l’Apic

Fribourg, 16 février 2009 (Apic) Les gens du voyage, les Yéniches et quelques Manouches, d’origine suisse, s’apprêtent à reprendre la route. Le 7 février 2009, les catholiques de cette communauté ont participé à une catéchèse et une messe à l’église du Christ-Roi à Fribourg. Ils ont quatre fois par année l’occasion de se retrouver, dont le pèlerinage à Broc.

Le 7 février, environ 45 personnes – parents, enfants et grands-parents – se sont rencontrées à l’Eglise du Christ Roi pour une catéchèse et une messe. Le Père Jean- Bernard Dousse, dominicain, aumônier des gens du voyage, a présidé la cérémonie, alors que l’abbé Martial Python, curé modérateur d’Yverdon et doyen, a assumé la catéchèse.

Dans une ambiance festive et amicale, la rencontre a permis à chacun de vivre un intense moment de communion et d’échange. C’était aussi l’occasion pour chacun de faire part de ses expériences vécues durant le temps hivernal et de ses attentes pour le voyage qui s’annonce.

A l’origine, la communauté était en grande majorité catholique, mais beaucoup de gens du voyage passent actuellement chez les évangélistes. La communauté catholique réunie pour les célébrations (messe, catéchèse, confirmation) a à coeur d’approfondir son identité. De nombreux couples sont mixtes, mais on peut dire que les gens du voyage forment une «grande famille».

Après environ quatre mois de vie sédentaire, les gens du voyage de Suisse vont reprendre la route, le printemps venu. Seuls 3’550 à 5’000 des 35’000 personnes que compte la communauté yéniche voyagent encore, les autres s’étant sédentarisés.

Des rencontres fort enrichissantes

Des jeunes et des moins jeunes ont exprimé ouvertement la raison de leur présence à la cérémonie et la signification pour eux de la religion, telle cette dame assez jeune qui déclare:»Pour nous, c’est un besoin de se ressourcer». Ou ce couple d’un certain âge, qui s’affiche catholique, mais qui regrette profondément les dernières décisions du pape concernant la levée d’excommunication d’un évêque négationniste. Pour l’épouse, la foi chrétienne est très importante, mais elle n’admet pas tout ce que dit l’Eglise: «je ne comprends pas que des évêques contestent l’existence des chambres à gaz, ma grand’mère, mes oncles, mes tantes, ma famille, ils sont tous passés par là-bas». Son époux dit ouvertement son manque de compréhension à l’égard des décisions du pape: «il faudrait qu’il voie les choses comme elles sont», qu’il voie la réalité. Mais cela ne les empêche nullement de confesser et pratiquer leur foi, car, comme le dit le mari :»Le pape, ce n’est pas Dieu.»

Fidèles aux cérémonies organisées par l’aumônerie, les personnes rencontrées regrettent d’être mises en ghetto dans la société contemporaine.

Ce couple, fidèle depuis 45 ans aux rencontres des Saintes-Maries-de-la-Mer, prêt à repartir, reconnaît, par fatalisme, qu’il appartient comme nomade à une forme de ghetto dans la société contemporaine, mais il déplore la réputation véhiculée à propos des «gens du voyage». Soupçonnés ou accusés de tous les délits possibles, les «gens du voyage» ont mauvaise presse: on n’en veut nulle part. Mais ce qui leur donne toujours espérance, c’est la prière: «qu’est-ce qu’il y a de mieux que la Sainte Vierge et Dieu? Il n’y a rien de mieux.».  » Si on ne pouvait pas prier, on serait perdu.»

Des jeunes aussi partent

Deux jeunes parents, ayant toujours vécu dans ce milieu, affirment que leur vie est là. C’est surtout la liberté et la manière de vivre qui les enthousiasment. Ils ont vécu cela du temps de leurs parents et sont heureux de le vivre avec leurs deux enfants de 4 et 2 ans. Madame s’occupe des enfants, alors que Monsieur, ferrailleur, «suit le travail là où il se trouve», récupérant vieux fers et métaux divers. Vivant actuellement en caravane en terre romande, ils sont prêts à repartir pour une période de «7 à 8 mois en voyage». Ils sont impatients que les beaux jours reviennent. Mais ils ont déjà noté sur leur agenda le prochain pèlerinage à Notre-Dame des Marches.

Les familles restent unies

Les plus anciens suivent les plus jeunes là où ils vont. C’est le témoignage de ce grand-père qui dit ne plus travailler, mais qui se positionne en fonction de ceux qui travaillent. Selon lui, «normalement, les Suisses romands vont en Suisse allemande pour gagner leur vie, car on sait les deux langues», et les familles suivent le mouvement: «on suit l’équipe», même si, à un certain âge, il est nécessaire de rester en appartement. Pour ce témoin du voyage, la famille reste une unité essentielle:enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants, constituent le centre de la communauté.

Leur nom

Les «gens du voyage» acceptent cette désignation, et ils s’appellent eux-mêmes ainsi. Mais ils n’aiment pas être appelés tziganes, parce qu’ils ne partagent pas les mêmes origines que les autres nomades d’Europe. On peut parler, pour la communauté suisse des Yéniches de l’une des ethnies tsiganes, qui sont le nom générique des nomades d’Europe, et parmi lesquels on distingue les Gitans (sud de la France et Espagne); les Roms (Europe de l’Est); les Manouches (France), appelés Sinti (Allemagne et Italie); les Gypsies (Angleterre). Tous ces groupes viennent de l’Inde depuis le 10e s., et on trouve des mots de sanscrit dans le romanès. Sauf les Yéniches, d’origine européenne. Pour eux, le mieux est de simplement les appeler «gens du voyage», peut-être en précisant «de nationalité suisse». Et si on insiste, on parlera de «peuple yéniche». Autrefois on disait «Vanniers», car ils faisaient des paniers. Mais le terme ne s’utilise plus maintenant. (apic/js)

16 février 2009 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
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