Fribourg: les catholiques moins nombreux mais plus authentiques?
Les catholiques, ultra-majoritaires durant des siècles dans le canton de Fribourg, ne représentent plus que 60% de la population. Ce «déclin» constitue cependant pour certains autant un gain d’authenticité qu’une opportunité pour l’Eglise d’apporter une contribution créative à la société.
Le catholicisme rassemble aujourd’hui un peu plus de 60% de la population, contre encore près de 80% à l’aube des années 1990, souligne La Liberté du 26 janvier 2018. Le quotidien romand rappelle les dernières statistiques du paysage religieux dans le contexte du lancement de la procédure des prochaines élections des conseils de paroisses du canton, le 4 mars 2018. Un scrutin quinquennal, qui selon le journal «ne déchaîne pas les passions».
Le détonateur Mai 68
Car la société change, s’affranchit du conservatisme clérical qui a dominé, un siècle durant, la vie des Fribourgeois. «Dans les années 1960, la pression sociale était très forte, dans les campagnes particulièrement», rappelle Jean-François Mayer, directeur de l’institut Religioscope. A l’époque, explique-t-il, il était par exemple inimaginable pour un enfant de se dérober aux vêpres du dimanche après-midi dans un village sous peine d’être vertement sermonné par l’instituteur le lendemain.
«Ces générations ont souffert d’un catholicisme parfois oppressant, tant sur le plan temporel que spirituel», relève Jacques de Coulon, qui a longtemps enseigné la philosophie au Collège Saint-Michel de Fribourg. Il considère que Mai 68 a été un détonateur: «Les gens ont commencé à rejeter les institutions, aussi bien politiques que religieuses.»
L’Eglise «minorité créative»
En repli, l’Eglise catholique n’est pourtant pas en perdition à Fribourg, remarque Jean-François Mayer. «Je suis frappé du nombre de personnes qui, bien qu’étant peu ou pas pratiquantes, continuent de payer l’impôt ecclésiastique pour maintenir leur appartenance à la communauté. Cela témoigne selon moi d’un attachement pour des motifs divers.»
Pour Jacques de Coulon, cette retraite est même positive: «Les catholiques d’aujourd’hui sont plus authentiques qu’il y a cinquante ans, car leur adhésion est plus réfléchie, elle découle d’un choix positif et assumé.»
Mgr Charles Morerod, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF) se montre lui aussi positif. «Personnellement, j’ai grandi dans l’idée que les catholiques seraient désormais minoritaires, parce qu’ils le sont dans ma génération. Cette situation a été favorisée par le fait que l’Eglise ait accepté la liberté religieuse et n’ait plus essayé de s’imposer à la société, mais d’y proposer sa contribution.» Il considère, reprenant les paroles du pape Benoît XVI, que l’Eglise catholique doit se sentir «comme une minorité créative qui possède un héritage de valeurs qui ne sont pas les choses du passé, mais une réalité très vivante et actuelle». Pour l’évêque, «l’Eglise peut profiter de cette situation où beaucoup ne la connaissent plus pour proposer sa foi». Une difficulté toutefois, relève Mgr Morerod: «Presque tout le monde pense savoir déjà ce qu’est le christianisme.»
Plus de «sans confession»
Parallèlement à la baisse des catholiques, le groupe des «sans confession» a largement augmenté dans le canton de Fribourg. Alors qu’ils représentaient 0,3% de la population en 1970, ils étaient 16,5% en 2015. Les chiffres montrent également une croissance constante des sorties d’Eglise et un déclin des baptêmes.
A note qu’en nombre absolu, la communauté catholique romaine n’a pourtant jamais été aussi importante dans le canton: elle comptait en 2015, selon l’Office fédéral de la statistique, plus de 154’000 membres âgés de plus de 15 ans. Un effet du dynamisme démographique enregistré ces dernières années, notamment en provenance des pays catholiques tels que le Portugal, l’Italie ou la France. Plus de 50% des quelque 70’000 étrangers établis dans le canton sont catholiques. (cath.ch/lib/rz)