Frère Alois de Taizé: «Vivre l'unité comme échange de dons»
A la veille du pèlerinage oecuménique du pape François à Genève, Frère Alois, le prieur de la communauté de Taizé livre sa vision de l’unité des chrétiens et des efforts pour y parvenir. Frère Alois participera aux divers temps forts de cette visite.
Frère Alois rappelle d’abord la rencontre européenne de jeunes vécue à Genève il y dix ans. Des dizaines de milliers de jeunes avaient alors envahi la halle de Palexpo où le pape François dira la messe. «Nous avions vécu un temps fort œcuménique à Genève et dans toute la région. Les Églises locales de diverses confessions avaient invité Taizé animer une rencontre européenne de jeunes aux bords du lac Léman. A cette occasion, nous avons collaboré aussi avec les institutions œcuméniques sur place.»
Le Conseil œcuménique des Églises et la communauté de Taizé sont nés dans la même période, Taizé au début de la Deuxième Guerre mondiale, le Conseil peu après sa fin, note Frère Alois. «Leurs initiateurs avaient la vision, pour les Églises séparées, d’une nouvelle étape à franchir, une étape de communion et de fraternité entre chrétiens, en vue de la paix sur la terre au-delà du conflit qui avait déchiré le monde. À leur suite nous essayons les uns et les autres de maintenir vivante cette flamme d’unité.»
L’importance du dialogue théologique
Pour le prieur de Taizé, un des organismes essentiels du Conseil œcuménique est le département «Foi et Constitution», dont l’Église catholique est pleinement membre. «Foi et Constitution» a fait un travail théologique remarquable sur l’unité de l’Église, publié voici cinq ans dans le document : «L’Église : vers une vision commune». Les difficultés de compréhension théologique entre les Églises ne doivent pas faire perdre de vue ce but premier. C’est pourquoi un travail théologique qui ose faire confiance à l’Esprit Saint est à valoriser – tout comme les instances de dialogue bilatéral qui existent aujourd’hui entre de nombreuses confessions, estime Frère Alois.
Le responsable de Taizé livre aussi quelques conseils en vue de l’unité des chrétiens. «L’unité des chrétiens est un impératif essentiel pour les responsables des Églises, mais aucun réel progrès ne sera possible sans une prise de conscience individuelle des croyants des diverses familles ecclésiales. Or, chacun peut vivre à son niveau la recherche de l’unité comme un échange de dons: partager avec les autres ce que nous considérons comme un don de Dieu, mais aussi accueillir les trésors que Dieu a déposés chez les autres. Le Pape François me semble l’exprimer très clairement quand il dit : ‘il ne s’agit pas seulement de recevoir des informations sur les autres afin de mieux les connaître, mais de recueillir ce que l’Esprit a semé en eux comme don aussi pour nous’.»
Faire route ensemble
Pour faire route ensemble, Frère Alois donne des suggestions très concrètes: Aller vers ceux qui sont différents, un autre groupe, une autre paroisse, un autre mouvement, une autre confession… «Nous pouvons nous mettre autant que possible «sous le même toit» sans attendre que tout soit pleinement harmonisé, en anticipant la pleine communion.»
Entre voisins et familles de confessions différentes, créer de petites ‘communautés de base’, prier ensemble dans l’écoute de la Parole de Dieu, le silence et la louange, afin de mieux se connaître et d’apprendre les uns des autres.
Faire avec les chrétiens d’autres confessions tout ce qu’il est possible de faire ensemble: étude de la Bible, travail social et pastoral, catéchèse – et ne plus rien faire sans tenir compte des autres est le troisième conseil de Frère Alois.
Accomplir ensemble des gestes de solidarité, être attentifs ensemble à la misère d’autrui, aux détresses cachées, aux malheurs des migrants, à la pauvreté matérielle comme à toute autre souffrance, à la sauvegarde de l’environnement. Frère Alois rappelle enfin qu’il n’y a pas d’unité sans pardon et sans réconciliation.
Offrir l’hospitalité eucharistique
Le Prieur de Taizé s’interroge enfin sur le partage eucharistique. «Ce n’est pas par hasard que l’eucharistie est au cœur de la recherche de l’unité chrétienne, car c’est le soir même de la dernière cène que Jésus a prié «qu’ils soient un afin que le monde croie» (Jean 17). La prière de Jésus constitue un appel concret, pressant, à rechercher l’unité fraternelle. Eucharistie et amour fraternel sont à jamais liés. Lorsque les chrétiens se réunissent pour le partage eucharistique, le Christ est là, et il ne cesse de prier pour l’unité de tous ceux qui croient en lui. Comment ne pas y être attentifs?
Une question en découle: les Églises qui soulignent que l’unité de la foi et l’accord sur les ministères sont nécessaires pour recevoir ensemble la communion ne devraient-elles pas donner autant de poids à l’accord de l’amour fraternel? Ne pourraient-elles pas offrir alors plus largement l’hospitalité eucharistique à ceux qui manifestent le désir d’unité et qui croient en la présence réelle du Christ?
L’eucharistie suppose donc l’unité, mais n’est-elle pas aussi le chemin par lequel s’approfondit toujours plus la communion en Christ? Notre identité de chrétiens se découvre mieux lorsque nous faisons route ensemble, conclut Frère Alois. (cath.ch/com/mp)