François et les présidents américains: accords et désaccords
Le pape François s’est toujours défendu de toute intervention dans la politique américaine, il a en revanche, depuis le début de son pontificat en 2013, beaucoup échangé – en soulignant parfois ses désaccords – avec les deux présidents de la Maison Blanche, Barack Obama et Donald Trump, en lice face à Joe Biden lors des élections présidentielles du 3 novembre 2020.
Dans une société étasunienne où la part de la population catholique représente plus d’une personne sur cinq, la figure de l’évêque de Rome reste incontournable. Barack Obama, président de 2008 à 2012, autant que Donald Trump se sont impliqués dans les échanges diplomatiques avec le Saint-Siège pendant leur mandat, et ce même si des désaccords importants ont pu voir le jour.
En 2013, quand le pape François a été élu sur le Trône de Pierre, Barack Obama entamait sa sixième année en tant que chef de la «première puissance du monde». Il avait salué à l’époque l’Argentin qui devenait le premier pape du continent américain: «son élection témoigne de la force et de la vitalité d’une région qui façonne de plus en plus notre monde». Enthousiaste, il insistait sur sa volonté de travailler avec lui «pour faire progresser la paix et la dignité des personnes, quelles que soient leurs croyances».
Si les relations entre Barack Obama et le pape François semblent avoir été particulièrement amicales pendant les trois dernières années de la seconde présidence de l’Américain, c’est avant tout parce que ce dernier a souvent souligné son admiration pour le pape. Le 27 mars 2014, alors qu’il était reçu par le pontife argentin au Vatican, il n’avait pas tari d’éloges envers le nouvel occupant du Palais apostolique, qu’il avait qualifié de «leader par les mots et les attitudes».
Obama, admirateur du pape
«Une des qualités que j’admire chez le pape est son courage de parler sans langue de bois des défis économiques et sociaux majeurs auxquels nous devons faire face aujourd’hui», avait encore affirmé le président des Etats-Unis lors de cette première rencontre, avant de nuancer son propos: «Cela ne signifie pas que nous soyons d’accords sur tous les points, mais je suis convaincu que sa voix doit être écoutée dans le monde».
Par désaccords, le président démocrate entendait en particulier un domaine, qui a été notamment abordé lors de la visite du pape aux États-Unis en 2015: le droit à la vie. Le Vatican plaide pour un droit à l’objection de conscience, afin que le personnel médical puisse, aux États-Unis, refuser de pratiquer certains actes, comme l’avortement.
Mais que ce soit sur la question des réfugiés et sans-papiers — sur laquelle les deux hommes semblent s’être entendus – ou sur l’assouplissement des relations diplomatiques et sanctions économiques contre des adversaires historiques tels que l’Iran ou Cuba, le Saint-Siège a semblé sur la même ligne que Washington.
Avec Trump, des relations compliquées dès le départ
Les relations entre Donald Trump et le pape François ont été beaucoup plus compliquées et ce parce qu’elles se sont détériorées avant même l’élection du magnat de l’immobilier. Le 17 février 2016, dans l’avion de retour du Mexique, le pape avait en effet indirectement attaqué Donald Trump alors que ce dernier était en pleine campagne présidentielle. Répondant à la question d’un journaliste, il avait déclaré qu’on ne pouvait être chrétien et penser «uniquement à ériger des murs […] et non à créer des ponts». Allusion claire à la promesse électorale du républicain de bâtir un mur entre les Etats-Unis et le Mexique.
Le Père Federico Lombardi, alors directeur de la salle de presse du Saint-Siège, avait par la suite nuancé ces propos, affirmant qu’il ne s’agissait ni d’une «attaque personnelle ni d’une consigne de vote». Mais Donald Trump avait pourtant adressé au pontife une réponse cinglante, critiquant son positionnement «très politique» et parlant d’un pape qui «ne comprend pas les problèmes» des Etats-Unis.
Quelques points d’accord importants
Après l’élection de Donald Trump, le pape François faisait un geste diplomatique le 13 mai 2017, rappelant qu’il y avait «toujours des portes qui ne sont pas fermées» avec lui et qu’il ne portait pas «un jugement sur une personne sans l’écouter».
La réponse de Donald Trump fut la nomination de Callista Gingrich à l’ambassade des Etats-Unis près le Saint-Siège le 22 décembre 2017, cette dernière, catholique pratiquante, s’investissant avec force sur un dossier particulièrement important pour le Saint-Siège: la lutte contre le trafic humain. D’autres points d’entente seront aussi clairement salués par la diplomatie vaticane: la position du gouvernement Trump en faveur d’un «droit pour la vie», sa défense de la liberté religieuse et de conscience et la protection des chrétiens d’Orient. Les «accords d’Abraham» signés le 15 septembre 2020 entre Israël et deux pays musulmans (Bahreïn et Émirats arabes unis) sous le patronage américain ont aussi été applaudis, comme l’avait été en juin 2018 la rencontre historique du président américain avec le Nord-coréen Kim Jung Un.
Bilatéralisme versus multilatéralisme
Cependant, au bilatéralisme de plus en plus systématique mis en œuvre par l’administration américaine, le pape a opposé pendant tout son pontificat un appel constant au multilatéralisme. Ainsi le pape s’est opposé à Donald Trump sur la méthode à employer pour résoudre le conflit israélo-palestinien (l’administration américaine ayant quasiment exclusivement traité avec l’Etat d’Israël).
Le Vatican a aussi reproché à Washington sa volonté, annoncée en 2017, de quitter l’accord de Paris sur l’environnement, et en 2018 de retirer les Etats-Unis du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire.
Lors de la réception de Donald Trump au Vatican le 24 mai 2017, les relations étaient maussades. Le visage peu souriant du pontife en amont de la rencontre privée avait été perçu comme le signe d’un vrai désaccord par de nombreux observateurs. Au pape François, Donald Trump avait déclaré ce mot énigmatique et tout autant commenté: «je n’oublierai pas ce que vous avez dit».
Ingérence américaine?
Plus récemment, le secrétaire d’Etat Mike Pompeo a provoqué la colère de la secrétairerie d’Etat en s’immisçant dans le processus de négociation mené par l’Eglise catholique avec la Chine. Une ingérence peu au goût du cardinal Pietro Parolin, qui a alors tenu à souligner, au début du mois d’octobre 2020, que le Vatican irait jusqu’au bout dans ce processus, quoi qu’en dise Washington.
Au lendemain de l’élection présidentielle américaine, ce 3 novembre 2020, le pape François saura dans tous les cas à quoi s’attendre. L’élection désignera une personnalité que François connait déjà, que ce soit l’actuel président ou l’ancien vice-président de Barack Obama qu’il avait déjà rencontré. (cath.ch/imedia/cd/bh)