L'oeuvre de fiction "Blind date à la juive" est présentée au Prix Farel 2016 (capture d'écran)
Suisse

La fiction donne des couleurs au Prix Farel

Le festival international du film à thématique religieuse Prix Farel intègre pour la première fois cette année une catégorie «fictions». Pour la manifestation interreligieuse, qui se déroulera du 21 au 23 octobre 2016 à Neuchâtel, il s’agit de présenter le fait religieux à travers un autre regard que celui du documentaire.

Michel Simonet, le balayeur à la rose de Fribourg, les Israéliennes qui luttent pour leurs droits religieux, les mariages à l’église au Japon…La 26e édition du Prix Farel arbore plus que jamais, avec les 34 productions cinématographiques proposées, des couleurs multiples. La diversité des thèmes, des religions et des approches est encore enrichie cette année par la création d’une catégorie «fictions», qui présente cinq oeuvres. Cyril Dépraz, producteur RTS et président du comité Farel, éclaire la démarche pour cath.ch.

Qu’est-ce qui a dicté votre choix de faire entrer la fiction au Prix Farel?
En fait, il y avait déjà eu des fictions dans les éditions précédentes, mais pas plus d’une ou deux. Face à une production de plus en plus abondante d’oeuvres de fictions reprenant des thématiques religieuses, le Prix Farel a choisi d’élargir sa sélection et de créer une catégorie pour ce genre. Il s’agissait également de faciliter le travail du jury, pour lequel il était compliqué de comparer des œuvres documentaires et de fiction. Nous voulions aussi permettre aux personnes travaillant dans cette écriture de présenter leur approche spécifique du fait religieux.

Une seconde mesure, également destinée à simplifier la tâche du jury, a été l’établissement de critères de jugement. Par exemple, il s’agit d’accorder une importance particulière aux films qui illustrent les valeurs humaines et spirituelles des différentes traditions religieuses. Les films primés devront également avoir un impact universel et ne pas se limiter à un public ou à un contexte restreint.

Quel «plus» la fiction va-t-elle apporter?
Par rapport au genre documentaire, la spécificité de la fiction est principalement d’établir une certaine distance, un recul par rapport à l’objet filmé. L’humour ou l’ironie sont, par exemple, des éléments qu’on ne retrouve en général pas dans les documentaires, surtout s’ils parlent de sujets graves. L’auteur de fiction peut créer sa propre réalité et avoir ainsi une liberté plus grande de faire passer des idées.

Nous projetterons notamment le film québécois La divine stratégie. Il raconte l’histoire d’un curé confronté à la désaffection de son église, qui fait appel à un expert en marketing pour ramener les fidèles sur les bancs. Le sujet est grave, mais la fiction permet de le traiter intelligemment, avec humour et légèreté.

Quelles autres nouveautés pour cette édition?
La constitution du jury ne se limite plus à un équilibre confessionnel entre protestants et catholiques, mais intègre des membres d’autres traditions religieuses. Si nous savons que certains membres du jury sont confessionnellement marqués, nous en avons choisi d’autres en fonction de leur intérêt pour la matière et de leurs compétences. C’est par exemple le cas de Nasser Bakhti. Notre nouveau règlement sur le jury établit clairement une volonté de prendre en compte une diversité nationale et religieuse.

Qu’est-ce que le festival, avec cette composante religieuse, peut apporter à la compréhension de la société, de l’humain?
Les œuvres culturelles à thématique religieuse regroupent un champ très vaste. Elles sont le reflet de la société, de son évolution. Dans le cinéma comme dans la religion, on observe une pluralité et une diversité en croissance constante. De plus en plus, des acteurs médiatiques qui ne sont pas liés à la religion s’emparent de ces sujets. Cet aspect de la vie humaine est désormais reconnu comme fondamental pour comprendre notre monde actuel. La spécificité du Prix Farel est sans doute de présenter un regard sur la vie humaine en faisant appel à cette dimension verticale de l’homme, aux valeurs, aux convictions.

Quels ont été les critères de sélection pour les 34 œuvres présentées?
La commission de sélection a choisi parmi 80 réalisations. Aucune confession religieuse n’est privilégiée. Le choix se fait sur des critères formels, tels que les qualités esthétiques de l’œuvre, mais aussi sa profondeur, sa signification dans le monde actuel. Par exemple, il y a deux ans, de nombreuses productions sélectionnées parlaient de l’homosexualité. Pour cette édition, nous avons un accent particulier mis sur la migration ou l’environnement.


Stimuler la production d’émissions religieuses

André Kolly (photo: Bernard Hallet) André Kolly (photo: Bernard Hallet)

«L’objectif premier du Prix Farel a été de stimuler la production télévisuelle dans le domaine du religieux», précise André Kolly. L’ancien directeur du Centre catholique de radio-télévision (CCRT) a été membre du jury du festival neuchâtelois en 1974. Il souligne que cet objectif demeure aujourd’hui et que la manifestation neuchâteloise est une formidable «foire à idées» pour les journalistes. Grâce au festival, des générations d’acteurs médiatiques dans le domaine religieux ont en effet pu s’enrichir des expériences des autres, notamment dans les nouvelles technologies. «Le Prix Farel est une belle aventure, il a permis à de nombreux producteurs d’émissions religieuses francophones de se connaître, de s’apprécier et de collaborer», salue André Kolly.


Le prix Farel, une histoire d’ouverture

En 1967, les Eglises réformées de Suisse romande instituent un Prix pour récompenser le réalisateur de la meilleure émission protestante diffusée sur la Télévision suisse romande (TSR). Ce prix porte le nom de «Farel», de Guillaume Farel (1489-1565), le réformateur français qui a fortement marqué le paysage confessionnel de la Suisse romande, et en particulier celui de Neuchâtel.

A partir de 1970, un pasteur est formé pour assurer la réalisation des émissions religieuses de la TSR. Dès lors, l’objectif initial n’a plus de sens. Le prix aurait été sans cesse décerné au même bénéficiaire, note le site internet du Prix Farel. Dès 1973, il est donc élargi de façon oecuménique aux émissions religieuses de langue française (TF1, RTBF et Radio Canada). En 1984, il s’ouvre aux pays latins et en 1990 aux émissions de TV locales (câblées ou herziennes).

Très rapidement, «Farel» sera le lieu privilégié de rencontres et d’échanges entre professionnels de la télévision sur les thèmes religieux. Devenu biennal – décerné à Neuchâtel les années paires – il a été complété par un séminaire décentralisé organisé les années impaires par les partenaires européens. C’est l’occasion d’une réflexion commune sur les grandes questions qui se posent aux producteurs et réalisateurs des émissions religieuses.

A partir de 1998, le Prix Farel intègre les émissions à vocation non religieuse qui traitent occasionnellement une thématique religieuse. Ces émissions sont rassemblées dans une catégorie appelée «Profane» dotée d’un prix identique à celui de la catégorie «Eglises», qui regroupe les émissions à vocation religieuse qui ont un lien structurel avec les Eglises.

Pour l’édition 2006, les émissions sont réparties en trois catégories selon leur durée (format court – moyen – long) et le concours est appelé «Festival international du film à thématique religieuse».

Le 12 janvier 2006, une assemblée constitutive crée «l’Association Prix Farel», dont les membres appartiennent aux principaux partenaires de cette distinction, à savoir: Le CCRT (actuellement Cath-Info), Médias-Pro, département Médias des Eglises réformées de Suisse romande, la ville de Neuchâtel, l’Eglise Réformée évangélique du canton de Neuchâtel, l’Eglise catholique-romaine de Neuchâtel.

Le jury décerne un prix pour chaque catégorie. Le prix consiste en un trophée et un montant de 3’000 francs pour chacune des catégories court, moyen, long format et fiction. (cath.ch-apic/com/rz)

L'oeuvre de fiction «Blind date à la juive» est présentée au Prix Farel 2016 (capture d'écran)
17 octobre 2016 | 10:16
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture : env. 5  min.
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