«Que faire de ce Dieu qui a laissé mourir ma sœur?»
Comment croire aujourd’hui, dans un monde qui semble avoir perdu le sens? La pasteure protestante française Isabelle Pierron est venue répondre à cette question, le 15 septembre 2016, au Temple de la Fusterie à Genève. L’ancienne catholique a insisté sur la restauration du rapport à l’autre et à l’Autre.
La foi dans notre monde actuel, une évidence ou un combat? Dans sa réponse à la question de la modératrice Laurence Mottier, pasteure de La Fusterie, Isabelle Pierron se profile clairement comme une combattante. Pour elle, «croire» est une lutte quotidienne contre notre propre égoïsme, contre notre penchant naturel à la solitude.
Dans le temple genevois, la pasteure de l’Eglise protestante unie de France (EPUdF), raconte son parcours de vie, parsemé d’expériences qui l’ont amenée à entrer dans une foi «au-delà de la religion». Car elle avoue avoir de mauvaises relations avec les institutions religieuses.
Une nouvelle naissance
Isabelle Pierron témoigne d’une perspective plurielle, puisqu’elle est née dans une famille catholique. Issue d’un milieu bourgeois, la bibliste protestante avoue avoir vécu difficilement ses premiers cours d’écoles administrés par des sœurs. «Je ne me rendais pas compte que je vivais dans un milieu fermé, où je ne rencontrais que des personnes comme moi, que des chrétiens», souligne-t-elle.
Elle prend un premier virage avec la rencontre de son futur époux, non chrétien. L’Eglise refuse de les marier et les familles respectives sont en désaccord avec le projet d’union. Décidant de passer outre, elle se brouille avec une partie de ses proches.
Dieu nous incite à aimer «malgré tout»
Survient ensuite l’événement qui va bouleverser en profondeur sa vie: la mort, trop jeune, d’une sœur, victime du cancer. Ce drame ébranle durement son système de valeurs et questionne ses croyances. «Que faire de ce Dieu qui a laissé mourir ma sœur»?, se demande-t-elle alors. Elle entame ainsi un autre combat, qui fait figure en son for intérieur de «révolution». C’est en suivant son mari à Montpellier, puis à Paris, et en commençant des études à l’Université, qu’elle trouve des réponses. La découverte de la façon protestante de lire la Bible est pour elle «une nouvelle naissance». «J’ai découvert un Dieu que je ne pouvais pas saisir, que je ne pouvais pas comprendre, mais qui était là». Elles se convertit alors au protestantisme, ce qui indigne une bonne partie de sa famille, certains proches l’accusant même d’avoir «trahi Dieu».
Après être devenue pasteure, elle est amenée à accompagner des familles en deuil, ce qui lui fait dire que «Dieu a de l’humour».
L’amour aussi est un combat
Son étude de la Bible, qui continue à l’émerveiller quotidiennement, l’a amenée à porter un regard différent sur les combats de sa vie. «Les épreuves questionnent notre rapport à nous même et aux autres (…) elles nous obligent à revoir le système de valeur que nous avons mis en place pour nous protéger». Pour la pasteure, l’indignation, la révolte, la rébellion, sont des aspects qui font partie de notre dimension humaine. Elle rappelle que Jésus lui-même s’est rebellé et que c’est le chemin qu’il nous invite à prendre. Le Christ nous incite ainsi au questionnement et à aimer «malgré tout», car «l’autre n’est jamais ce que nous voulons». Pour Isabelle Pierron, l’amour aussi est un combat. Dans le monde actuel, où il existe des relations si exacerbées entre les sexes, les générations, les religions, les communautés, le rapport à l’autre – celui que l’on connaît – et à l’Autre – celui que l’on ne connaît pas-, est primordial. Pour pouvoir réaliser cet amour «malgré tout», Isabelle Pierron invite à appliquer un «tryptique»: écoute-pardon- et «Que veux-tu que je fasse pour toi?». Ce dernier point, qui reprend le questionnement de Jésus à l’aveugle Bartimée, est essentiel pour la pasteure. «C’est ce que Jésus nous dit aujourd’hui: ‘si tu as confiance en moi, vas t’occuper des autres!»
Quatre rencontres
Isabelle Pierron inaugure un cycle de quatre conférences organisées par L’Espace Fusterie, une démarche de l’Eglise protestante de Genève, sur le thème «Croire aujourd’hui». Les diverses personnalités diront leur manière de vivre la foi dans un monde de plus en plus diversifié et complexe. Si la première conférence invite une personnalité protestante, des intervenants d’autres confessions, notamment catholique sont prévus. Pour cette démarche qui se déploie dans le cadre du jubilé des 500 ans des la Réforme, en 2017, le but est aussi «d’ouvrir la chapelle», de découvrir d’autres perspectives, explique Laurence Mottier à cath.ch. (cath.ch-apic/rz)