Eucharistein: Nicolas Buttet est «assigné à résidence» en France

Le Père Nicolas Buttet, fondateur de la Fraternité Eucharistein, est «assigné à résidence» dans un monastère en France, a confirmé à cath.ch le diocèse de Fréjus-Toulon dont il dépend. A titre provisoire, Mgr Dominique Rey lui a demandé de «prendre un temps érémétique en s’abstenant de tout ministère public». Ce à quoi l’intéressé a consenti, tout en persistant à mettre en cause le rapport de la visite canonique de 2021.

«Nicolas Buttet n’est pas suspendu, il fait l’objet de mesures conservatoires. Ce qui est la procédure habituelle lorsqu’un prêtre ou un religieux fait l’objet d’une procédure canonique suite à des plaintes», a expliqué le 7 février 2023 à cath.ch Cyrille Jacquot, le modérateur de la Fraternité Eucharistein.

Le rapport de la visite canonique, qui s’est déroulée, à la demande de la fraternité, entre janvier et mars 2021 dans les trois maisons, à Château-Rima et Saint-Jeoire, en France, ainsi qu’à Epinassey, en Valais, met en cause Nicolas Buttet dans la gouvernance de la fraternité.

Le document de 13 pages, que s’est procuré cath.ch, mentionne notamment: «l’exercice de l’autorité au sein de la Fraternité a été marqué par un système pyramidal abusif, infantilisant et qui a annulé les personnes dans leur diverses dimensions de leur être, en particulier leur psychologie.» Le rapport pointe également «des phénomènes d’emprise et de manipulation dans l’organisation du temps des personnes jusqu’au moindre détail de leur activité et de leur vie.»

Manque de suivi

Le document fait aussi état de «l’absence de suivi plus fréquent et plus lucide de la part de l’évêché dont dépend la communauté.»

Le service de communication du diocèse de Fréjus-Toulon a confirmé à cath.ch: «Effectivement, à la suite d’une visite canonique et de l’ouverture d’une procédure canonique effectuées au début de l’année 2022, des mesures conservatoires ont été signifiées par Mgr Dominique Rey, évêque de Fréjus-Toulon, à Nicolas Buttet qui n’exerce plus de ministère public (messe privative seulement) et vit assigné à résidence dans un ermitage.»

Le diocèse de Sion a de son côté indiqué qu’un courrier a été envoyé à tous les curés du diocèse au début du mois de juillet 2022. Mgr Jean-Marie Lovey leur a demandé de signaler toute demande de ministère de la part de Nicolas Buttet. «Il ne s’agit pas d’une mesure supplémentaire à celle qu’a prise Mgr Rey qui est l’évêque de tutelle de Nicolas Buttet. Il s’agit pour nous de vérifier que cette mesure conservatoire est bien appliquée dans le diocèse», explique Pierre-Yves Maillard, le vicaire général du diocèse.

Une exclaustration d’un an

«D’un commun accord, Nicolas et moi avons décidé une exclaustration d’un an, depuis le mois d’octobre 2022, car il était nécessaire de vivre une période d’éloignement entre la communauté et Nicolas», ajoute Cyrille Jacquot – L’exclaustration est une possibilité pour un religieux de quitter temporairement sa communauté pour différents motifs. Elle peut durer jusqu’à trois ans.

«Nicolas est toujours membre de la fraternité», précise en outre Cyrille Jacquot. Même si à l’issue de la visite canonique, les membres de la fraternité n’ont pas souhaité son retour, ce que mentionne d’ailleurs le rapport: «La quasi-totalité des membres ne voient pas Nicolas Buttet vivre la vie de la fraternité dans le futur. Ils disent clairement qu’il n’est pas capable de vivre la vie qu’il leur a toujours demandé de vivre, la prière, les repas, la pauvreté, le travail».

Le modérateur de la fraternité est très clair: «S’il continue à contester le rapport canonique, le retour dans la communauté de Nicolas est impossible. Il va devoir reconnaître, comme chacun des membres de la fraternité l’ont fait, les faits rapportés par les visiteurs et les souffrances qu’ont vécues certains frères et sœurs.»

La fraternité compte actuellement 41 membres répartis dans les trois maisons. Sept d’entre eux sont à l’extérieur pour raison de repos, dont trois sont exclaustrés pour repos et discernement. (cath.ch/bh)

Sollicité par cath.ch, Nicolas Buttet donne, le 16 février 2023, sa version des faits au sujet de la visite canonique et de son assignation dans un ermitage en France.

Au sujet de la visite canonique
«Je tiens maintenant à préciser que la requête en nullité de la visite canonique n’est pas venue de ma propre initiative. Lorsque les autorités romaines ont entendu que je n’avais pas été auditionné par les visiteurs – et ce malgré le mandat explicite donné par l’évêque à ces derniers et malgré une lettre particulière de l’évêque adressé au P. [Père Gilbert] Narcisse qui insistait sur le fait que je sois entendu; qui plus est, lorsque ces autorités ont constaté que les visiteurs ont affirmé mensongèrement à deux reprises dans leur rapport que «tous est chacun des frères et sœurs» avaient été entendus personnellement par eux alors que je ne l’avais pas été, ces autorité romaines m’ont demandé de faire cette requête pour vice grave de forme dans la visite. J’ai donc effectué cette requête en obéissance aux autorités romaines.»

Au sujet de l’assignation à résidence
«Je précise qu’en date du 23 janvier 2023, à la demande de Rome et de Mgr Rey, j’ai fait ma requête formelle de sortie de la fraternité. Le Conseil (composé du modérateur et des responsables des maisons, ndlr) de la fraternité a refusé ma demande. En échange, le Modérateur m’a proposé une exclaustration temporaire.»
«Maintenant, on m’a demandé de vivre une vie d’ermitage. J’obéis avec joie. J’ai eu l’occasion de vivre 5 ans comme ermite à la Chapelle du Scex avant que la Fraternité ne naisse. J’ai donc repris cette vie qui fut celle que j’ai vécu après avoir travaillé 4 ans au Vatican comme collaborateur du Cardinal Roger Etchegaray: Vie de prière et de jeûne, vie de travail manuel et de lecture, vie aussi d’accueil des souffrances de notre monde qui se présentent à moi.»

«Si vous me demandez maintenant ce que je désire faire par la suite? La volonté de Dieu! si ça ne tenais qu’à moi: foncer quelque part dans le monde avec les Missionnaires de la Charité et vivre avec elles ce que Dieu a mis dans mon cœur en m’appelant à vivre dans la fraternité Eucharistein à son origine. Mes séjours l’année dernière à Calcutta, à Addis Ababa, à Tachkent, à Nairobi, à Rio de Janeiro n’ont fait que raviver cette flamme du service sans conditions et jusqu’au bout de nos frères et sœurs les plus pauvres, ce qui est bien difficile à vivre à la Fraternité Eucharistein aujourd’hui. Mère Teresa, à qui j’avais parlé de ce feu qui habitait mon cœur, c’était avant son départ pour le Ciel, m’avait dit : faites cela chez vous, il y a tellement de pauvres à servir, même en Suisse. Servez les pauvres chez vous». c’était un an avant qu’Eucharistein ne naisse.»