Étienne Ier, saint fondateur de la Hongrie
Fondateur du royaume de Hongrie en l’an mil et évangélisateur de son peuple, le roi Étienne Ier est non seulement le saint patron de son pays, mais aussi une référence incontournable de l’identité magyare. Alors que le pape François s’apprête à visiter la Hongrie du 28 au 30 avril 2023, retour sur le rôle clé que saint Étienne joue dans l’histoire du pays d’Europe centrale.
Au Xe siècle, la Hongrie est un territoire pris en tenaille entre les Byzantins et l’Empire romain germanique, et tiraillé par des divisions internes. Depuis l’arrivée du légendaire roi Arpad, à la tête de clans magyars, peuplades venues de l’Oural, des princes tentent de s’imposer sur l’antique plaine de la Pannonie.
L’un d’entre eux, le païen Géza s’allie à ses voisins chrétiens de Bavière et donne la main de son fils Vajk à Gisèle. Ce dernier est alors baptisé et éduqué dans la foi. Des monastères peuvent s’établir, et les évêques envoyés de l’ouest conseillent le monarque. À la mort de ce dernier en 997, Vajk, dont le prénom est christianisé en Étienne, décide d’unir son peuple. Habile politicien et vaillant combattant, il fonde le premier royaume de Hongrie en l’an mil après avoir vaincu son ennemi, le prince Koppany. Gouvernant son peuple « selon la volonté de Dieu », il consolide son pouvoir, étend les limites de son royaume et le pacifie, s’appuyant très largement sur l’Église, au nom de laquelle il convertit sa population.
Étienne est aussi un acteur important de la pacification de l’Europe centrale après les grandes invasions. Il se rapproche des Byzantins, du royaume de Pologne, de la Rus’ de Kiev et des princes allemands. Valeureux guerrier, il résiste aux assauts de l’empereur Conrad II, successeur de son allié Henri II. Pendant cette période, son pays connaît en fait une paix relative et un certain développement : la nouvelle capitale, Székesfehérvár, accueille des pèlerins de l’Europe de l’Ouest qui se rendent en Terre Sainte. Des marchands commencent à affluer, et sa réputation se diffuse sur le Vieux Continent.
Le culte d’un grand monarque chrétien
Cependant, à sa mort en 1038, le règne d’Étienne apparaît comme une réussite stérile: son fils Émeric a été tué par un sanglier lors d’une chasse quelques années plus tôt, le laissant sans héritier. De plus, une guerre civile éclate alors, et son cousin Vazul prend la tête du pays avec une armée de païens. Mais Vazul, une fois installé sur le trône d’Étienne, décide finalement de marcher dans ses pas. Il maintient la place de l’Église dans la société hongroise et se présente comme son fidèle successeur.
La réputation du roi Étienne est devenue incontournable dans son pays. Dès sa mort, un culte lui aurait en effet été voué, en particulier de la part de la population qui le considère comme un défenseur des droits du peuple. En 1083, à la demande de son saint successeur Ladislas Ier, le pape Grégoire VII autorise sa canonisation, ainsi que celle de son fils Émeric. Quatre autres rois hongrois, dont il est le saint protecteur, porteront son nom par la suite.
Le prestige de ce grand roi chrétien gagne l’Europe: ses reliques sont envoyées à Aix-la-Chapelle et à Cologne en Allemagne, au Mont-Cassin en Italie et à Namur en Belgique. Trois hagiographies sont diffusées au XIIe siècle, et l’une d’elle, écrite par un évêque hongrois, est même approuvée par le pape Innocent III en personne en 1201.
Un père de l’identité hongroise
À partir du XIe siècle et jusqu’à la fin de la monarchie dans le pays, les souverains hongrois reçoivent la « Sainte Couronne », dite « du roi Étienne », lors de leur sacre. Cet ornement, offert par les empereurs byzantins est reconnaissable à sa croix penchée, une inclinaison qui aurait été provoquée par la reine Isabelle au XVIe siècle quand elle l’aurait rangée dans un coffret trop petit en fuyant à la hâte les Ottomans.
S’il est difficile de prouver que cette couronne a bien été remise par le pape Sylvestre II à saint Étienne, la couronne à la croix penchée est devenue un des symboles les plus importants de la souveraineté du peuple hongrois. Elle est d’ailleurs représentée sur les armoiries de la Hongrie et est conservée sous haute garde dans le Parlement hongrois.
En 1541, Buda, capitale du royaume de Hongrie, tombe aux mains des Ottomans, qui gouverneront le pays pendant 145 ans. Il faudra attendra 1684 et la fondation de la Sainte Ligue par l’empereur Léopold Ier et le pape Innocent XI pour envisager la reconquête de la capitale hongroise, avec l’aide du roi Jean Sobieski de Pologne et de la République de Venise. Après deux sièges, Buda est finalement reprise. Joseph, fils de l’empereur Leopold, est alors sacré roi de Hongrie avec la couronne de saint Étienne.
Au XVIIIe siècle, pour renforcer la fidélité des aristocrates hongrois, l’impératrice Marie Thérèse décide de « ressusciter » un vieil ordre de chevalerie qui aurait existé à l’époque du premier suzerain du pays. Nommé Ordre de Saint-Étienne de Hongrie, il est réservé aux personnalités ayant rendu des services particulièrement remarquables à la couronne.
Une référence toujours prégnante
Pendant la période communiste, Étienne est peu mis en valeur par le pouvoir au profit d’un autre grand chef aux origines hongroises supposées, Attila le Hun. Le 20 août, la Hongrie communiste célébrait d’ailleurs non pas la canonisation de saint Étienne mais la fondation de la république socialiste. Au début du XXIe siècle, le saint roi redevient un symbole du pays, et la fête de la fondation de la nation par saint Étienne est célébrée chaque 20 août. Un grand feu d’artifices est organisé et une procession transporte la « Sainte Dextre » – relique de la main du roi – dans la ville de Budapest.
Supprimé en 1944 après la disparition du royaume de Hongrie, l’Ordre de Saint-Étienne a aussi été ressuscité en 2011 par le premier ministre Viktor Orbán, qui en fait la plus haute récompense du pays. La même année, le chef du gouvernement a fait voter une nouvelle Loi fondamentale pour son pays – sorte de Constitution – dans laquelle est affirmée dès le premier article la fierté de son peuple. Le premier motif de cet orgueil national est que leur « roi Saint Etienne, il y a mille ans, ait placé l’État hongrois sur des fondations solides et ait fait de notre patrie une part de l’Europe chrétienne ». (cath.ch/imedia/cd/mp)
Le voyage du pape François en Hongrie, du 28 au 30 avril prochains, constitue le troisième séjour officiel d’un pape dans ce pays d’Europe centrale.