Condamné à mort ou non selon la couleur de votre peau
Etats-Unis: Rapport accablant d’Amnesty International sur la justice américaine
Accra/Lausanne, le 18 mai 1999 (APIC) Mieux vaut être blanc que noir aux Etats-Unis. La justice américaine accorde en effet plus de valeur à la vie d’un Blanc qu’à celle d’un Noir. Le rapport publié lundi par Amnesty International (AI) à Accra (Ghana) dénonce les préjugés raciaux, véritable gangrène du système judiciaire américain. Les meurtriers noirs d’une victime blanche courent un risque beaucoup plus élevé d’être condamnés à mort et exécutés.
Amnesty International mène actuellement une campagne mondiale sur les violations des droits humains aux Etats-Unis. Depuis des années, elle attire en vain l’attention des autorités américaines sur l’application raciste de la peine de mort. Le rapport «Etats-Unis: Des préjugés qui tuent: la question raciale et la peine de mort» est lancé à l’occasion du 5e sommet africain et afro-américain qui se déroule actuellement à Accra, au Ghana.
La discrimination raciale, quoique plus subtile que par le passé, continue aujourd’hui de jouer un rôle destructeur au sein du système de justice américain. Amnesty International se heurte à un mur d’indifférence ou à la négation pure et simple du problème. L’organisation humanitaire rappelle l’obligation des autorités américaines de veiller à ce que l’égalité devant la loi, garantie par la Constitution des Etats-Unis, devienne réalité pour tous les habitants du pays.
Peine de mort: une exclusivité pour les noirs…
«La majorité des Américains jugeraient parfaitement odieux aujourd’hui des symboles racistes aussi explicites que l’inscription «Réservé aux Blanc» des années 50. Pourtant, ils sont les témoins silencieux d’une forme plus subtile de racisme faisant partie intégrante du système de justice pénale, qui envoie à la mort des afro-américains à un rythme de plus en plus effréné», dénonce le secrétaire général d’Amnesty International, Pierre Sané.
Le rapport d’AI démontre comment les préjugés raciaux peuvent affecter l’équité d’un procès au terme duquel l’accusé risque sa vie. Ainsi, des procureurs requièrent la peine de mort plus souvent – parfois exclusivement – contre les Noirs. Des jurés emploient ouvertement des expressions racistes lors des délibérations sur la détermination de la peine ou encore des candidats susceptibles de devenir jurés sont récusés uniquement parce qu’ils appartiennent à la même race que l’accusé. Enfin, des juges n’hésitent pas à faire des déclarations racistes.
Onze fois plus de risques pour un Noir que pour un Blanc
Sur les 500 prisonniers exécutés aux Etats-Unis entre 1977 et la fin de l’année 1998, plus de 81% avaient été reconnus coupables du meurtre d’une victime blanche: alors qu’à l’échelle nationale les Blancs et les Noirs sont victimes de meurtre dans une proportion égale à l’échelle nationale. Il a également été démontré que lorsqu’un Noir tue un Blanc, la probabilité qu’il soit condamné à mort est 11 fois plus élevée que dans le cas inverse.
«Le simple fait que les autorités refusent d’admettre le rôle déterminant joué par l’appartenance raciale ou ethnique ou encore le statut social dans l’application de la peine de mort, et, partant, ne cherchent pas à y remédier, donne une idée de l’ampleur du problème», déplore le Secrétaire général d’Amnesty International.
Discrimination pour tous les «étrangers»
Le rapport montre en outre que la discrimination qui pervertit le système de justice pénale américain frappe aussi les Hispano-américains, les Amérindiens, les Américains d’origine asiatique ou d’origine arabe. «Il n’y a qu’un seul moyen d’éliminer les préjugés ethniques et les attitudes racistes qui pervertissent la procédure des affaires passibles de la peine de mort aux Etats-Unis: en finir avec la peine capitale elle-même», conclut Pierre Sané. (apic/com/ab)