Les Eglises persécutées pour imposer le silence

Etats-Unis: Hitler avait planifié de supprimer les Eglises, selon des archives américaines

Washington, 7 mars 2002 (APIC) Les nazis avaient programmé la suppression des Eglises chrétiennes en vue de leur substituer un culte paganiste exaltant la race arienne, affirme l’historienne Julie Selzer Mandel, qui a consulté des documents des services secrets des Etats-Unis. Le «Corriere della Sera» du 4 mars donne un aperçu de cette recherche, mettant en lumière ce qu’il appelle «la lutte entre la croix et la swastika» (symbole hindou en forme de croix gammée). Les archives américaines révèlent également les persécutions subies par les Eglises afin de leur imposer le silence.

«Les responsables nazis voulaient extirper totalement le christianisme et le remplacer par une religion raciale adaptée à leurs objectifs. Ils croyaient pouvoir étouffer les Eglises protestante et catholique en un temps relativement bref. Ils avaient établi un plan avant même d’avoir pris le pouvoir. Le plan est né des rencontres entre les chefs nazis auxquels Hitler faisait le plus confiance: Goering, Goebbels, Rosenberg, Hess, Schemm, Von Schirach. Des chefs moins anti-religieux comme Von Epp et Von Papen n’ont probablement pas été mis au courant». C’est ainsi que commencent les volumineux dossiers des services d’espionnage des Etats-Unis de la seconde guerre mondiale (OSS) en vue du procès de Nuremberg. Ces archives ont été rédigés sous la direction de William Donovan (»Wild Bill»), fondateur de l’Office of Strategic Services (OSS), mort en 1959. Il s’agit de 148 volumes conservés à la Cornell University.

Julie Selzer Mandel a écrit un livre de 108 pages, le premier d’une série, qui s’intitule: «Persécution des Eglises chrétiennes» et qui reprend les thèses des archives qu’elle a consultées. Rappelons que cette thèse de la volonté de supprimer les Eglises apparaît clairement dans les discours du Führer, mais aussi dans le journal de Goebbels ou dans les Actes du procès de Nuremberg. Un rapport de la Gestapo explique que sans cette destruction, Hitler disait qu’il ne pourrait pas imposer son idéologie aux chrétiens allemands.

Pour un néo-paganisme exaltant la supériorité de la race arienne

La thèse essentielle du livre de Julie Selzer Mandel est que Hitler avait décidé de supprimer les Eglises et de mettre en place un néo-paganisme d’Etat exaltant la supériorité de la race arienne. «Sur les relations entre le nazisme et les Eglises protestante et catholique, les jugements les plus opposés ont été exprimés», remarque le Corriere della Sera, qui ajoute: «Donovan – considéré par les media de l’époque comme les yeux et les oreilles du président Roosevelt – en dessine un cadre conflictuel, une sorte de lutte entre la croix et la swastika».

Les dossiers de William Donovan, lui-même catholique, rassemblent de nombreux documents sur le néo-paganisme nazi, en particulier des films de rites ancestraux nocturnes en particulier pour les jeunes, à la lumière de torches, avec force symboles et formules «magiques» et allusion aux anciennes divinités de la mythologie germanique, à commencer par Wotan (Odin), honoré par les chefs nazis. Selon le Corriere della Sera toujours, un des piliers de cette «persécution des Eglises» et du retour au paganisme était Baldur von Schirach, chef des jeunesses hitlériennes.

Les «odinistes» d’aujourd´hui protestent

Les disciples de Wotan-Odin, encore présents, de l’Allemagne à l’Australie, ont protesté à la publication du livre, précise le quotidien italien. Ils défendent Hitler d’avoir déterré les vieilles idoles germaniques. «Odin est mort» aurait déclaré Rosenberg. Et Von Schirach voulait rassurer les familles: on n’allait pas pousser les jeunes à dresser des autels dans les forêts. Les «odinistes» citent un passage de «Mein Kampf» critiquant le paganisme du passé. Effectivement, Hitler se moquait de ces cultes anciens. Mais ils étaient pris au sérieux par des Rosenberg ou des Himmler.

C’est de Von Schirach que part Donovan pour montrer que «la destruction du christianisme a été un élément clef du projet nazi de conquête mondiale». En 1934, le chef des jeunesses hitlériennes déclarait en effet que cette destruction «est explicitement reconnue comme un objectif de notre mouvement, même si il ne peut pas être exprimé officiellement».

Les évêques allemands refusent les sacrements aux nazis

Selon Donovan, Hitler voulait manipuler les Eglises dans un premier temps, comptant sur leur «caractère conservateur» pour obtenir leur soutien «pour la patrie et contre le communisme». Mais il était en même temps conscient que les Eglises «n’auraient pas approuvé le racisme, la guerre et l’asservissement à l’Etat», et se préparait à les anéantir plus tard. Donovan souligne aussi que jusqu’en 1933, les rapports étaient tendus: «En stigmatisant le nazisme comme anti-chrétien, les évêques allemands refusèrent les sacrements aux nazis et interdirent aux fidèles de les fréquenter».

Or, en 1933, Hitler arrive au pouvoir, mais de façon «légitime», et le paysage change lorsque l’ennemi représente l’Etat.

92 prêtres catholiques jetés d’entrée en prison par Hitler

Rappelons comme l’a établi Jean-Yves Riou dans «Histoire du Christianisme Magazine», (n. 9, pp. 11-14) que «c’est Hitler qui a voulu le concordat» entre l’Etat et les Eglises. «La responsabilité d’un refus serait retombée sur le Saint-Siège. Pendant les tractations, pour faire pression sur l’Eglise, Hitler a fait jeter en prison quatre-vingt douze prêtres catholiques, fermer neuf journaux catholiques, et perquisitionner des dizaines de cercles de jeunes proches de l’Eglise». D’autre part, Jean-Yves Riou rappelle qu’un concordat n’est pas un traité d’amitié mais un document juridique pour gérer les relations entre l’Eglise et l’Etat dans une Nation et une situation donnée. Avant le concordat imposé par Hitler, les occidentaux avait signé avec le Reich le «Pacte des Quatre nations» (France, Grande-Bretagne, Italie, Allemagne), le 7 juin 1933. Riou cite les documents du «Foreign Office» témoignant de l’état d’esprit du nonce Pacelli au moment au concordat. Sans illusion, il disait en substance à un diplomate britannique: «Hitler ne violera peut-être pas tous les points du concordat en même temps».

«Mit brennender Sorge», un tournant

Pour Donovan, le bras de fer entre les Eglises et le Reich prend une tournure décisive en 1937. La campagne, selon lui, commença par un document de Pie XI distribuée clandestinement: «Mit brennender Sorge», condamnant l’idéologie nazie, (dont la rédaction finale est en fait due à Pacelli, futur Pie XII). Le texte, commente Donovan, dénonce les violations du concordat en avertissant que «dès le début, les intrigues d’Hitler ont visé exclusivement à une guerre d’extermination».

Donovan montre que le message a été bien reçu par Hitler: il a répondu par «une répression graduelle et sans pitié» contre les chrétiens, continue le Corriere della Sera. Le quotidien cite le cas du pasteur Martin Niemoller, arrêté et traîné en justice. Le procès l’ayant lavé de toute accusation, il fut cependant déporté par la Gestapo dans un camp de concentration dont il ne sortit qu’à la fin de la guerre. On sait qu’Hitler faisait enfermer à Dachau des milliers de prêtres catholiques dont il faisait un objet de chantage pour les évêques et le pape: des mesures de rétorsion suivaient les protestations de la hiérarchie. Des évêques et des prêtres étaient menacés et attaqués. Le quotidien italien cite cette déclaration du maire de Baden, Robert Wagner: «Que le Vatican ne se fasse pas d’illusion, sur la création de martyrs. Nous ne leur donnerons pas satisfaction. Nous aurons des criminels, pas des martyrs».

Un oracle que l’histoire a démenti: Jean-Paul II béatifié et canonisé comme martyrs des victimes de la persécution nazie en Allemagne et en Pologne, prêtres, religieuses et religieux, et laïcs de différentes conditions. Rappelons que dès septembre 1939, c’est-à-dire lors de l’entrée des troupes du IIIe Reich en Pologne, des prêtres catholiques ont été arrêtés et déportés selon une progression continue. Des centaines d’entre eux ont servi, à Dachau, à des expériences criminelles de la part de médecins nazis. 108 martyrs polonais du nazisme ont été béatifiés par Jean-Paul II à Varsovie le 13 juin 1999.

Les protestants «pris en otage» et les catholiques sous la terreur

Donovan, explique la même source, donne la liste des étapes de «la dissolution du christianisme» à travers les lois sur la religion en Allemagne à partir de 1935, avec une sorte de «prise d’otage» des protestants non seulement en Allemagne, mais dans les pays occupés, comme la Norvège, en les soumettant à une «administration contrôlée».

Les dossiers Donovan cite des dizaines de cas «d’intimidation de l’Eglise catholique». Le Corriere della Sera retient la dévastation du bureau de Mgr Stroll, à Rottenbourg, ou l’expulsion de l’évêque de Fribourg en Brisgau de son diocèse avec accusation de haute trahison et confiscation de toutes ses lettres pastorales adressées publiquement aux fidèles. Avec la déclaration de guerre, la persécution devient féroce, indique Donovan: «le pasteur Dietrich Bonhoeffer est pendu pour complot contre l’Etat, et des dizaines de prêtres catholiques finissent en camps de concentration».

Mais ce rapport Donovan et les 108 pages publiées ne sont que «la pointe de l’iceberg», commente Julie Seltzer Mandel, qui ajoute: «Je suis sûre que les 147 autres volumes cachent des surprises éclatantes». (apic/zn/bb)

8 mars 2002 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 6  min.
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