Est-il possible de célébrer Pâques au Vatican sans le pape?
Hospitalisé depuis 21 jours, le pape François n’a pas participé à la traditionnelle messe du Mercredi des Cendres célébrée dans une église de l’Aventin à Rome le 5 mars 2025. La question de la participation ou non du pontife aux célébrations pascales, cœur de l’année liturgique pour l’Église catholique, peut être posée. Plusieurs précédents permettent d’anticiper cette éventualité.
La non-participation du pape à la Semaine sainte ne pose pas de problème pour le bon fonctionnement de l’Église. «Le pape peut tout à fait être malade et manquer une célébration importante de l’année liturgique, comme il l’a fait à plusieurs reprises ces dernières années. Il lui suffit de déléguer la présidence de la messe à un cardinal», assure le canoniste français Mgr Patrick Valdrini. Il n’en va pas de même pour la bénédiction Urbi et Orbi, que seul le pape peur donner (voir encadré).
En 2022, souffrant du genou, le pape avait ainsi dû s’abstenir de participer aux célébrations du Jeudi saint. Il avait aussi annulé sa participation au chemin de croix du Vendredi saint en 2023 et en 2024 en raison de problèmes de santé. Il n’a en revanche jamais manqué la messe du dimanche de Pâques depuis son élection en 2013.
Pâques et Sede vacante
Il est aussi théoriquement possible que la Semaine sainte soit célébrée pendant une période de Sede vacante, qui s’ouvre après la démission ou la mort du pape. «Dans un tel cas, c’est le collège des cardinaux, rassemblé en congrégations, qui déciderait de la marche à suivre. Et les cardinaux éviteraient probablement de mettre le conclave pendant la Semaine sainte», affirme Mgr Patrick Valdrini. Un tel cas de figure est déjà survenu dans l’histoire, les derniers en date étant les conclaves de 1721 et de 1769.
En 1721, le conclave dura plus d’un mois et engloba la Semaine sainte. Un témoin de l’époque rapporte que les cardinaux, pendant cette semaine, avaient «poursuivi les scrutins habituels, excepté le matin de Pâques, où ils ont exercé leurs actes de piété chrétienne en célébrant la Sainte Messe».
En 1769, le conclave avait duré plus de trois mois, et avait été perturbé pendant la Semaine sainte par l’arrivée à Rome de l’empereur Joseph II. Ce dernier avait été autorisé, en dépit des règles en vigueur, à rencontrer les cardinaux pourtant en conclave, et avait même pu examiner des bulletins de votes, selon un chroniqueur. Celui-ci rapporte aussi que les cardinaux «décidèrent de l’illumination de la coupole et de la façade de la basilique vaticane dans la soirée du dimanche de Pâques» en honneur de leur hôte.
Le chemin de croix de Jean Paul II en 2005
Plus récemment, une autre Semaine sainte mémorable fut celle de 2005, qui survint quelques jours avant la mort de Jean-Paul II. Dans le livre Lasciatemi andare, le docteur Renato Buzzonetti, médecin personnel de Jean Paul II, rapporte que le pontife polonais avait tenté de repousser, sans succès, une trachéotomie à la fin du mois de février 2005 dans le but de pouvoir célébrer Pâques.
Le pape avait perdu sa capacité à s’exprimer clairement, et était finalement sorti de l’hôpital une semaine avant le dimanche des Rameaux. La messe ouvrant la Semaine sainte avait été présidée par le cardinal Camillo Ruini, vicaire de Rome, le pontife regardant la cérémonie depuis la fenêtre de son bureau du Palais apostolique. «Incapable de parler, il était parvenu, avec difficulté, à agiter un brin d’olivier», se souvient Romilda Ferrauto, alors journaliste pour Radio Vatican.
Son état ne s’améliorant pas, Jean Paul II avait délégué la présidence de chaque célébration et avait été contraint de renoncer au chemin de croix du Vendredi saint. Le Centre de télévision du Vatican avait alors mis en place une liaison vidéo depuis la chapelle privée du pape, qui apparaissait de dos, assis devant un écran pour suivre la Via Crucis.
Lors de la dernière station du chemin de croix, Jean Paul II avait pris un crucifix avec des mains tremblantes et l’avait serré contre lui. «C’était un moment d’une grande émotion, vraiment inoubliable. Le cardinal Ratzinger l’avait remplacé, et ses méditations, ce soir là, ont beaucoup joué dans son élection ensuite», se souvient encore Romilda Ferrauto.
Le dimanche de Pâques, Jean Paul II était apparu à la fenêtre du Palais apostolique, la messe étant célébrée par le cardinal secrétaire d’État Angelo Sodano. Souffrant beaucoup, secoué de tremblements, il n’avait pu prononcer la bénédiction Urbi et Orbi et s’était limité à un geste de la main, devant une foule émue de fidèles présents sur la place Saint-Pierre.
«Il vaudrait peut-être mieux que je meure, si je ne peux pas remplir la mission qui m’a été confiée… Que ta volonté soit faite… Totus tuus», aurait-il alors confié à son secrétaire, Stanisław Dziwisz, selon le livre Lasciatemi andare. Jean Paul II ne réapparaîtra en public qu’une seule fois, le mercredi 30 mars, dernier jour avant le début de son agonie, qui prit fin le 2 avril. (cath.ch/imedia/cd/bh)
Urbi et Orbi
La bénédiction Urbi et Orbi (»à la ville et au monde») est délivrée à l’occasion des fêtes de Pâques, de Noël et à l’occasion d’événements exceptionnels –le pape donna la bénédiction Urbi et Orbi pour les personnes atteintes du coronavirus en mars 2020, pendant la pandémie. La bénédiction est précédée du message que le pape adresse aux fidèles avant d’accomplir le geste. Le pape peut déléguer la lecture du message qui accompagne la bénédiction, mais il est le seul à pouvoir effectuer le geste. Le lieu n’est pas défini: la loggia d’où le pape donne habituellement la bénédiction est une tradition, en aucun cas une obligation. Il est tout à fait possible que le pape François, s’il est encore hospitalisé à Pâques, donne la bénédiction depuis la fenêtre de sa chambre d’hôpital après avoir lu son message. CD